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Des atouts environnementaux à valoriser

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 63-67)

B. L’INCINÉRATION : UN TABOU À LEVER

3. Des atouts environnementaux à valoriser

récentes ne présentaient pas de risques significatifs pour la santé1. Ce constat a, au demeurant, conduit l’institut à recommander la réorientation de l’effort de recherche sur « d’autres sources de pollutions industrielles moins réglementées »2 ;

2) en Allemagne, le ministère de l’environnement indiquait, dès 2005, que « l’incinération des déchets n’est plus du tout significative en matière d’émissions de dioxines, de poussières et de métaux lourds »3 ;

3) au Royaume-Uni, l’agence de protection de la santé établissait, dans un rapport « Municipal Solid Waste Incineration » de novembre 2005, que « les études épidémiologiques et d’évaluation des risques sanitaires montrent le faible impact des émissions des incinérateurs d’ordures ménagères aux nouvelles normes européennes »4.

Au total, votre rapporteur constate que la maîtrise des impacts sanitaires des nouvelles installations d’incinération a été rigoureusement démontrée. Le soupçon qui pèse encore sur ce mode de traitement dans l’opinion apparaît donc d’autant plus irrationnel que, dans le même temps, d’autres risques potentiels associés à des équipements de grande consommation sont ignorés. Ainsi de certaines chaudières à bois qui, selon le professeur Jean-François Narbonne, émettent proportionnellement davantage de particules que les UIOM5, et n’en bénéficient pas moins d’incitations fiscales fondées sur leurs prétendues vertus environnementales…

a) L’incinération n’est pas un obstacle à la valorisation matière et à la prévention

L’argument traditionnellement mobilisé pour contester la place de l’incinération dans la politique des déchets consiste à voir en ces procédés des

« aspirateurs à déchets ». En substance, l’existence d’un incinérateur serait fatale au développement du tri et de la valorisation matière (et notamment du recyclage) au double motif que :

1) la nécessité de rentabiliser ces installations conduirait les exploitants à y orienter le maximum de déchets possibles ;

2) ils constitueraient une « solution de facilité » en n’imposant pas aux usagers de procédures de tri élaborées.

Ces arguments ne résistent guère à l’examen des faits. En premier lieu, et comme on l’a déjà souligné, notre politique des déchets s’appuie notamment sur des dispositions destinées à limiter les quantités de déchets incinérés ou enfouis. En elles-mêmes, ces dispositions sont censées prévenir la vocation alléguée d’« aspirateur à déchets » des UIOM.

Ensuite, l’incinération n’est antithétique :

1) ni de la valorisation de la fraction organique des déchets, à laquelle elle a, au contraire, tout à gagner. En effet, le fait d’orienter les déchets fermentescibles vers d’autres modes de traitement diminue les fractions humides incinérées, et accroît par conséquent le pouvoir calorifique inférieur (PCI) et la performance énergétique des centrales ;

2) ni du tri et du recyclage, puisque les pays européens qui trient le plus (Danemark, Autriche, Suède, Pays-Bas, Belgique, Allemagne) sont également ceux qui incinèrent le plus (cf. diagramme). De fait, les membres de votre mission d’information ont pu constater que le développement très avancé de l’incinération en Suède cohabitait avec des systèmes de tri extrêmement élaborés, allant jusqu’à séparer douze fractions, et que les déchets orientés vers les UIOM l’étaient parfois au terme de 7 à 8 étapes de réemploi ou de recyclage. Dans le même sens, une étude récente1 réalisée auprès d’un panel de 127 collectivités territoriales ou groupements a démontré que le taux de recyclage moyen constaté auprès des collectivités ou groupements ayant recours à l’incinération (14 %) n’était pas inférieur à celui observé auprès des collectivités ayant recours à d’autres modes de traitement.

1 Etude UIOM 2007 – Localconsult.com.

Déchets municipaux : les pays qui recyclent le plus incinèrent le plus

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Bulgarie Roumanie République Tchèque Lituanie Malte Slovaquie Pologne Chypre Lettonie Hongrie Grèce Portugal Luxembourg Espagne France Royaume-Uni Slovénie Finlande Estonie Irlande UE27 Danemark Italie Autriche Suède Pays-Bas Belgique Allemagne

Mis en décharge Incinérés Recyclés

Source : mission commune d’information d’après Eurostat 2007 (la catégorie recyclage inclut le compostage)

L’antinomie alléguée entre incinération et valorisation matière ou prévention des déchets n’est donc ni cohérente intellectuellement, ni vérifiée empiriquement.

b) L’incinération constitue une opportunité à saisir pour limiter les émissions de gaz à effet de serre

Remettre l’incinération à sa juste place dans la hiérarchie européenne des déchets implique également de ne pas occulter les potentialités que présente ce mode de traitement en matière d’énergies renouvelables.

En la matière, votre mission d’information a pu prendre la mesure du

« fossé » qui sépare la France de certains de ses voisins européens. En effet, l’opinion publique française, exploitants d’installations compris, considère d’abord les incinérateurs comme des installations d’élimination des déchets, l’activité de production énergétique qui y est adossée n’étant perçue que comme secondaire ou accessoire.

Or l’analyse qui prévaut à l’étranger est à l’exact opposé de cette approche. Ainsi, au Danemark, l’incinération est-elle considérée comme une source d’énergie renouvelable et un facteur d’indépendance énergétique. La population danoise, familière des installations d’incinération localisées en milieu urbain, considère ces unités comme des chaufferies plus que comme des centres de traitement de déchets.

En Suède, votre mission a pu constater que le développement de l’incinération avait répondu, au cours de la Seconde guerre mondiale, à un

impératif d’indépendance énergétique. Depuis lors, les incinérateurs sont perçus comme des centrales thermiques parfaitement intégrées au bouquet énergétique d’une nation caractérisée par d’importants besoins en chauffage, et l’incinération est un élément structurant de la stratégie de croissance verte poursuivie par ce pays.

Ces éléments trouvent leur illustration dans le haut niveau de développement de la chaleur et de l’électricité produites à partir de l’incinération dans ces pays (cf. diagramme).

Production moyenne d’électricité et de chaleur à partir des installations d’incinération en Europe

Source : CNIM

Selon le Plan d’action déchets 2009-2011, la diminution des émissions de CO2 générées par l’incinération ne peut se faire qu’en réduisant les quantités de déchets dirigées vers les UIOM, et en particulier les fractions émettant du carbone fossile (plastiques notamment). L’incinération est néanmoins génératrice d’émissions évitées, dans la mesure où elle permet la production d’énergie de récupération en substitution à l’énergie d’origine fossile. Les chiffrages en la matière sont très variables :

1) selon l’ADEME1, les 12 à 13 millions de tonnes de déchets incinérés annuellement génèrent 4 millions de tonnes équivalent CO2 et les émissions évitées sont de l’ordre de 1,8 million de tonnes équivalent CO2

(dont 1,6 million de tonnes grâce à la production de chaleur et 0,2 million de tonnes grâce à la production d’électricité) ;

2) selon la FNADE2, les émissions de CO2 générées par l’incinération s’élèvent à 4,5 millions de tonnes équivalent CO2, tandis que les émissions évitées atteignent 4 millions de tonnes (dont 3,5 millions de tonnes pour la valorisation énergétique et 400.000 tonnes pour la valorisation des mâchefers).

L’optimisation des émissions évitées grâce à l’incinération passe, selon l’ADEME, par l’amélioration des performances énergétiques, qui sont elles-mêmes dépendantes des débouchés existants pour l’énergie produite par l’UIOM (cf. infra). Précisément, votre rapporteur relève que l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production de chaleur prévoit, pour la part renouvelable des déchets, des objectifs de développement de 470 kilotonnes équivalent pétrole au 31 décembre 2012 et de 900 kilotonnes équivalent pétrole au 31 décembre 2020. Le point de départ se situant à 400 kilotonnes en 2006, les seules pistes disponibles pour atteindre les objectifs sont, selon les conclusions du comité opérationnel n° 10 du Grenelle, le développement des réseaux de chaleur sur UIOM et le rapprochement des utilisateurs de chaleur de ces installations.

Ces éléments confortent votre mission d’information dans la conviction que l’incinération doit, en tant qu’outil de valorisation énergétique, être considérée comme une véritable opportunité de développer les énergies renouvelables et d’atteindre les objectifs assignés à notre pays consécutivement à l’adoption du Paquet « Energie-Climat ».

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 63-67)