• Aucun résultat trouvé

Mais dans le cas général, ce type de contrainte est source de grandes difficultés, les contraintes en probabilité définissant un ensemble de réalisabilité généralement non convexe voire non connexe (chap. 3 et nous pouvons citer notamment [11],[10],[12],[6],[5]). D’ailleurs, à l’heure actuelle, seuls les cas de lois logarithmiquement quasi-concaves ou elliptiques symétriques peuvent assurer la convexité, conditions qui ne sont a priori pas satisfaites par les aléas du problème. Nous pouvons remarquer que la contrainte de demande, désormais satisfaite en probabilité, est devenue une inégalité. Comme nous en avons déjà discuté, l’égalité ne peut pas être satisfaite en présence d’aléas. Nous introduisons donc implicitement un ajustement qui est la violation, ajustement non souhaité, mais non comptabilisé par un quelconque coût de défaillance.

L’idée d’un outil global est donc quelque chose d’imaginable à moyen terme mais son élaboration nécessite encore des années de travail de recherche, notamment pour ce qui concerne des sujets tels que la modélisation et la prise en compte des aléas, les problèmes non convexes de grande taille, les contraintes en probabilité... Afin de répondre aux besoins industriels à court terme, nous proposons, à l’image du processus métier, de dissocier la gestion de la production hebdomadaire et la gestion de la couverture physique.

5.3

Une approche opérationnelle simplifiée

Le problème (5.3) est donc un problème très difficile à résoudre. Une possibilité, motivée par les pratiques métier actuelles, est la dissociation de la gestion de la production et de l’optimisation de la couverture. Cette approche, bien que sous-optimale, a le mérite de simplifier le problème et constitue donc une alternative intéressante. Cependant, pour que cette séparation soit possible, nous devons introduire un indicateur de l’état de parc de production. En effet, les décisions de couverture doivent être prises en connaissance du planning de production, notamment pour que les interventions sur les marchés soient optimales. C’est pour cela que nous définissons la notion fondamentale de marge de production :

Définition 5.1 La marge prévisionnelle de production (exprimée en MW) à l’instant t est l’écart

entre la capacité maximale de production électrique du parc (sans marché et options tarifaires) et la demande en électricité à t. Formellement, la marge peut s’écrire :

˜

Mt= Cmax,tT h ( ˜ξ[t]I) + C Hyd

max,t( ˜ξ[t]I , ˜ξ[t]H) − ˜Dt,

où :

– Cmax,tT h ( ˜ξI[t]) est la capacité maximale de production à l’aide de moyens thermiques,

– Cmax,tHyd ( ˜ξI[t], ˜ξ[t]H) est la capacité maximale de production hydraulique,

– ˜Dt est la demande en électricité à l’instant t.

Etant dépendante de paramètres aléatoires, la marge est donc un processus stochastique.

Elle dépend de l’histoire des processus puisque, par exemple, la capacité maximale hydraulique à t dépend de tous les apports depuis le début de la période.

Le terme Λt=P i∈IHydP Hyd i,t ( ˜ξ[t]I, ˜ξ H [t]) + P

i∈IT hPi,tT h( ˜ξ[t]I) − ˜Dt dans la contrainte en probabilité

5.3. UNE APPROCHE OPÉRATIONNELLE SIMPLIFIÉE

écriture, nous allons prendre des décisions d’achats et de ventes basée sur la vision d’un parc figé en déterministe. Or, une perturbation δt sur les prévisions d’aléas interviendra forcément. Dans

le cas, par exemple, de pannes de centrales ou d’une augmentation soudaine de la température, les recours Xtprévus deviennent alors insuffisants. En effet, dans les deux cas, Λtdevient moins important puisque soit la production a baissé (cas de la panne), soit la demande a augmenté (cas de la hausse de température). Il faut donc avoir un recours Xt(δt) supplémentaire qui peut être

payé à un prix qui peut avoir lui aussi augmenté. Nous sentons bien que se baser sur un parc figé en vision déterministe est particulièrement risqué physiquement et financièrement. Pour réduire cette part de risque, nous pouvons ainsi estimer la capacité maximale d’électricité que le parc de production en l’état est capable de fournir et la substituer à la production planifiée. Comme cela :

– nous introduisons une marge de manoeuvre en cas de réalisation d’aléa défavorable ;

– nous limitons également les appels aux marchés et nous favorisons ainsi l’appel au parc de production (même si les appels au parc ne sont pas optimisés car non pris en compte en tant que variables de décision dans le modèle).

Mais, finalement, nous venons de redéfinir la marge de production.

La procédure d’obtention de cette marge est présentée dans le chapitre 7. Dans cette section, nous supposerons donc que la marge de production est une donnée et est disponible sous forme de scénarios. Nous pouvons tout de même rappeler les hypothèses de base du calcul de marge : – la marge de production nécessite de connaître l’état du parc à l’instant initial d’étude. Cet

état initial est la solution du problème déterministe de gestion de production hebdomadaire. La phase d’optimisation du parc de production demeure donc primordiale, même si elle est désormais dissociée de l’optimisation de la couverture ;

– pour des raisons de temps de calcul, la marge de production n’est plus calculée par pas de temps mais par jour. Nous ne calculons plus qu’une marge par jour : la marge à l’heure de pointe. Cette simplification se justifie par le constat que si la quantité achetée est suffisante pour satisfaire l’heure de pointe, alors elle sera suffisante pour passer toute heure de la journée. Cependant, la couverture finale conduit à une sur-protection.

Nous pouvons donc énoncer l’hypothèse de base de notre approche :

Hypothèse 5.1 Nous choisissons de découpler la gestion de production et le processus de cou-

verture. La gestion de la production à court terme est toujours effectuée en déterministe à l’aide des modèles disponibles. L’optimisation des décisions de couverture contre le risque physique est stochastique et est basée sur la volonté de s’assurer, pour chaque jour, d’une marge de produc- tion à la pointe supérieure à une marge de sécurité fixée, sur au moins (100-p)% des scénarios disponibles.

5.3. UNE APPROCHE OPÉRATIONNELLE SIMPLIFIÉE                          min Xj E    J X j=1 X i∈IX Cji(Xji, ˜ξP[j])    sous P rob( ˜Mj+ X i∈IX Xji ≥ MS) ≥ 1 − p, ∀j ∈ 1, . . . , J ˜ Mj = Cmax,jT h ( ˜ξI[j]) + C Hyd max,j( ˜ξ I [j], ˜ξ H [j]) − ˜Dj, ∀j ∈ 1, . . . , J

Xji ∈ Ui,jX−ad, ∀i ∈ IX, ∀j ∈ 1, . . . , J,

(5.4)

où les Xji sont les décisions de sécurité déjà définies dans la section précédente et Ui,jX−ad les contraintes techniques correspondantes. La contrainte en probabilité introduite peut être appa- rentée à l’obligation de service public.

Commentaires sur l’approche : nous pouvons brièvement commenter quelques conséquences du choix de cette formulation du problème de couverture :

– la pratique des exploitants : cette approche est principalement calquée sur le mode opéra- toire des exploitants (cf. sections 5.1.1 et 5.1.2). Historiquement, chaque producteur est tenu d’assurer l’équilibre offre-demande. Quand les marchés n’existaient pas encore, il était néces- saire de s’assurer que la capacité maximale de production disponible sur la période d’étude était suffisante pour satisfaire la demande tout en pouvant faire face aux survenues de pannes pouvant affecter le système. Comme les producteurs continuent de maintenir l’équilibre offre- demande et que les quantités d’électricité disponibles à l’heure actuelle sur les marchés ne sont pas encore suffisamment importantes (en particulier à cause des faibles capacités d’in- terconnections du réseau entre pays), un tel processus conserve encore tout son intérêt. Nous pouvons toutefois souligner que cette approche améliore la pratique des exploitants : nous avons réussi à formuler leur pratique pour pouvoir le résoudre à l’aide de solveurs adaptés. De plus, nous avons rendu le calcul de marge plus réaliste en ne considérant plus des aléas gaussiens (voir chapitre 7) ;

– la simplification algorithmique du problème : les simplifications apportées sont impor- tantes. Le modèle (5.3) comporte des contraintes techniques sur les unités de production phy- sique (paliers de production, courbes de démarrage, d’arrêt,. . .). Ces contraintes, en général non convexes, ne figurent plus dans le modèle (5.4), conduisant à des solutions sur-optimales (car moins contraintes). C’est la contrepartie d’une plus grande facilité de résolution numé- rique ;

– la réduction de la taille du problème : nous ne considérons que le respect de la marge à l’heure de pointe de chaque jour de la période de temps. Nous passons ainsi de 144 pas de temps à uniquement 12. Par cette hypothèse, nous considérons que, si nous sommes capables de satisfaire la demande à la pointe, nous serons capables de satisfaire la demande à tout autre instant de la journée. La cause principale de ce choix de modélisation provient du calcul de la capacité de production maximale hydraulique. Le chapitre 7 montre que, pour calculer cette quantité, il est nécessaire de résoudre à chaque instant autant de problèmes linéaires que de vallées hydrauliques (une quarantaine) pour chaque scénario d’hydraulicité. Nous voyons

5.3. UNE APPROCHE OPÉRATIONNELLE SIMPLIFIÉE

aisément que les temps de calculs peuvent devenir excessifs quand le nombre de pas de temps devient trop important. Nous réduisons donc ce nombre de pas de temps. Là encore, cette hypothèse est forte mais cohérente avec les pratiques des exploitants. En effectuant cette hypo- thèse, nous limitons les arbitrages sur les marchés dans la journée (chaque journée est réduite à son heure de pointe). Mais comme des produits horaires ne sont pas encore trop développés, les arbitrages sont rares et les conséquences sur la couverture sont donc limitées ;

– la sous-optimalité et la sur-couverture du problème : comme les processus de décision sont dissociés, il est évident que les décisions prises sont sous-optimales. Deux facteurs im- portants amplifient cette sous-optimalité. Le premier, nous le verrons au chapitre C, est la non prise en compte des contraintes techniques dans le calcul de la marge. Le deuxième est la sur-couverture du processus. Idéalement, le critère de risque 1% devrait être défini pour une marge de sécurité nulle. Ce qui n’est évidemment pas le cas en pratique puisque la marge de sécurité est en général de l’ordre de 1000 à 3000MW selon la saison. Enfin, et nous l’avons également déjà vu, nous accroissons ce phénomène de sur-protection en ne considérant que la marge à la pointe et en réduisant les opportunités d’arbitrage. Il est difficile de quantifier cette sous-optimalité mais, même faible, elle justifie pleinement que la résolution du problème global (5.3) soit un axe de recherche important à la suite de cette thèse ;

– l’utilisation du parc de production comme levier de couverture : Comme l’optimi- sation de la production ne fait plus partie du modèle d’optimisation, nous avons perdu la possibilité d’utiliser le parc de production pour satisfaire le critère de risque. Pourtant, il peut être bien plus rentable d’utiliser ses centrales que d’aller se fournir sur les marchés. Pour remédier à ce problème et sous la condition que nous soyons capables d’intégrer le calcul des capacités maximales de production thermique et hydraulique dans le problème (5.4) (et, en particulier, dans la contrainte en probabilité !), nous pouvons introduire deux commandes de sécurité supplémentaires considérées par les exploitants :

• les déplacements d’arrêts en maintenance des centrales thermiques ; • l’utilisation du parc hydraulique.

Nous discuterons de cette éventualité au chapitre 9. Nous verrons notamment que, pour le cadre hydraulique, cette éventualité paraît pour l’instant très difficile à traiter. En revanche, dans le cadre de la capacité thermique, de premiers modèles ont été effectués et confortent l’importance de ces approches.

Pour conclure cette section, nous pouvons faire une analyse des propriétés mathématiques du problème (5.4). Nous rappelons que la marge est un processus stochastique connu et disponible sous forme de scénarios. La fonction objectif du problème est linéaire. La contrainte à l’intérieur de la contrainte en probabilité est linéaire ainsi que les diverses contraintes techniques sur les contrats. La taille est fonction du nombre de pas de temps (donc faible puisque égal à 12) et du nombre de contrats et de produits financiers disponibles. La taille devrait donc rester raisonnable. Cependant, ce problème comporte deux difficultés :