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1.4 L'épitaxie sélective à l'échelle nanométrique: la NSAG

1.4.3 Aspects mécanique et théorique

D'une manière générale, les objets hétéro-épitaxiés de taille nanométrique, (dont au moins l'une des dimensions spatiale a une valeur comprise typiquement entre 10 et 100 nm), peuvent relaxer latéralement [Lury86]. Les mécanismes singuliers de relaxation spécifiques à ces nano-objets font l'objet de recherches théoriques [Glas06]. En 1986, S. Luryi et al. ont démontré théoriquement que pour un diamètre d'îlot compris entre 10 et 100 nm, une réduction significative de la densité de défauts due au désaccord de maille est prévisible. Cette théorie prévoit notamment que la totalité des dislocations peut être évitée pour des matériaux dont le désaccord de maille est inférieur ou égal à 4%. Au-delà, comme dans le cas extrême du GaN sur Silicium, le nombre de ces défauts ne peut pas être réduit à zéro mais peut tout de même être réduit de façon significative. Dans le cas d'une épitaxie non structurée ou planaire, l'énergie emmagasinée due à la contrainte croît linéairement (courbe rouge, figure 1.18) jusqu'à ce que des dislocations se créent. Par contre, dans un ilot nanométrique épitaxié par NSAG, cette énergie finit par saturer et atteint une valeur limite (courbe bleue, figure 1.18). Si le maximum d'énergie de déformation décrit ci-avant est en-dessous de l'énergie requise pour la formation de dislocations, alors une couche d'épaisseur infinie peut être déposée sans défauts engendrés par le désaccord de maille, en théorie.

Fig. 1.18 - Énergie de contrainte en fonction de l'épaisseur du dépôt dans le cas de l'épitaxie planaire (a) et de la NSAG (b)

Quelques éléments de théorie provenant des travaux de Luryi et al. [Lury86] et de Zubia et al. sont maintenant exposés.

Fig. 1.19 – D'après [Lury86]. Illustration du problème de l'épitaxie sélective à l'échelle nanométrique d'une couche de Ge sur substrat de silicium.

Ces travaux concernent l'étude théorique de l'épitaxie sélective par NSAG du matériau Ge sur substrat Si. Le schéma de la figure 1.19 illustre le problème posé. La couche de Ge est déposée sélectivement sur un substrat de silicium contenant des nano-bandes dont la largeur (selon l'axe y) de valeur 2l est de dimension nanométrique et la longueur (selon l'axe x) est considérée comme infinie. La hauteur de la couche de Ge déposée est notée h et la hauteur nommée h calculée par la

suite définit la longueur caractéristique de décroissance exponentielle de l'énergie de contrainte. La courbe ω (0,z) représente l'énergie de contrainte emmagasinée dans la couche de Ge épitaxiée sélectivement calculée au milieu de la bande définie dans le substrat (en y = 0). Lorsque qu'un îlot dont le diamètre est compris entre 10 et 100nm, l'énergie de contrainte due au désaccord de maille dépend non seulement de l'axe z (axe de croissance verticale) mais aussi de l'axe selon lequel la croissance est spatialement confinée (axe y). Celle-ci peut se mettre sous la forme:

y , z=f Y

1− y , z e

−z

2l (1.12)

où f = 2 ( |ac - as| ) / (a c+ as) est la déformation totale due au désaccord de maille entre la couche (indice c) et le substrat (indice s). ν est le coefficient de Poisson du matériau épitaxié et Y son module d'Young. Le diamètre de l'îlot est 2l et χ (y,z) caractérise la distribution spatiale de la contrainte telle que:

y , z =1−cosh ky

cosh kl , z≤h

eff

(1.13)

y , z =1, z≤heff

La contrainte décroît de façon exponentielle avec une longueur caractéristique égale à 2l/π. La valeur k est définie comme le paramètre d'accommodation d'interface ou « interfacial compliance parameter », relié à la longueur caractéristique de décroissance exponentielle de l'énergie de contrainte heff (de l'ordre de 2l/π ) par la relation:

k =3 2 1− 1 2 1 heff (1.14)

Il faut noter que ces équations sont également valables dans le cas d'un substrat complètement rigide. L'énergie de déformation par unité de volume s'exprime (pour l'îlot):

 y , z =1−

Y  y , z 

2

(1.15)

ω étant maximale en y=0, (cf. figure 1.16), au milieu de la zone de contact entre l'îlot et le substrat. La densité d'énergie de déformation étant la somme des énergies de déformation en chaque point de l'îlot nanométrique, elle prend la forme:

E y =

y , z  dz , de z = 0 à h, h étant l'épaisseur totale de la couche. (1.16)

En considérant le plan y=0, dans lequel ω est maximale, on définit la densité d'énergie de déformation par unité de surface comme suit (en posant y = 0 dans l'équation 1.16):

E=

0, z dz = Y 1−f

2heff (1.17)

Nous pouvons étendre la formule 1.13 donnant χ pour toutes les valeurs de z, car les valeurs de z > heff contribueront de façon négligeable dans l'intégrale. Ainsi l'équation 1.16 définit heff telle que:

heff=[1−sech kl ]21

[1−e−hl ] (1.18) Les équations 1.17 et 1.18 montrent alors que la théorie prévoit bien une diminution exponentielle de la densité d'énergie de déformation dans l'îlot avec une longueur caractéristique égale à l/π. Le graphique représenté sur la figure 1.20 provient des travaux de Luryi at al. ainsi que de Zubia et al. Il s'agit de calculs numériques de la contrainte dans une couche de Ge épitaxiée par NSAG sur substrat de silicium. Les indices LS et ZH du graphe de la figure 1.20 correspondent aux courbes provenant respectivement des travaux de Luryi et al. et Zubia et al. Deux paramètres sont variables: l'épaisseur du substrat et le mode de croissance (standard ou par NSAG). Le diamètre des îlots est fixé à 20 nm dans le cas de la NSAG. Le désaccord de maille est de 4.2% dans ce cas (Ge sur Si).

Fig. 1.20 – Énergie de déformation accumulée dans la couche de Ge épitaxiée sur Si en fonction de l'épaisseur épitaxiée [Zubi00]

L'idée est de comparer l'énergie de déformation accumulée dans la couche à l'énergie minimale requise pour la formation d'une dislocation de type vis (courbe indicée ED sur le graphique). La dislocation de type vis est choisie car celle-ci a besoin de moins d'énergie qu'une dislocation de type coin pour être créée [Peop85]. Ci-dessous sont alors énumérés les principaux résultats retrouvés numériquement par la théorie:

Dans le cas de l'épitaxie planaire (sans masques) du Ge sur Si (courbe notée Eplan), l'énergie de déformation accumulée dans la couche atteint celle nécessaire pour la formation d'une dislocation dès les premiers nanomètres déposés. En l'occurrence, lors d'un dépôt effectué par NSAG (courbes notées ELS et EZH en référence aux travaux de Zubia et al et de Luryi et al respectivement) , l'énergie de déformation accumulée dans la couche atteint une valeur finie. Si le diamètre des îlots est fixé à 20 nm, l'énergie de déformation emmagasinée dans la couche reste inférieure à celle nécessaire pour créer une dislocation pour des épaisseurs inférieures ou égales à une dizaine de nm dans le cas des calculs effectués par Luryi et al. Les calculs effectués par Zubia et al. donnent un résultat encore plus remarquable: l'énergie de déformation ne dépasse jamais celle nécessaire à la création d'une dislocation, aboutissant à la conclusion que dans ce cas une épaisseur infinie de Ge peut être déposée sur Si lorsque le diamètre des îlots est de 20 nm.