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PARTIE I : LES FONDEMENTS DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 1:LES FONDEMENTS THEORIQUES : REVUE SUR LA FIDELITE ET CADRE

I. Section 1: Les travaux sur la fidélité à la marque

I.1. Les définitions de la fidélité

I.1.1. Les approches par la mesure

De nombreuses recherches se sont penchées sur la façon de mesurer la fidélité, notamment en termes de degré afin de déterminer si un consommateur peut ou non être considéré comme fidèle. Si un grand nombre de méthodes ont été utilisées pour mesurer la fidélité à la marque

(Sheth, 1967), elles sont généralement regroupées selon trois approches principales : comportementale, attitudinale et mixte – que nous présentons successivement.

Tout d‘abord, l‘approche comportementale propose des mesures objectives de la fidélité liées à des comportements d‘achat passés qui peut être qualifiés comme étant:

- exclusifs : Copeland (1923) mesure ainsi un comportement d‘achat exclusif d‘une marque, - représentant une large part dans la catégorie: Churchill (1942) observe, sur un groupe fixe de consommateurs, la part des marques dans une garde-robe comme moyen de mesurer la fidélité. Cunningham (1956, 1961) analyse le pourcentage des achats de la marque la plus utilisée (plus le pourcentage est élevé, plus la fidélité est considérée comme forte). Il mesure la proportion des achats d‘une même marque dans une même séquence d‘achats. Au-delà d‘un seuil de 50% de proportion d‘achat sur la même marque, il estime qu‘il y a fidélité à la marque,

- organisés selon une certaine séquence: il s‘agit de repérer dans quelle mesure la marque est fréquemment choisie par rapport aux marques concurrentes de la catégorie. Brown (1952) différencie la fidélité parfaite (AAAAA), la fidélité partagée (ABABABA), la fidélité instable (AAABBB) et la non-fidélité (ABBACD). Pour Tucker (1964), il faut une séquence de trois achats consécutifs de la même marque pour être considéré comme fidèle,

- présentant une forte régularité: pour Sheth et Venkatesan (1968), un consommateur qui répète le choix de la même marque successivement est un client fidèle.

D‘autres chercheurs s‘intéressent non pas aux comportements réels d‘achat passés mais aux probabilités d‘occurrence de ces comportements. Ils modélisent ainsi les données existantes afin de prédire la durée moyenne de la relation avec la marque (Lipstein, 1959) ou les probabilités d‘achats futurs (Ehrenberg et Keng, 1984). Leurs modèles permettent de montrer également que les comportements passés influencent la probabilité de choix futur d‘une

marque. Dans ces recherches, il est possible d‘intégrer les études sur les modèles de rétention. On peut en effet considérer que le non-départ du client est un indice de fidélité. Les modèles les plus courants concernent les analyses de taux de rétention et les variables qui peuvent l‘influencer (Crié, 2002, p.98).

Cependant, si les mesures comportementales sont souvent utilisées par les praticiens du fait de l‘accessibilité des données, ces mesures ont été critiquées pour plusieurs raisons.

Une première limite concernant l‘approche comportementale est le fait que cette fidélité est considérée comme difficilement explicable ou trop complexe pour être appréhendée: il y aurait trop de variables explicatives pour pouvoir évaluer la contribution de chacune. Cette approche est alors peu intéressante pour les praticiens car ils n‘ont pas la connaissance des moyens permettant d‘influencer les comportements (Odin, Odin et Valette-Florence, 2001).

Par ailleurs, selon la méthode de mesure utilisée, le client ne sera pas forcément considéré de la même façon. Ainsi, une séquence d‘achats AABAABAB correspond à un client non fidèle de la marque A pour Tucker (1964) car il n‘y a pas trois achats consécutifs d‘une même marque ; mais elle correspond à un client fidèle à la marque A pour Cunningham (1956, 1961) car plus de 50% des achats sont réalisés sur la marque A.

Enfin, si on reprend l‘argument de Tucker (1964) « il n‟y a pas lieu de considérer ce que le

sujet pense ou ce qui se passe dans son système nerveux central. Son comportement est

l‟entière expression de ce qu‟est la fidélité à la marque», on voit bien que les défenseurs de

l‘approche comportementale ne cherchent pas à comprendre ni expliquer pourquoi le client achète ou non plusieurs fois la même marque. Cependant, un comportement d‘achat ne traduit pas forcément une prédisposition favorable durable envers une marque. Il peut se faire par habitude, facilité, ignorance ou absence d‘alternative. Dès lors, le fait d‘observer un

comportement d‘achat actuel ne permet pas de prédire un comportement futur, notamment si l‘environnement change :

- introduction d‘un produit concurrent sur le marché,

- apparition d‘une difficulté à continuer le comportement d‘achat – par exemple du fait d‘un déménagement géographique

- oubli de la marque, suite par exemple à une baisse de la pression publicitaire.

L‘utilisation seule de données comportementales ne permet donc pas de repérer les acheteurs qui n‘ont aucun attachement à la marque et qui peuvent être facilement captés par une autre marque proposant une meilleure offre (Day, 1969). Cette fidélité peut apparaître comme instable et risque de ne pas être durable.

Dès lors, d‘autres chercheurs ont proposé une autre approche en prenant en compte les attitudes envers la marque. Ils partent du principe qu‘une attitude forte envers la marque est un meilleur prédicteur des comportements futurs. Une attitude peut être définie comme « une organisation durable de processus motivationnels, émotionnels, perceptifs et cognitifs » (Krech et Crutchfield, 1948).

Notion de considération

Dommermuth (1965) s‘intéresse au fait d‘avoir la marque présente à l‘esprit: il étudie le portefeuille de considérations du client en analysant le rapport entre le nombre de lieux où le client achète et le nombre de marques considérées. Ainsi, si les consommateurs indiquent un grand nombre de lieux mais peu de marques considérées, alors Dommermuth considère qu‘ils sont fidèles. Dans la même logique, Jarvis et Wilcox (1977), proposent de prendre en compte

le nombre de marques dans les zones d'acceptation et de rejet et le comparant au nombre de marques citées par le consommateur.

Notion de préférence

Pour mesurer la fidélité Guest (1944) étudie la persistance des préférences sur plusieurs années. La fidélité du consommateur est indiquée par sa réponse à la question « Quelle

marque préférez-vous ? ». Cette mesure sera par la suite complétée par son auteur qui ajoutera

une contrainte de continuité dans le temps et mentionnera la constance de la préférence dans le temps (Guest, 1955).

L‘approche attitudinale de la fidélité, quelle que soit sa mesure, a un avantage clair par rapport à l‘approche comportementale : elle permet de différencier une fidélité passive et une fidélité voulue et d‘explorer les motivations derrière un comportement. Cependant, cette approche n‘est pas exempte de limites. Une critique souvent formulée au sujet de l‘approche de la fidélité du point de vue des attitudes est leur faible pouvoir prédictif. La seule considération ou intention ne se traduit pas forcément en acte de fidélité : il peut y avoir un décalage entre les prédispositions et leur traduction en comportements. En effet, le fait d‘avoir la marque présente à l‘esprit, de l‘apprécier ou de ne pas vouloir acheter chez un concurrent n‘induit pas forcément la réalisation du comportement souhaité. Certains auteurs ont clairement souligné l‘absence de lien évident entre l‘attitude et le comportement (Bearden, Chiao et Woodside, 1979).

Une troisième approche mixte a donc émergé, intégrant à la fois des dimensions comportementales et attitudinales, afin de s‘assurer du fait que les comportements de réachat sont motivés par une attitude positive et forte envers la marque. Newman et Werbel (1973)

mesurent ainsi la fidélité à la marque avec un score en fonction de trois mesures : le comportement de réachat d‘une marque, l‘intention de conserver cette marque comme référence, la non-recherche d‘informations complémentaires sur d‘autres marques.

Jacoby et Kyner (1973) proposent une définition de la fidélité intégrant les aspects comportementaux et attitudinaux:« Une réponse comportementale biaisée exprimée à travers

le temps par une unité de décision, portant sur une ou plusieurs marques, en fonction d‟un

processus ; psychologique de décision ». Ils soulignent dans leur définition qu‘il s‘agit d‘un

comportement dans le temps et motivé par une décision éclairée de préférence pour le choix de la marque. Il faut donc que le client ait la capacité de décider en ayant des informations adéquates sur la marque et ses concurrents, qu‘il fasse le choix de la marque par préférence et que cela induise une intention de revenir vers la marque (Jacoby et Chestnut, 1978). Le consommateur perçoit clairement les différences entre les marques et fait consciemment un choix pour la marque (Filser, 1994). Cette perception des différences entre marques est d‘ailleurs un déterminant de l‘importance accordée à la marque dans le comportement d‘achat (Kapferer et Laurent, 1983).