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5.1.Matériaux support (« scaffold »)

Comme leur nom l’indique, ces matériaux servent de support temporaire qui facilitent les processus de réparation tissulaire. Ils doivent donc permettre l’adhérence, l’étalement, la motilité, la survie et la

différenciation cellulaires 95. Leur fonction en ingénierie tissulaire est de permettre la croissance cellulaire en

leur sein et/ou la migration à partir des tissus environnants. Le matériau support est donc un support pour l’adhérence cellulaire, la prolifération, la différenciation, le transport de nutriments et l’excrétion des déchets pendant que la cellule sécrète sa propre matrice extracellulaire.

Idéalement, ce matériau support doit :

 avoir une structure tridimensionnelle dans laquelle les pores sont interconnectés pour permettre la

croissance cellulaire et le flux de nutriments et des déchets métaboliques.

 être biocompatible, c’est-à-dire qu’il ne doit pas susciter de réaction inflammatoire ni posséder une

forte immunogénicité ou une cytotoxicité importante 95.

 être biorésorbable avec une vitesse de dégradation et de résorption contrôlée pour coïncider avec

la croissance cellulaire/tissulaire in vitro/in vivo. Si sa dégradation est trop rapide, le matériau ne joue plus son rôle de support et l’organisme n’est pas capable d’éliminer les produits de dégradation, ce qui peut engendrer des réponses inflammatoires ou toxiques. Si la dégradation est trop lente, elle limite la croissance du nouveau tissu.

 avoir une surface permettant l’adhérence cellulaire, la prolifération et la différenciation des cellules.

 avoir des propriétés mécaniques correspondant à celles du tissu d’implantation dont ils doivent

favoriser la régénération, afin de servir de support lors des premières phases de croissance cellulaire. Si son module de compression est trop faible, le matériau support peut être déformé et écrasé, ce qui conduit à une croissance cellulaire déformée voire à l’absence de toute croissance. S’il est trop élevé, les cellules ne sont pas dans des conditions optimales pour la croissance cellulaire. Les différences de modules élastiques se traduisent par des déformations différentes pour la même contrainte imposée, ce qui peut causer la délamination du matériau support.

pouvoir être produit en quantité importante et dans des conditions satisfaisantes de qualité, en

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5.2.Rôle de barrière

Les hydrogels peuvent aussi être utilisés comme barrières pour améliorer la guérison des tissus vasculaires blessés en prévenant la resténose ou la thrombose dues à la formation d’adhérences

post-opératoires 75,97. La formation intravasculaire d’un hydrogel fin permet, en effet, de limiter l’épaississement

de l’intima (couche de cellules endothéliales en contact direct avec le flux sanguin, appuyées sur une lame basale) et la thrombose. L’hydrogel agit alors comme une barrière empêchant les plaquettes, les facteurs de la coagulation et les protéines du plasma d’interagir avec la paroi cellulaire. Leur contact avec la paroi des vaisseaux sanguins étant limité, la prolifération, la migration et la synthèse de matrice extracellulaire par les cellules musculaires lisses ainsi que la resténose le sont également.

Certains hydrogels permettent de limiter la formation d’adhérences induites par des traumatismes

chirurgicaux, plus particulièrement au niveau du péritoine 98, et dues à une fibrinolyse anormale. Ainsi, un

gel de poly(éthylène glycol-co-acide lactique) diacrylate, formé par polymérisation en masse sur les surfaces intrapéritonéales, limite le dépôt de fibrine et l’attachement des fibroblastes à la surface tissulaire,

minimisant ainsi l’adhérence cellulaire. Ce gel étant biodégradable, il se résorbe au fil du temps 99. Ces

hydrogels constituent donc une barrière qui limite l’adsorption protéique et la diffusion afin d’empêcher les cellules de s’attacher à leur surface.

5.3.Libération contrôlée de principes actifs

Les hydrogels possèdent un certain nombre de propriétés physico-chimiques qui les rendent particulièrement adaptés à la libération contrôlée de molécules bioactives. En effet, leur porosité importante

permet le stockage de molécules bioactives et leur relargage de manière prolongée dans le temps 94. Cette

délivrance peut être contrôlée par diffusion, qui dépend du gonflement, de la nature chimique de l’hydrogel

et des stimuli de l’environnement (Figure24). Les propriétés physico-chimiques telles que la perméabilité

(pour un relargage prolongé), la sensibilité aux signaux de l’environnement (délivrance pulsatile), la fonctionnalité de surface (greffage de PEG pour la furtivité), la biodégradabilité, ou des sites de reconnaissance en surface (pour une libération et une bioadhésion ciblées) peuvent alors être optimisées. Le contrôle des capacités de gonflement d’un hydrogel est une méthode permettant de déclencher un relargage contrôlé : cela peut être fait par le contrôle de la longueur des chaînes de polymère, ou de la composition en polymère, afin de modifier la densité et le degré de réticulation du réseau.

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Figure 24 : exemples de mécanismes de délivrance/relargage des hydrogels (A) principe actif (PA) dissout dans l’hydrogel ; (B) PA encapsulé dans l’hydrogel ; (C) PA dissout dans un hydrogel sensible aux signaux de

l’environnement ; (D) PA dissout dans un hydrogel dégradable. D’après Peppas et al 100.

L’existence d’un gradient de concentration en molécules actives entre le matériau et le milieu extérieur favorise leur diffusion de l’intérieur vers l’extérieur. Ces phénomènes de diffusion sont régis par les

lois de Fick. Le flux molaire de la molécule bioactive, 𝐽 (mol/cm²) est alors proportionnel au gradient de

concentration (∆𝑐) selon la relation :

𝐽 = −𝐷 𝑑𝑐 𝑑𝑥

où 𝐷 est le coefficient de diffusion dans le polymère (cm²/s), 𝑐 est la concentration de la molécule bioactive

dans l’hydrogel (mol/cm3) et 𝑥 la distance de diffusion. Par ailleurs, la variation dans le temps du gradient de

concentration entraîne une diminution du flux de matière. La variation de concentration en éléments diffusants (dC/dt) est inversement égale à la variation du flux de matière (dJ/dx). La cinétique de relargage est déterminée par l’équation suivante :

𝑑𝑐 𝑑𝑡 = 𝐷 (

𝑑²𝑐 𝑑𝑥²)

Pour les applications biomédicales, les hydrogels biodégradables sont favorisés car la seconde opération chirurgicale pour les retirer n’est pas nécessaire. Par contre, la prédiction du temps de dégradation de l’hydrogel est cruciale pour relarguer les quantités adaptées et sur des durées suffisantes. Les exemples sont nombreux mais ne seront pas détaillés dans ce manuscrit.

DT, DpH, etc

(A)

(B)

(C)

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5.4.Encapsulation cellulaire

L’encapsulation cellulaire consiste à fabriquer un matériau dans lequel des cellules sont incluses au moment de la synthèse (Figure 25), et à l’utiliser pour remplacer un tissu altéré ou pour implanter des cellules libérant des facteurs trophiques stimulant la réparation tissulaire. De tels traitements ont été développés pour certaines pathologies, telles que le diabète, les dysfonctionnements hépatiques, les troubles

neurologiques, les défauts osseux et le cancer 101. L’hydrogel utilisé maintient alors la viabilité cellulaire, sans

quoi il n’assure pas sa fonction première. Pour cela, la diffusion des nutriments, des déchets métaboliques et de l’oxygène au travers du matériau doit être possible bien qu’elle dépende directement de l’épaisseur et de la porosité du réseau.

Figure 25 : principe de l'encapsulation cellulaire : les cellules sont cultivées classiquement puis décrochées de leur flasque de culture, centrifugées et resuspendues dans la solution d’encapsulation. Les cellules et les matériaux peuvent être cultivés in vitro dans des plaques de culture cellulaire, ou injectés in vivo, en fonction de l’application

souhaitée 101.

Nous allons maintenant décrire les principaux types d’hydrogels utilisés en ingénierie tissulaire. Cette présentation ne sera pas exhaustive mais permettra de situer les travaux réalisés pendant cette thèse par rapport aux hydrogels existants et possédants des propriétés équivalentes.