III- PROGESTATIFS DE DERNIERE GENERATION
2- Attitudes et recommandations des autorités de santé
recommandations des autorités de santé depuis 2002 :
2-1-1-Avis de l’ANSM :
Dans son communiqué daté du 28/09/2001 (40) l’ANSM, reprenant les conclusions
du rapport d’évaluation de l’Agence Européenne du médicament, souligne le
surrisque thromboembolique veineux supérieur des pilules contenant du
désogestrel ou du gestodène associés à l’éthinylestradiol comparativement à celles
contenant du lévonorgestrel, sans toutefois préconiser de préférence de
prescription pour ces dernières. L’ANSM précisait, dans les recommandations faites
aux utilisatrices, qu’il n’y avait aucune justification à l’arrêt des pilules contenant des
progestatifs de troisième génération. L’association norgestimate/éthinylestradiol
n’était pas étudiée.
Plus récemment, dans sa lettre d’information datée du 01/10/2012 (41), elle
recommande la prescription des pilules de deuxième génération contenant du
lévonorgestrel en première intention, reprenant les conclusions de la revue de la
littérature effectuée par l’Agence Européenne du médicament mettant en relief le
surrisque thrombo-embolique deux fois plus élevé des pilules contenant des
progestatifs de dernière génération (gestodène, désogestrel, drospirénone)
relativement à celles contenant du lévonorgestrel, tout en précisant que ce risque
reste rare. Ces conclusions sont élargies aux pilules contenant du norgestimate.
L’importance de l’information et du suivi des patientes sous contraception est
rappelée.
2-1-2-Commissions de la transparence de la HAS concernant les progestatifs
de troisième génération :
La Commission de la Transparence en 2002 avait examiné 15 spécialités de
contraceptifs oraux combinés de troisième génération ; citant les conclusions
d’études de tolérance récentes elle avait retenu le risque thrombo-embolique
veineux relatif entre les estroprogestatifs de troisième et deuxième générations
compris entre 1,5 et 2 ; les produits étaient équivalents sur le plan de l’efficacité et
des autres risques par ailleurs. La Commission avait alors conclu à un SMR
important et à l’absence d’ASMR par rapport aux contraceptifs de deuxième
génération ; aucune spécialité n’avait obtenu d’avis favorable à l’inscription sur la
liste des médicaments remboursables, et de nouvelles données scientifiques de
meilleur niveau de preuve (cf. Annexe 1) étaient attendues.
Le profil de tolérance des estroprogestatifs de troisième génération a été réévalué
lors d’une seconde Commission en 2007.
Les nouvelles données scientifiques de tolérance disponibles, dont deux
méta-analyses, allaient dans le même sens que les précédentes (42-44). Il était toutefois
précisé que toutes les études disponibles étaient observationnelles et de niveau de
preuve peu élevé.
Les conclusions de cette nouvelle commission de la transparence étaient de
réserver ces produits en deuxième intention, compte tenu de la balance
bénéfices/risques défavorable comparativement aux contraceptifs de deuxième
génération, et à l’absence d’ASMR objectivé.
En 2009 le laboratoire Schering demande une Commission de la Transparence afin
d’étudier l’éligibilité de sa spécialité Varnoline continu pour l’inscription sur la liste
des médicaments remboursables, avançant l’argument d’une meilleure observance
par limitation des oublis de prise, du fait de son schéma de prise particulier
(« continu » sur les 28 jours du cycle, sans période d’arrêt). Les conclusions restent
les mêmes que pour les CT précédentes, mais un avis favorable au remboursement
est émis.
Dans les suites et jusqu’à réévaluation du SMR des COC de troisième génération
par une nouvelle Commission de la Transparence en juin 2012, après saisine de la
Direction Générale de la Santé (DGS) fin 2011, 23 spécialités de contraceptifs de
3
èmegénération avaient obtenu un avis favorable à leur remboursement.
Cette nouvelle réévaluation, tenant compte notamment de nouvelles études
observationnelles sur les risques thrombo-emboliques veineux, d’une revue
systématique de la littérature, ainsi que de revues systématiques Cochrane et de
l’étude COCON de l’INED sur la tolérance clinique des COC de dernière génération,
a conclu au risque thrombo-embolique veineux significativement supérieur des
pilules contenant du gestodène et du désogestrel comparativement à celles
contenant du lévonorgestrel (pour le gestodène, le RR était compris entre 1,3 et 2,1
selon les études ; pour le désogestrel, le RR était compris entre 1,8 et 2,2), et à
l’absence de différence en terme de tolérance entre les COC de deuxième et
troisième génération (8, 10, 32-35, 45-48).
Concernant le norgestimate, moins bien étudié dans les différentes études citées,
les conclusions des différents auteurs étaient divergentes. La Commission de la
Transparence, considérant que les données disponibles, insuffisantes, ne
permettaient pas de différencier le norgestimate du gestodène et du désogestrel en
terme de surrisque thrombo-embolique veineux, a émis les mêmes
recommandations pour ces trois progestatifs : remettant en cause la stratégie de
prescription des COC de troisième génération telle qu’indiquée dans ses
recommandations en 2007, et soulignant qu’elles pouvaient faire l’objet d’une
« erreur d’interprétation » puisque les COC de troisième génération pouvaient être
prescrits en première intention, elle a conclu que les nouvelles données disponibles
ne permettaient plus de positionner les contraceptifs oraux de 3
èmegénération en
deuxième intention, et enfin que le service médical rendu par ces spécialités était
jugé insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale.
Les pilules contenant un progestatif de « quatrième génération » n’ont fait l’objet
d’aucune demande de remboursement donc d’aucune Commission de la
Transparence de la HAS.
Il peut être intéressant de noter que plusieurs études évaluant le surrisque
thrombo-embolique de ces pilules, parallèlement à leur profil de tolérance équivalent aux
COC de deuxième génération, étaient déjà connues ; les conclusions des travaux
réalisés ultérieurement, de niveau de preuve quasi équivalent, allaient dans le même
sens. On peut ainsi s’étonner de ce changement de « politique » qui ne semble pas
en lien avec de nouvelles avancées ou connaissances scientifiques.
2-2-Avis de l’agence européenne du médicament :
L’EMA a effectué une revue de la littérature concernant la tolérance, en particulier
thrombo-embolique veineuse, des contraceptifs hormonaux combinés de dernière
génération (incluant chlormadinone, désogestrel, diénogest, drospirénone,
étonorgestrel, gestodène, nomégestrol, norelgestromine et norgestimate), à la
demande des autorités françaises en février 2013, dont elle a publié les conclusions
le 22 novembre 2013.
Elle réaffirme les bénéfices de toutes les contraceptions hormonales combinées qui
restent supérieurs aux risques encourus, et rappelle le faible risque des
complications thrombo-emboliques veineuses chez les femmes prenant une CHC.
Ce risque est reconnu plus important avec les pilules contenant un progestatif de
dernière génération, pour les molécules dont les conclusions des études de
tolérance sont déjà connues (Tableau 1).
On peut noter que les pilules contenant du norgestimate sont incluses dans le
même groupe que celles contenant du lévonorgestrel, contrairement aux
conclusions émises par les autorités de santé françaises.
L’accent est mis sur la responsabilité des prescripteurs devant considérer les
risques, en particulier cardiovasculaires, de chaque patiente avant toute prescription
de contraception et régulièrement au cours du suivi, ainsi que sur l’information des
patientes.
3-Contexte actuel et état des lieux des ventes et pratiques :
3-1-Place des COC de dernière génération dans les ventes de
contraceptifs : état des lieux :
En France, 50% des pilules combinées estroprogestatives utilisées en 2012 étaient
des pilules de 3
èmeet 4
èmegénération (49).
Mais à partir de 2013 ce nombre décroît : elles représentaient 39% des
prescriptions des contraceptions orales combinées en mars 2013 (49), puis 26% du
total des ventes de contraceptifs oraux combinés en France en septembre 2013
(50), soit une baisse substantielle de 29% sur le total des ventes en un an (Fig. 11).
Cette diminution fait écho aux modifications des recommandations de la HAS à leur
sujet et au déremboursement des pilules de troisième génération qui s’en est suivi,
dans un cadre de polémiques succédant aux plaintes dirigées contre certains
laboratoires pharmaceutiques qui les commercialisent, portées par des patientes
victimes d’effets secondaires graves liés à l’utilisation de ces pilules (pour rappel, le
14 décembre 2013, Marion LARAT, victime d’un AVC en 2006 alors qu’elle utilisait le
contraceptif Meliane, est la première à porter plainte contre le laboratoire Bayer).
Figure 11. Evolution récente de l’utilisation des COC de 3
èmeet 4
èmegénération de
décembre 2012 à mai 2013 (source ANSM, (50)).
3-2-L’épisode de « pill-scare » au milieu des années 90 :
En effet jusqu’alors la France avait « échappé » aux polémiques en lien avec ces
pilules, contrairement à d’autres pays occidentaux (Grande-Bretagne, Allemagne,
Norvège, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande notamment) où, au milieu des années 90, les
politiques de santé publiques de ces pays avaient mis en garde le grand public et
les personnels de santé contre ces nouveaux produits, relayant les conclusions des
trois premières études observationnelles (7, 51, 52) qui révélaient un risque
thrombo-embolique environ 2 fois plus important comparativement aux COC de
deuxième génération ; certains auteurs ont critiqué une attitude par trop alarmiste
de ces autorités, qui aurait entraîné un climat de grande méfiance des femmes vis à
vis de la contraception hormonale ; d’aucuns ont suggéré que ces craintes avaient
abouti à une recrudescence du nombre d’IVG corrélée à une chute de l’utilisation
de la contraception en général, ou du moins à l’abandon de méthodes plus
efficaces jugées nuisibles par les utilisatrices pour d’autres méthodes moins fiables
(53).
3-3-Impact/changements de comportement des femmes vis à vis de la
contraception :
Pour l’instant aucun effet de « psychose » ne semble être à déplorer en France : il
est trop tôt pour évaluer l’impact de cette « polémique » sur d’éventuelles
modifications de comportement en lien avec la contraception et une élévation du
taux d’IVG en France par exemple, tel que cela avait été souligné par certains
auteurs notamment au Royaume-Uni au milieu des années 90, où ces deux
éléments avaient été associés (53).
Cependant on dispose déjà d’un certain nombre de données : l’utilisation des COC
semble stable, avec une tendance de prescription renversée en faveur des COC de
première et deuxième générations (Fig. 11,12 et 13) si l’on considère les chiffres de
vente de ces produits. On note également que l’utilisation des DIU est en forte
augmentation (+43%) (54). Par ailleurs le recours à la contraception d’urgence reste
relativement stable (54), même s’il faut analyser ce chiffre avec précaution compte
tenu du faible niveau d’utilisation préalable de cette méthode (28, 55) : on ne peut
en déduire de conclusion quant à une évolution du nombre de grossesses non
désirées.
Figure 12. Evolution de l’utilisation des COC de 1
èreet 2
èmegénération de décembre 2012 à
mai 2013; comparatif à 1 an d’intervalle. (source ANSM).
Figure 13. Evolution de l’utilisation des COC toutes générations confondues, décembre
2012 à mai 2013 ; comparatif à 1 an d’intervalle (source ANSM).
Dans le document
DIPLÔME
D’ETAT
DE
DOCTEUR
EN
MEDECINE
(Page 44-51)