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Appréhender la dynamique de gouvernance de RIO et leur institutionnalisation en se

2.4 Conceptualisation de l’impact des pratiques sur la dynamique gouvernance de RIO

2.4.2 Appréhender la dynamique de gouvernance de RIO et leur institutionnalisation en se

Pour comprendre la dynamique de gouvernance de RIO, son passage d’un mode de gouvernance informel à formel, nous faisons une analyse basée sur les pratiques en mobilisant, comme souligné précédemment, le concept du travail institutionnel proposé par Lawrence et Suddaby (2006). L’utilisation de ce concept permet d’identifier et d’analyser les pratiques que développent les membres partenaires pour créer les institutions internes de leurs réseaux et les institutionnaliser. Soulignons que, comme nous le verrons, dans le cas du Réseau FSRQ, les membres fondateurs visent également, à travers son institutionnalisation, la création d’un environnement institutionnel propice à la promotion de la finance solidaire et responsable au Québec; ils visent construire un nouveau champ institutionnel, celui de la finance solidaire et responsable, en introduisant des pratiques financières différentes de celles du secteur financier traditionnel.

Pour expliquer le processus de création institutionnelle au niveau du Réseau FSRQ, nous utilisons la grille développée par Lawrence et Suddaby (2006). Soulignons que cette grille est basée sur des pratiques développées au niveau des organisations et que nous l’adoptons à notre contexte d’étude, les réseaux interorganisationnels. L’un des points forts de notre travail est cette tentative d’adapter cette grille au contexte de RIO. Notons que les travaux ayant mobilisé ce concept de travail institutionnel pour des études au niveau de réseaux interorganisationnele sont très peu nombreux.

Nous n’avons recensé que deux recherches: celle de Barabel et al. (2006) qui a mobilisé la grille de Lawrence et Suddaby (2006) pour analyser les stratégies mises en œuvre par les membres d’un district industriel dans le but de répondre aux menaces extenes liées à la globalisation; et celle de Chabault (2008) qui analyse les pratiques développées par un entrepreneur institutionnel individuel au niveau d’un réseau territorial. Nous avons recensé également le travail de thèse de Berthinier Poncet (2012) qui a mobilisé cette grille pour analyser le lien entre la gouvernance et l’innovation dans les clusters. Nous nous sommes inspirées de ces recherches, mais à la différence de celles-ci, notre travail s’intéresse aux pratiques développées collectivement par les membres d’un réseau d’organisations collectives et sociales pour formaliser sa gouvernance et l’institutionnaliser en produisant ses institutions internes. Tel que souligné par Castell (2003), les réseaux ne sont pas juste un lieu pour organiser des activités et partager des informations; ils sont aussi des véritables producteurs et distributeurs de codes culturels, qui peuvent construire ou produire de nouvelles institutions (Castell, 2003: 427, cité dans Hudalah et al., 2010). Bartley (2007b) montre également que la formation des institutions est un processus émergent qui résulte d’un travail institutionnel assuré par toutes les parties, et non pas prédéterminé par l’action de quelques entrepreneurs institutionnels suivie de pressions mimétiques.

Le Réseau FSRQ étudié était en phase de formalisation (en phase de mise en place de ses structures de gouvernance formelle) au moment de notre collecte de données. Ceci explique pourquoi notre analyse se focalise particulièrement sur le travail de création institutionnelle. Ce travail a comme objectif la mise en place de nouvelles pratiques, de nouvelles routines et de nouveaux standards (Lawrence et Saddaby, 2006). Il recouvre les actions visant d’assurer la légitimité de ces nouvelles pratiques vis-à-vis des parties prenantes les plus susceptibles de favoriser ou d’empêcher leur développement et les actions visant à doter l’activité de règles de fonctionnement propres. Ceci nécessite la constitution de normes coercitives ou indicatives et la constitution de réseaux d’acteurs susceptibles de soutenir leur diffusion (Ben Slimane et Leca, 2010).

La compréhension du processus de création institutionnelle et le sens dans lequel il s’oriente se réalisent par l’identification des principaux types de pratiques mobilisés au cours du temps (Lawrence et Suddaby, 2006). Ces auteurs ont proposé des ensembles de pratiques différentes dans lesquels les acteurs mobilisent des actions visant la création de nouvelles institutions. Ils les ont synthétisées au

sein de trois principaux leviers: politique, normatif et cognitif. Pour cela, on parle de travail politique, travail normatif et travail cognitif.

Le premier levier, politique, comprend les pratiques de plaidoyer, de définition et de motivation. Ce levier renvoie au « travail politique par lequel les acteurs rétablissent les règles, les droits de propriété et les frontières qui encadrent l'accès aux ressources matérielles » (Lawrence et Suddaby, 2006 : 15). Ces pratiques politiques ont comme objectif la construction d’une légitimité vis-à-vis de l’extérieur (Ben Slimane et Leca, 2010), car lorsqu’émerge une institution, il nécessaire dans un premier temps que celle-ci soit connue auprès des parties prenantes, et, à la dernière étape du processus, tenue pour acquise par eux (Huault et Leca, 2009). Par exemple, les communiqués diffusés auprès du grand public et des pouvoirs publics sont un exemple d’actions qui visent à rendre un réseau légitime. Le travail politique englobe également les pratiques qui visent à doter l’organisation de ses propres règles de fonctionnement (Huault et Leca, 2009); par exemple, les actions liées à la structuration et la régulation des relations entre les membres d’un réseau interorganisationnel. On peut voir que ces deux volets du travail politique peuvent être interdépendants, puisque la construction de la légitimité peut se faire aussi par la diffusion des règles et des principes qui orientent le fonctionnement du réseau.

Le deuxième levier, normatif, regroupe les actions par lesquelles les systèmes de croyances sont reconfigurés (la construction d’identités, changement de normes et formation de réseaux de relations). Enfin, le dernier levier, cognitif, regroupe les actions qui visent à faire le lien entre les nouvelles pratiques et les anciennes, à élaborer et théoriser les relations de cause à effet, et à former les acteurs (les éduquer). Évidemment, cette formation a comme but de fournir aux acteurs l’information, les connaissances et les compétences nécessaires pour s’approprier de l’institution.