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Paragraphe 2 : L’office du juge en matière du droit de consommation

A- L’application de l’office du juge

L’article L.141-4 du code de la consommation prévoit que le juge écarte d’office, le cas échéant, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments dans le débat. En l’état actuel du droit, en l’absence de prétention des parties, l’office du juge n’est qu’une faculté. Il s’agit donc d’une avancée importante pour l’application effective des droits des consommateurs3.

De plus, la règle a été précisée et tempérée par la cour de justice (CJCE) du 4 juin 2009 qui considère que « le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet »4. Cependant, la cour de cassation avait considéré à plusieurs reprises, en particulier en matière de contentieux du crédit à la consommation dans l’hypothèse où l’offre de crédit n’est pas régulière, que la méconnaissance des exigences légales, même d’ordre public, ne pouvait être opposée qu’à la demande de la personne que ces dispositions ont pour objet de protéger5. Cette position, est fondée sur l’article 5 du code de procédure civil français, selon lequel le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, affaiblit l’effectivité du droit de la consommation.

1 Cette loi dite loi Châtel, du nom du secrétaire d’Etat chargé de la consommation et du tourisme, Luc Châtel.

2 Com. 3 mai 1995, Bull. civ. IV, n° 128. D. 1997. 124, note Eudier.

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V. le site: www.economie.gouv.fr, (F.LEFEBVRE, Projet de la loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs), op.cit, mesure n°24.

4 S. WHITTAKER, Clauses abusives et garanties des consommateurs, op.cit, n°17, p.1153.

5 M. LUBY, Le pouvoir du juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause attributive de juridiction, RTD

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En outre, elle semble contrevenir à l’approche de la cour de justice des communautés européennes1, laquelle a estimé dans une décision du 4 octobre 2007 que le juge français devait pouvoir relever d’office un moyen tiré de la méconnaissance par le professionnel des conditions de régularité de l’offre de crédit à la consommation2.

De même, la CJCE, dans son arrêt Cofidis du 21 novembre 2002 avait autorisé le juge à soulever d'office une clause abusive. Ainsi le tribunal d'instance de Roubaix avait pu considérer que le juge avait le pouvoir de soulever d'office le caractère abusif d'une clause contenue dans un contrat de crédit à la consommation même au-delà de l'expiration du délai de forclusion3.

La Cour de cassation dans l'espèce commentée avait à connaître d'un cas similaire. Le tribunal de Rochechouart avait refusé de rejeter une fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion fixé par l'article L. 311-37 du code de la consommation4 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 11 décembre 20015.

Ici l’article 125 alinéa 1er, du nouveau code de procédure civil français fait obligation au juge de soulever d’office les fins de non-recevoir ayant un caractère droit public, ce qui est le cas du délai biennal de forclusion de l’article L.311-37 du code de la consommation, c’est à la condition que les faits soumis à l’examen de ces derniers soient invoqués et prouvés par le consommateur, ce qui réduit la marge d’initiative du juge6.

-L’appréciation du caractère abusif :

Selon l’article L.132-1alinéa 5 du code de la consommation, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat.

1 D. LEGEAIS, Crédit à la consommation. Irrégularité de l'offre préalable, RTD com.2005, Cdrom, p.157.

2 E. POILLOT et N.SAUPHANOR-BROUILLAUD, Droit de la consommation, Panorama-consommation, D., 2009, n°6, p.401.

3 D. LEGEAIS, Crédit à la consommation, op.cit. p.157.

4 D. LEGEAIS, Crédit à la consommation, ibid. p.157.

5La loi française n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, J.O.R.F N° 12.

6 Y. PICOD et H.DAVO, Droit de la consommation, op.cit, n°295, p.206.

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Il s’apprécie en outre au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre1.

Cette dernière proposition recouvre par exemple le cas d’un contrat annexe à un contrat principal ou un prêt lié à une vente, là où le juge doit apprécier le caractère abusif de la clause au moment de la conclusion du contrat et non au moment où il statue.

Il ne peut donc pas se fonder sur la durée réelle d’exécution d’un contrat et ne doit prendre en compte que la durée prévue2.

Cependant, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne doit porter ni sur la définition de l’objet principal du contrat3, ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, du moins pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible, selon l’article L.132-, alinéa 7.

Ainsi, l’appréciation du caractère abusif ne peut pas porter sur la clause d’un contrat d’assurance « fuite d’eau après compteur »qui prévoit que l’assureur prend à sa charge le montant des factures d’eau en cas de fuite éventuelle après compteur sur l’installation privative de l’assuré, sous déduction d’une franchise égale à la somme des deux consommations semestrielles précédant la date relevée faisant apparaître une surconsommation et à concurrence d’un plafond de garantie de 15245 euro4.

En effet, cette clause, relative au montant de la garantie due par l’assureur, porter sur l’objet principale du contrat5.

De plus, une clause conforme à un texte de loi ne peut pas revêtir un caractère abusif, même si elle crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

Lorsque le caractère abusif d’une clause contractuelle est invoqué au cours d’une instance, le juge peut demander à la commission des clauses abusives son avis sur le sujet.

La demande du juge n’est pas susceptible de recours et la commission dispose de trois mois à compter de sa saisine pour donner son avis, selon l’article R.534-4, alinéa 1à3du code de la consommation1, mais celui-ci ne lie pas le juge.

1 J. CALAIS-AULOY et H.TEMPLE, Droit de la consommation, op.cit, n°182, p.220.

2 F. LEFEBVRE, Concurrence-Consommation, op.cit, n°3653, p.61.

3 En revanche l’objet principal du contrat où le prix a été librement accepté par le consommateur, peut invoquer la nullité du contrat sur le fondement d’autres textes. Par exemple, pour le vice du consentement (erreur, contrainte, dol) ou pour abus de faiblesse.

4 F. LEFEBVRE, Concurrence-Consommation, préc, n°3653, p.61.

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Ainsi, les associations peuvent demander au juge statuant sur l’action civile la suppression dans les contrats ou les types de contrats proposés aux consommateurs, des clauses interdites et réputées non écrites en vertu des décrets d’application de l’article L.132-1 du code de la consommation2.