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Malgré ces difficultés, l’organisation de tels festivals est très enrichissante pour les équipes, qui évoquent souvent tous les bénéfices tirés de leurs échanges personnels avec les artistes et de l’enseignement des histoires entendues. Ces festivals sont aussi l’occasion d’une « respiration bien agréable433 » au sein des tâches habituelles, et garantissent le plaisir d’assister au fil des années à la « fidélisation d’un public434 ».

D’autre part, les conséquences peuvent être nombreuses sur la valorisation du patrimoine oral au quotidien. Les festivals développent chez les publics une vraie sensibilité au conte, ce qui entraîne une demande d’animations, par le biais d’intervenants ponctuels ou par celui d’une heure du conte programmée plus fréquemment. Plusieurs bibliothèques parviennent à répondre à cette demande : « depuis, j’accueille d’autres conteurs ; trois fois par ans, dans la bibliothèque, je fais des plus petites formes435 ». Mais ce n’est évidemment pas toujours le cas : « je regrette qu’il n’y ait pas une politique plus ambitieuse, notamment à la médiathèque municipale de Belfort. […] Le festival c’est beaucoup mais le reste du temps il n’y a rien […]436 ! ». Pour les bibliothèques de petites communes dont les budgets sont très restreints, des solutions d’aménagement existent : le Conseil général du Territoire-de-Belfort subventionne plusieurs associations de conteurs amateurs qui, en échangent, interviennent gratuitement dans les petites bibliothèques du réseau.

La quasi-totalité des BDP qui organisent ces festivals mettent à disposition de leur réseau de nombreux outils d’animation pour des racontées ou des lectures à voix haute : kamishibaï et tapis de lecture, avec d’autres supports plus originaux, comme ceux proposés par la BDP du Bas Rhin : le « tablier à histoire » conçu par la conteuse Marie Michel autour du conte Dame Hiver recueilli par les frères Grimm, des « lirettes à lire » d’après quatre autres contes du même recueil (Boucle d’or, Blanche neige, Les Musiciens de Brême et Le Pêcheur et sa femme), une « lisette carpette » construite autour du personnage du loup, et un « Lison baluchon »437.

432 Emmanuel Négrier, Félix Dupin-Meynard, op. cit., p. 54. 433 ADBDP, op.cit.

434 Ibid.

435 Emmanuel Négrier, Félix Dupin-Meynard, op. cit., p. 43. 436 Emmanuel Négrier, Félix Dupin-Meynard, op. cit., p. 83.

437 http://bdbr.bas-rhin.fr/scripts/sources.asp?ressource_article=5430 (consulté le 14 novembre

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De plus, ces festivals entraînent parfois la constitution d’un fonds documentaire spécifique sur le conte : c’est le cas pour la BDP du Lot-et-Garonne, et celle des Alpes-Maritimes qui participe aux formations du CMLO depuis de nombreuses années. Dans un numéro de sa revue Machine à feuilles consacré au conte, le Centre Régional du Livre-ALCOL (Association Limousine de Coopération pour le Livre) affiche aussi l’ambition de devenir un véritable centre de ressources438. Même sans fonds spécifique, on observe une présence importante du conte dans les valises et mallettes thématiques proposées aux bibliothèques du réseau. Elles comportent parfois des recueils de conte à destination d’un public d’adultes, et sont nombreuses à être consacrées aux différentes versions d’un même conte, ce qui permet de présenter au public l’identité structurelle des contes populaires. Enfin, certaines prennent en compte les genres de la littérature orale dans les modalités de recherche de leur catalogue : c’est le cas de la BDP de Saône-et-Loire, qui propose des onglets « proverbes et dictons », « contes et légendes » et « comptines et poésies enfantines » dans la recherche par thème de son catalogue.

Néanmoins, les BDP organisant ces festivals ne sont pas toujours celles qui proposent les formations les plus spécifiques et les plus ciblées sur le conte, le répertoire oral ou l’oralité en bibliothèque. Citons pour exemple celles proposées en 2013 par la BDP de l’Aveyron, qui n’organise aucun festival de conte439 :

- « utiliser les marionnettes dans le cadre d’une animation en bibliothèque » (le programme indique qu’il s’agit notamment d’apprendre « comment les intégrer dans un conte ou une lecture »)

- « lecture à voix haute » (le programme du troisième jour étant notamment consacré aux « contes, mythes et légendes »)

- « le kamishibaï : un outil d’animation créatif » - « initiation au tapis-lecture »

- « découvrir ou approfondir les genres de la littérature orale » (avec pour objectif de « connaître les fonctions spécifiques de chaque genre de la littérature orale »,

« comprendre les enjeux contemporains de la littérature orale », « acquérir une

technique pour aborder un récit et mémoriser une trame »)

- « créer un univers sonore autour du mot, d’une comptine, d’un album ».

Pourtant, selon Marc Aubaret, à propos des « BDP qui ont un festival, pour former et motiver un public, il faut avoir une parole sur la littérature orale, on ne peut pas leur dire “il y a un spectacle de conte”, ça ne suffit pas ; il faut préparer le bibliothécaire à être un relais de l’information et du sens440 » de cette matière orale (il évoque donc surtout les formations sur les « enjeux contemporains de la littérature orale », qui font partie de celles proposées par le CMLO). Il est toutefois possible que les BDP organisant ces festivals aient déjà proposé des formations

438

« “Monsieur le Conteur, vous parlez comme un livre !” », Machine à feuilles, Revue du livre et

de la lecture en Limousin n°17-18, ALCOL-Centre Régional du Livre en Limousin, décembre

2003, disponible en ligne : http://www.crl-

limousin.org/site_crl/dossier_maf/maf_pdf/maf_17_18.pdf (consulté le 14 novembre 2013).

439 http://fr.calameo.com/read/001012929b1494065225f (consulté le 13 août 2013). 440

Comment valoriser un fonds de littérature orale en bibliothèque ?

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analogues par le passé, absentes des catalogues récents que nous avons pu consulter.

Mais de façon générale, nous ne pouvons pas établir de lien systématique entre l’organisation d’un festival de conte et la valorisation de la littérature orale par les BDP. Celle de la Dordogne, par exemple, a largement « intégré le conte, la mémoire orale et la lecture à voix haute dans ses actions441 », notamment par le biais d’un dispositif original intitulé « Passeurs de mots », qui a permis la création d’une quarantaine d’ateliers (« bébés lecteurs » ou « conte et lecture traditionnels »). Ses valises thématiques regroupent quant à elles « les grands thèmes universels des contes, des légendes et de la mythologie442 ». Les valises « conte » sont triées par thèmes, époques, pays ou régions, personnages et par genres : un tel travail représente une quasi exception dans le paysage des BDP. La Dordogne est un bel exemple d’un travail très poussé sur les collections effectué par une BDP n’organisant pas de festival.