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Les attentes et les valeurs véhiculées par les parents

Chapitre 2: Cadre théorique et revue de la littérature

2.6 Les immigrants iraniens en diaspora

2.6.2 Les attentes et les valeurs véhiculées par les parents

Kian Thiébaut (2005) décrit comment les valeurs éducatives des familles en Iran se sont modernisées notamment chez les mères. Ces valeurs sont directement influencées par la résistance des jeunes à la pensée totalisante et par leurs revendications pour la modernité, les changements sociaux, politiques et culturels. Selon l’auteure, ces valeurs sont fondées sur le style permissif et l’établissement de relations parentales basées sur le dialogue et le respect. L’une des conséquences de ces valeurs est l’individuation et l’autonomisation des enfants. Selon Butel (1998), ce processus d’individuation concerne d’abord la population jeune et urbaine, dans une

société qui essaie de s’éloigner davantage des normes édictées par la révolution islamique. «L’individu dont l'autonomisation est ainsi favorisée substitue les valeurs modernes aux valeurs traditionnelles et parvient à se concevoir indépendamment du rôle qui lui est attribué par les autres» (Kian-Thiébault, 1998 para.12).

D’après Kian Thiébault (1998), les jeunes, surtout ceux qui appartiennent aux classes moyennes urbaines, se créent une identité influencée de modèles culturels occidentaux. Quant à leurs parents, ceux qui rejettent l’islamisation encouragent cette ouverture culturelle sur le monde. En effet « la nouvelle jeunesse, plus ouverte, plus tolérante, est aussi à l'image de ses parents, une jeunesse prudente, une jeunesse moyenne. Elle accepterait une liberté mesurée dans les bornes du politiquement acceptable» (Butel, 1998).

En diaspora, d’après une récente recherche effectuée sur les jeunes d’origine iranienne et tamoule à Toronto (Tyyska, 2008), le mode de transmission des valeurs dépend amplement du type de famille. Les résultats de cette recherche auprès des adolescents d’origine iranienne âgés de seize ans ont révélé une large série de relations dans la communauté immigrante iranienne entre les adolescents et des parents dits traditionnels et non traditionnels. Selon cette étude certaines familles sont nettement traditionnelles. Dans ce genre de famille, les relations familiales sont hiérarchisées à la fois sur le plan du sexe et sur celui de l’âge : les attentes parentales sont différentes pour les garçons et les filles et finalement les jeunes, surtout les filles, ont peu d’influence sur les processus de communication et de prise de décision.

En revanche, selon la même recherche (Tyyska, 2008), dans les familles non traditionnelles, la situation est tout à fait différente. Dans ces familles les relations entre les sexes sont moins hiérarchisées, la communication est plus ouverte et les jeunes ont davantage leur mot à dire dans les affaires familiales. D’après les chercheurs de cette étude, les jeunes des familles iraniennes non traditionnelles ont montré moins de problèmes intergénérationnels que ceux des familles traditionnelles. Presque tous les répondants estiment que leurs parents ont beaucoup changé par rapport au rôle parental et aux relations intergénérationnelles, spécifiquement en faisant preuve de souplesse et d’ouverture d’esprit au cours de la période d’immigration et d’établissement. Bref, tout en appréciant les efforts déployés par leurs parents, ils croient que ces changements donnent lieu à une harmonie accrue entre les générations.

Les résultats de la recherche de Higgins (1994), auprès des jeunes Iraniens et de leurs parents à Santa Clara (Californie) , nous donnent un schéma précis des points de vue des parents, par rapport à leurs attentes envers leurs enfants.

Premièrement, selon l’auteure, les parents iraniens étant eux-mêmes très éduqués accordent une grande priorité à l'éducation de leurs enfants. En effet, la plupart de ces parents ont quitté l’Iran pour que leurs enfants aient une vie meilleure et aussi un haut niveau d’éducation. Ils subissent toutes les difficultés de la vie dans un autre pays, y compris la séparation avec leur famille étendue. En retour ils s’attendent à ce que leurs enfants étudient très fort, afin de réussir un parcours scolaire et une orientation scolaire ou professionnelle très élevée, car ils croient que de nos jours, la scolarité assortie de la fréquentation de l’université est devenue une nécessité pour trouver un emploi attirant.

C’est une observation également appuyée par Behnam (1986). À partir de sa recherche auprès des familles iraniennes exilées à Paris, l’auteur conclut que ces dernières aussi attachent beaucoup d'importance aux études supérieures et à l'orientation professionnelle de leurs enfants. Cela dit, les parents iraniens immigrants en France sont conscients de la conjoncture économique difficile de la société française, et ils croient que le parcours scolaire et la formation professionnelle de leurs enfants doivent être choisis en fonction du marché du travail.

Quant à l’importance de la famille dans la culture iranienne, Higgins mentionne que, pour ces parents, la famille est une priorité. Ils souhaitent la participation de leurs jeunes à la vie et aux activités sociales de la famille. Ils désirent également qu'ils passent leur temps libre dans la famille et partagent avec cette dernière leur temps de loisir. L'importance de la famille dans la culture iranienne a aussi été mentionnée par Hanassab (1991). Se référant aux études effectuées par Behnam (1986) et Touba (1972), l'auteure indique que les Iraniens sont issus d'une culture dans laquelle des relations familiales fortes existent et sont hautement valorisées.

Un aspect qui ressort de l'étude de Higgins (1994), c'est que les parents n'ont absolument pas confiance en la culture américaine. Ils expriment de façon récurrente leurs craintes face aux problèmes de drogue et à la violence généralisée dans le monde des jeunes aux États-Unis. Ils sont très concernés également par la question des relations sexuelles chez leurs jeunes, puisqu’ils n’acceptent pas ce genre de relations avant le mariage.

Dans une recherche plus récente auprès de 101 familles comptant 32 adolescents, Higgins (2004) présente une image plus nuancée de parents iraniens ainsi que de leurs enfants à Santa-Clara. Selon l'auteur, les parents, hautement éduqués pour la plupart, sont fiers de leur culture ancestrale. Certains d'entre eux ont d'ailleurs accepté de participer à la recherche parce qu'elle leur donnait l'occasion de promouvoir leur culture d'origine. Cependant, plusieurs ont été bien déçus et même contrariés en constatant, chez une majorité d'Américains, ignorance et méconnaissance des Iraniens et du Moyen-Orient. L'ensemble de ces parents sont très intéressés par la réussite scolaire, l'engagement culturel et social, le bien-être de leurs enfants. Ils s'impliquent dans la vie éducative de ces derniers. Ils sont toutefois mal à l'aise devant certains aspects de la culture américaine.

Un autre point majeur à souligner c’est que lorsque les enfants issus de l’immigration iranienne ne maîtrisent pas bien leur langue maternelle, il se creuse alors un grand fossé entre les enfants et leurs parents. D’après l’étude de Behnam (1986), les parents regrettent le fait que dans leurs familles «les relations verbales deviennent parfois difficiles entre parents et enfants et surtout entre grands-parents et enfants » (p.238). En plus, l’auteur ajoute que les parents iraniens se plaignent fréquemment du manque de respect que les enfants manifestent à leur égard depuis leur arrivée en France. En effet, ayant quitté l’Iran depuis plusieurs années, les parents ont gardé une image idéalisée des relations entre parents et enfants, tandis que, selon Shirali (2001), même en Iran la situation a radicalement changé. Les enfants font tout ce qui était interdit autrefois en présence même des parents, et ce surtout dans les familles des classes moyennes et

aisées. Cela est en partie lié à la transformation interne de l’organisation familiale due à la modernisation brutale du régime impérial (p.144).

Berthroud Aghili (1989), cité plus haut, constate que la religion sous une forme morale ou mystique, occupe une grande place parmi les valeurs culturelles des parents. Selon l'auteure, l’Islam accorde une grande importance aux relations parents enfants, basées sur l’obéissance et le respect des enfants envers les parents et le devoir des parents concernant l’éducation de leurs enfants. Ce qui cause encore problème et éloigne les parents de leurs enfants car ceux-ci n’ont pas du tout adhéré aux mêmes principes religieux que leurs parents. L’auteur avance également que les enfants d’origine iranienne, à cause des modifications des rôles de leur cellule familiale, sont plus indépendants vis-à-vis de leurs parents que ne le sont les enfants iraniens à l’intérieur du pays. Toutefois, les parents essayent encore de contrôler les actions de leurs enfants, «soit en surveillant fortement leurs fréquentations, soit en déléguant leur contrôle aux structures scolaires et parascolaires avec lesquelles ils restent en contact.» (p.198). Ces valeurs d'obéissance et de respect des adultes sont négociées suivant le degré de souplesse ou de rigidité des familles.