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2.2.1

Argumentation informelle

L’argumentation informelle est une technique de raisonnement basée sur l’échange de points de vue. A partir d’un énoncé A, argumenter pour la conclusion C c’est «donner A comme une raison de croire en C»Anscombre et Ducrot (1983). Ce raisonnement qui est utilisé pour convaincre et justifier son point de vue, permet également de raisonner avec des connaissances incertaines et/ou incohérentes.

Prenons l’exemple d’une conversation entre deux élèves ǫ1 et ǫ2. Les deux élèves

sont en désaccord sur l’application du théorème de Pythagore pour un triangle rectangle :

— ǫ1 : l’application du théorème de Pythagore sur ce triangle donne :

BC2

= AC2

+ AB2 (a)

— ǫ2 : c’est incorrect !

— ǫ1 : pourquoi ?

— ǫ2 : parce que dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est

égal à la somme des carrés des longueurs des côtés de l’angle droit. Donc AC2

= BC2

+ AB2 (b)

— ǫ1 : mais le triangle est rectangle en A, donc BC est l’hypoténuse (c)

Dans cette discussion, les deux élèves ǫ1 et ǫ2 sont en désaccord sur l’application

du théorème de Pythagore sur un triangle rectangle. Les deux utilisent l’argumen- tation afin de convaincre. L’élève ǫ1 argumente pour la conclusion «L’application

du théorème de Pythagore sur ce triangle donne : BC2

= AC2

+ AB2», il introduit

l’argument (a). L’élève ǫ2 contredit ǫ1 en introduisant l’argument (b). ǫ1 introduit un

nouvel argument (c) pour contredire et convaincre ǫ2 «l’application du théorème de

Pythagore sur ce triangle nous donne : BC2

= AC2

+AB2». Supposons que la discus-

sion entre les deux élèves se termine à ce stade, nous pouvons dire qu’en conclusion l’élève ǫ1 a convaincu l’élève ǫ2 que l’application du théorème de Pythagore sur ce

triangle donne : BC2

= AC2

+ AB2.

2.2.2

Argumentation semi-formelle

Dans cette section, nous présentons la structure d’un argument dans le modèle de Toulmin. Pour cela, nous donnons une définition plus précise du syllogisme.

2.2.2.1 Modèle d’Aristote : le syllogisme

Aristote est le premier à avoir structuré l’argumentation. Il a développé une théorie afin de représenter les trois types d’argumentation (rhétorique, dialectique et analytique) appelée syllogisme. Le syllogisme est «un discours dans lequel cer- taines choses étant posées, une autre chose différente d’elles en résulte nécessaire- ment»(Topiques, 100a 25). Le syllogisme est un raisonnement déductif composé de trois propositions : deux prémisses et une conclusion. Il permet d’inférer nécessai- rement cette conclusion à partir des deux prémisses. Le syllogisme est schématisé comme suit : proposition majeure (la plus générale des deux prémisses), proposition mineure (la moins générale des deux prémisses) et la conclusion.

Exemple 5 Soit le célèbre :

— Tous les hommes sont mortels ; — Socrate est un homme ;

— Donc Socrate est mortel

Dans cet exemple, la proposition majeure est «Tous les hommes sont mortels» et la proposition mineure est «Socrate est un homme». A partir de ces deux prémisses, il en résulte la conclusion «Socrate est mortel». Le schéma général est le suivant :

— Tous les A sont B. — C est un A.

— Donc C est un B.

Bien que le syllogisme proposé par Aristote offre un cadre structuré de l’argu- mentation, il présente une limite liée à l’inférence car elle est purement formelle. En effet, un syllogisme peut être valide indépendemment du contenu des propositions A, B et C. Par contre, la véracité d’un syllogisme dépend de la véracité de ses pro- positions i.e les prémisses et la conclusion. Un syllogisme est vrai si - et seulement si - toutes ses propositions sont vraies.

Nous donnons quelques exemples pour illustrer la différence entre la validité et la véracité d’un syllogisme.

Exemple 6 Soit le syllogisme suivant : — Tous les rectangles ont quatre côtés ; — Un triangle rectangle est un rectangle ; — Donc un triangle rectangle a quatre côtés.

Dans cet exemple, le syllogisme est valide mais il n’est pas vrai. La conclusion déduite «un triangle rectangle a quatre côtés» est fausse car la deuxième prémisse «Un triangle rectangle est un rectangle» est fausse. Donc le syllogisme peut conduire à des conclusions fausses même s’il est logiquement valide.

Exemple 7 Soit le syllogisme suivant : — Tous les rectangles ont trois côtés ; — Un triangle rectangle est un rectangle ; — Donc un triangle rectangle a trois côtés.

L’exemple 7 montre que nous pouvons obtenir une conclusion vraie à partir des prémisses qui ne sont pas vraies. Bien que les deux prémisses «Tous les rectangles ont trois côtés» et «Un triangle rectangle est un rectangle» soient fausses, la conclusion «Un triangle rectangle a trois côtés» est vraie. Ce syllogisme est valide et conduit à une conclusion vraie mais il n’est pas vrai.

Une autre limite du syllogisme d’Aristote concerne sa non-exhaustivité. D’après Plantin (1990) le syllogisme ne construit aucune connaissance car la conclusion doit être contenue dans les prémisses. La conclusion est déduite à partir des deux prémisses et n’apporte pas de nouvelle connaissance. Cela est expliqué par le fait que le syllogisme permet de n’avoir que des arguments déductifs : le passage des prémisses à la conclusion ne peut être que déductif. Cela donne au syllogisme un seul objectif qui est la persuasion.

2.2.2.2 Modèle de Toulmin

Toulmin prend en considération la structure du syllogisme proposé par Aristote en s’interrogeant sur le passage entre les prémisses et la conclusion du syllogisme. Il avance un modèle qui soutient implicitement qu’une argumentation ne vise pas seulement la persuasion mais aussi la production des connaissances.

Dans le modèle de Toulmin, un argument est un ensemble qui comprend six aspects Toulmin (2003) : conclusion, données, garantie, support, force et réfutation. Nous allons décrire chaque aspect et son rôle dans l’argument. La Figure 2.1 présente le schéma du modèle de Toulmin.

— conclusion C (claim) : est le but de l’argument. C’est la déclaration ou le point de vue que veut exprimer celui qui argumente. La conclusion est souvent le point de départ d’une argumentation : nous avons tendance à commencer notre discours avec la conclusion pour ensuite la soutenir par une argumenta- tion.

— données D (data) : sont la base sur laquelle s’appuie la conclusion. Ces don- nées sont produites pour soutenir la conclusion.

— garantie G (warrant) : est le lien qui autorise le passage des données à la conclusion. La garantie peut être une règle, un principe général, une loi de passage, un permis d’inférer. Cette garantie légitime la transition des don- nées à la conclusion. Elle constitue la relation logique entre les données et la conclusion. Cet aspect représente le centre de la critique de l’argument : c’est la garantie qui détermine l’acceptation ou la réfutation de l’argument. Si l’argument n’est pas accepté cela signifie que la garantie n’est pas acceptée Toulmin (2003).

— support S (backing) : comme nous l’avons mentionné, l’acceptation ou la réfutation d’un argument est déterminée par la garantie. Donc il est nécessaire de renforcer cette dernière par des justifications et des explications, appelées "support" par Toulmin. Ce support justifie et explique pourquoi la garantie qui autorise le passage des données à la conclusion est acceptée.

— force F (qualifier) : est l’indicateur de force de l’argument. Elle précise la force avec laquelle les données et la garantie permettent d’inférer la conclusion. Cette force est souvent représentée par des adverbes : probablement, certainement, vrai, probablement vrai, vraisemblablement etc.

— réfutation R (rebuttal) : représente les circonstances particulières pour les- quelles l’application de la garantie n’est plus autorisée. Elle représente les cas où la conclusion n’est pas vraie.

Figure 2.1 – Schéma du modèle de Toulmin.

Exemple 8 Hoogaert (1995) Toulmin illustre son modèle avec l’exemple présenté dans la Figure 2.2.

Figure 2.2 – Exemple du modèle de Toulmin.