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II. Synthèse de la polémique Marchand-Des Maizeaux

2.3 En anticipant le Dictionaire historique et critique de Rotterdam

La vive réaction critique que suscitèrent les éditions du Commentaire

philosophique et des Lettres choisies était accrue par leur inextricable association avec

301 À des fins illustratives, considérons l’exemple suivant. Au sujet d’une note commentant les « Remarques de Mr. le Duchat sur Rabelais » qui remplace une des siennes, on lit chez Des Maizeaux que : le Sieur Marchand déclare que ces Remarques ne répondent nullement à l’esperance qu’on avoit

conçûe, ce semble, avec aßez de fondement, d’avoir un bon Commentaire sur cet Auteur; & que bien loin de nous y developer ces Faits curieux & singuliers, que Rabelais a deguisez par ses fictions, qui est justement tout ce que les Curieux recherchent, on s’est amusé à nous expliquer ses vieux mots & ses vieilles phrases, qui étoient déja assez connües de ceux qui aiment ces sortes de lectures : laissant ainsi cet Auteur, si l’on en excepte quelques façons de parler particulieres, aussi obscur qu’il l’ait jamais été, pour ceux qui cherchent l’histoire secrete & satirique de son tems. (2-8, p. 341-342)

À la suite de cette première citation en bloc, Des Maizeaux en donne son opinion générale et en élaborant, insère les expressions de Marchand dans son analyse pour les contredire tour à tour. Enfin, il conclut que :

c’est-là justement tout ce que les Curieux recherchent, on peut dire qu’il [Le Duchat] a très-bien

répondu à l’esperance qu’on avoit eûë, qu’il nous donneroit un bon Commentaire sur Rabelais; & que

par conséquent il n’est pas vrai, comme l’assure le Sieur Marchand, qu’il ait laissé cet Auteur, si l’on

en excepte quelques façons de parler particulieres, aussi obscur qu’il l’ai jamais été, pour ceux qui cherchent l’Histoire secrete & satirique de son tems. (Ibid., p. 343)

Ainsi, les termes repris servent finalement à dire exactement le contraire de ce qu’ils signifiaient dans leur contexte premier.

l’édition annoncée de l’œuvre magistrale de Bayle, son Dictionaire historique et

critique302. Effectivement, lorsque Marchand a composé une présentation préparatoire du

grand ouvrage, le « Projet d’une Nouvelle Edition du Dictionaire Historique et Critique de M. Bayle » (2-9) a aussitôt piqué la curiosité de la communauté savante, et c’est autour de la publication projetée que s’est poursuivie sa dispute avec Des Maizeaux (voir Tableau 3). Débattant de ce que devait être le traitement éditorial du dictionnaire, l’un continuait à mettre en cause les capacités de l’autre et convoquait à cette fin la question du respect dû à Bayle en attirant l’attention du public sur ces éléments de l’édition posthume qui importaient spécialement aux savants et nécessitaient un soin particulier. Ce fut alors à Marchand de défendre son travail et sa personne contre ces attaques en répondant aux craintes qui avaient été soulevées et en dénonçant la critique et son auteur.

Tableau 3 : Textes de la polémique anticipant l’impression de la 3e éd. du DHC (1720) (fin de phase 2)

Sigle Date de

publication Responsable(s) Titre

303 Publié

2-9 1714 [Marchand]304, Fritsch et Böhm

« Projet d’une nouvelle édition du [DHC...] de M. Bayle, avec une lettre aux Auteurs de ce Journal, touchant ce Projet »305

JL 2-10 1715 Fabri et

Barrillot Dictionaire historique et critique [Fabri et Barrillot] 2-11 1715 [Des Maizeaux] « Avis important au public, sur l’édition fausse & tronquée du

Dictionaire de Mr. Bayle, qui se fait à Rotterdam » HCRL 2-12 2-12a 2-12b 1716 [Des Maizeaux] [Des Maizeaux] [Des Maizeaux]

Histoire de Mr. Bayle et de ses ouvrages par Mr. de la Monnoye,

éd. augmentée306

- « Avis du Libraire au Lecteur »

- « Apostille ou Dialogue d’un tour nouveau »

- « Factum des Amis de Mr. Bayle, ou Avis Important au Public sur l’Edition fausse & tronquée du [DHC de

Jacques Desbordes [secondé par Fabri et Barrillot]

302 La préface aux LC signale notamment que sa table des matières « est un Essai de ce qu’on se propose de faire pour la Table de la Nouvelle Edition du Dictionaire Critique de Mr. Bayle » (p. xiii).

303 Nous soulignons en gras les formes courtes par lesquelles nous ferons référence à ces éléments. 304 Marchand avouera plus tard avoir été l’auteur de cette pièce (voir 2-14, p. 94).

305 Le Projet a vraisemblablement été imprimé et distribué dans un premier temps comme feuille volante du même format in-folio qu’allait prendre le dictionnaire. L’éphémérité de ce type de production imprimée fait cependant que nous ne retrouvons pas actuellement d’exemplaires de la version originale du Projet qu’un petit nombre de références contemporaines nous mène à distinguer de la réimpression qui fut incluse dans le JL (2-9, 2-13, 3-1).

306 Réimprime aussi trois autres textes portant sur les éditions marchandiennes du CP et des LC, soit 2-5, 2-

Rotterdam] »

2-13 1716 Marchand « Défense de la Nouvelle Edition du Dictionaire de M. Bayle qui se fait à Rotterdam, contre ce qu’on en a dit dans le Tom. X. de l’Histoire Critique de la République des Lettres »

JL

2-14 1716 Marchand « Déclaration authentique touchant les manuscrits laissés par feu Mr. Bayle, pour le suplément de son Dictionaire historique et critique »

JL

À la demande de Fritsch et Böhm, Marchand rédige un texte servant des fins à la fois publicitaires et défensives à l’égard de son édition du DHC. De manière similaire à l’avertissement au CP et à la préface aux LC, le Projet s’adressait au public et décrivait le travail éditorial de Marchand. Il s’agissait en effet d’un prospectus exposant les traits saillants de la troisième édition de ce texte et donnant à voir des exemples d’articles tels qu’ils allaient y paraître, car le Projet mettait à portée du public un proto-exemplaire de l’ouvrage qui invitait à juger du contenu élargi, des remaniements de Marchand et de la qualité de son impression imminente chez Fritsch et Böhm. Pour la première fois, Marchand répondait à certains éléments de la critique (l’exagération de l’étendue des ajouts, par exemple) que l’on avait faite de ses travaux précédents, justifiant l’approche éditoriale qu’il allait privilégier une fois de plus.

Écrite dans la voix abstraite des responsables de la troisième édition, qui comprend les imprimeurs et son éditeur, le texte du Projet procède par sections thématiques qui présentent les caractéristiques notables de l’édition par rapport aux précédentes et à celles que Bayle avait annoncées pour la suivante307. L’on regrette notamment l’impossibilité de

publier séparément, comme prévu, le Supplément que Bayle avait laissé pour l’augmentation de son ouvrage, et ce, en raison de la contrefaçon du dictionnaire

307 Bayle ayant continuellement retravaillé le DHC, il avait augmenté son texte d’articles, de notes et de remarques supplémentaires. Lors de la deuxième édition, Bayle avait eu l’intention de publier les additions dans un volume à part afin d’épargner aux détenteurs de l’édition originale l’achat de son contenu à nouveau et, bien que cela ne se fût pas réalisé, il avait réitéré cette intention pour la troisième édition.

entreprise à Genève qui pourrait alors trop facilement faire usage des ajouts. Par conséquent, l’édition qu’annonçait le Projet allait être une reprise complète du DHC et représenter une mise au net de l’œuvre. L’édition allait bien sûr être complétée par l’intégration des pièces du Supplément, mais, en plus, les articles précédemment publiés hors de l’ordre alphabétique y seraient intégrés à leur place et la numérotation des remarques serait simplifiée308. En ce sens, la première édition posthume était conçue

comme une version définitive du dictionnaire qui avait été un chantier perpétuel du vivant de son auteur.

Parmi d’autres changements, le Projet annonçait « une infinité d’Additions & de Corrections » qui seraient répandues dans le texte et un amendement de la disposition typographique des remarques en bas de page309. Marchand proposait en outre « de rendre

[l]es Citations plus exactes & plus intelligibles » et d’ajouter une table des matières « bien plus exacte & bien plus détaillée » que celle précédemment fournie310. L’étalage

de ces diverses modifications donne à voir en résumé l’approche éditoriale, voire idéologique, de Marchand à l’œuvre de Bayle. C’est que Marchand ne travaille pas à l’ombre du texte en n’en corrigeant que les erreurs manifestes. Par la mise à jour de l’ordre des articles, des remarques et des notes, par l’intégration d’articles nouveaux et par la révision de la mise en page, Marchand agit en assistant plus actif, voire en

308 Dans les deux premières éditions, les articles rédigés après la lettre sous laquelle ils auraient dû paraître trouvaient place à la fin du dernier volume. De plus, les notes et remarques ajoutées à la deuxième édition avaient été marquées comme des additions afin qu’une remarque B dans la première édition demeurât la remarque B dans la deuxième, même si elle était dès lors précédée des nouvelles remarques AΔ et AΔΔ. Par la normalisation de la numérotation, une séquence de remarques A, AΔ, AΔΔ, B, par exemple, allait devenir A, B, C, D.

309 Alors que les remarques figuraient auparavant en bloc en bas de chaque page, elles allaient dès lors paraître, lorsqu’un nouvel article commence sur une page entamée, à la suite de l’article auquel elles renvoient.

collaborateur de l’auteur. Le rapport entre l’auteur et l’éditeur est donc pour lui moins celui d’un supérieur et de son subordonné que celui de collègues311.

L’on remarque par ailleurs que chaque changement proposé était destiné à faciliter la lecture de l’ouvrage. Les additions individuelles aux textes préexistants ne seraient pas signalées afin de ne pas « apporter de la Confusion à l’Ouvrage » et la nouvelle mise en page était pensée « [p]our donner, non seulement plus de Grace au Livre, mais encore plus de Facilité aux Lecteurs »312. Pour clore la description du projet éditorial, son auteur

remarque

[qu’i]l y a mille autres petits soins à prendre pour la Perfection d’un semblable Ouvrage, dans le Détail desquels il n’est pas possible d’entrer, & que les Connoisseurs sentiront assez, dès qu’ils le verront paroître. On les observera avec toute l’Exactitude possible & l’on n’oubliera rien de ce qui pourra contribuer à rendre cette Edition la plus exacte & la plus utile qu’on pourra.313

L’insistance sur la subtilité du travail éditorial permet de mettre de l’avant le talent de celui qui s’en est chargé, ce qui, pris en conjonction avec le souci de clarté et de complétude que traduisent les diverses améliorations, rappelle le discours affirmatif de la posture éditoriale esquissée dans les textes qui présentaient le CP et les LC. Ici plus encore qu’auparavant, les caractéristiques de l’édition projetée sont indissociables de l’éthos de celui qui en est responsable. Plus nombreuses et variées, et relatives à un

311 Marchand demeure toutefois un collègue respectueux de l’auteur. Il prend soin de distinguer les articles d’autrui non revus par Bayle du corps du dictionnaire et conçoit un système de symboles pour signaler les ajouts qui se sont faits à la deuxième et à la troisième édition. Selon le Projet :

dans cette nouvelle Edition, tous les Articles de la premiére n’auront point de Marque; tout [sic] ceux de la seconde se connoitront toûjours par la Marque que M. Bayle leur a donnée, savoir par une Main , que nous avons voulu conserver, parce qu’on y est déja tout accoutumé, & tous ceux, qui paroissent pour la premiére fois dans cette troisiéme, se distingueront par un Gland . On observera la même chose à l’égard des Remarques nouvelles, des Additions, & des Corrections, insérées, soit dans la seconde, soit dans la troisiéme Édition. (2-9, p. 366)

312 Ibid., p. 367-368. 313 Ibid., p. 371.

ouvrage d’une importance plus notable, les améliorations sont vantées en même temps que leur responsable dans ce texte publicitaire.

Pour compléter sa présentation de l’édition du DHC, l’auteur du Projet devait répondre à quelques commentaires négatifs déjà formulés à l’égard de son travail. C’est ce que fait Marchand dans le post-scriptum de l’article, où il réfute la prétendue exagération de l’étendue du Supplément au DHC314. Quant à l’analyse du CP, Marchand

n’y répond pas directement; dénigrant la critique et le journal dans lequel elle est placée – le périodique est dit ne pas mériter être pris au sérieux –, il soutient qu’il ne vaut pas la peine d’y répondre. D’après lui, « [o]n sent trop que le seul but qu’on s’y propose est de décrier en général nos Editions, & en particulier celle que nous avons commencée du

Dictionaire Historique & Critique » et cela dans le but de « prévenir le Public contre un

Ouvrage qui leur [les responsables de la critique parue dans l’HCRL] nuira sans doute, & qui portera beaucoup de préjudice à l’Edition qu’ils ont entreprise du Dictionaire de M. Bayle »315. De cette façon, Marchand responsabilise des individus particuliers (bien

que non identifiés) de la critique qui le vise et neutralise leurs propos en soulignant l’intérêt personnel qui les motive. Ainsi, le discours défensif de Marchand est d’un registre offensif, puisqu’en plus de répondre à la critique avec des preuves concrètes (une liste sélective d’articles contenus dans le Supplément), il déboute les détracteurs et la validité même de leurs reproches.

L’intérêt de l’édition du DHC assura la diffusion du Projet à l’échelle de la République des Lettres et ses propos furent repris et succinctement commentés dans

314 Ce reproche avait été glissé dans la critique du CP publiée dans l’HCRL (2-5, p. 251). Pour le contrer, Marchand énumère vingt-neuf articles du Supplément qui seront ajoutés à la troisième édition.

plusieurs journaux savants316. Un effet secondaire de cette publicité pour l’édition

marchandienne du dictionnaire fut qu’elle motiva les partisans de la contrefaçon de Genève (2-10) à faire parler aussi de la leur, afin de ne pas se voir oublier ou défavoriser au bénéfice des Hollandais317. En effet, l’édition genevoise, qui était en préparation

depuis 1713, était étroitement reliée à la mise au défi de Marchand et de son édition. Comme les libraires Fabri et Barrillot qui la publiaient étaient en compétition directe avec Fritsch et Böhm, ils étaient devenus les alliés naturels de Des Maizeaux dès sa rupture définitive avec les Rotterdamois au printemps de 1714318. Étant donné ce rapport de

sympathie mutuelle et d’intérêt commun, Fabri et Barillot lui ont annoncé leur intention de répondre publiquement au Projet de Marchand et de mettre en cause les additions au

DHC qui y étaient annoncées319. Des Maizeaux aurait proposé de combiner leurs efforts

contre l’édition de Rotterdam, et spécifiquement de faire « imprimer à la fin de la Vie [de Bayle], les deux Lettres inserées dans le Journal de Mr. Masson & les remarques & la Lettre » qu’il rédigerait320. Or, les Genevois considéraient que : « c’est là le plus beau

moien que nous puissions avoir pour retorquer tout ce que l’on a publié c{ontre n}ôtre édition du Dictionaire. »321 Il nous paraît vraisemblable que la lettre inédite que proposait

Des Maizeaux contre le travail de Marchand, Fritsch et Böhm était le texte qui devint

316 L’on relève par exemple des mentions de cette édition promise dans les Nouvelles littéraires, l’HCRL, le

JL et les Mémoires de Trévoux.

317 Le dictionnaire de Genève est mentionné de manière positive dans l’HCRL et les Nouvelles littéraires, et de manière négative dans le JL.

318 Immédiatement après la parution de l’édition des LC, Des Maizeaux avait offert des lettres de Bayle en sa possession à Fabri et Barillot pour encourager la préparation éventuelle d’une nouvelle édition de la correspondance qui ferait concurrence à la première (voir BL Add. Mss. 4283 ff. 218-219, Fabri et Barrillot à P. Des Maizeaux, 1714-05-16). Sur Fabri et Barrillot, voir J. R. Kleinschmidt, Les imprimeurs et libraires

de la République de Genève, 1700-1798; « Fabri, Jaques » et « Barrillot, Jaques ».

319 BL Add. Mss. 4283, ff. 220-221, Fabri et Barrillot à P. Des Maizeaux, 1714-09-01. 320 BL Add. Mss. 4283, ff. 224-225, Fabri et Barrillot à P. Des Maizeaux, 1715-03-04. 321 Ibid.

l’« Avis important », une sorte de lettre ouverte au public de la part des « Amis de Bayle »322.

L’« Avis important au public sur l’édition fausse et tronquée du Dictionnaire de Mr. Bayle, qui se fait à Rotterdam » (2-11) – doublement motivé par les intérêts complémentaires de Des Maizeaux et des libraires genevois – constituait une réponse forte au Projet et essayait de bloquer la réalisation de l’édition sous la forme projetée. Dans cette perspective, l’on y dresse une ligne de front entre l’éditeur opposé et le groupe de ceux qui s’opposent à lui. Le texte ne portait pas ouvertement le nom de son auteur323,

évitant d’afficher une identité particulière pour que la voix auctoriale puisse passer pour collective, soit celle des « amis de M. Bayle »324. Dans un conflit touchant l’œuvre de ce

dernier, l’utilisation de cette signature cherchait non seulement à s’approprier la force du nombre par la pluralité indéfinie des amis, mais plus encore à s’attribuer la défense de Bayle en raison de la proximité supposée par l’amitié. En affichant cette posture amicale, l’auteur laisse par ailleurs sous-entendre que l’apologie de Bayle serait incompatible avec la posture à laquelle les « Amis » s’opposent, celle de Prosper Marchand. On s’attaque à ses motivations et lui impute de travailler sur les textes de Bayle pour « faire parler de lui », le comparant « à ce malheureux, qui brula le Temple d’Ephese, pour tirer son nom

322 Cette supposition découle de ce que la correspondance de Des Maizeaux révèle que le texte proposé n’a finalement pas pu être publié avec la Vie de Mr. Bayle à défaut d’indiquer l’identité de son auteur (BL Add. Mss. 4283 ff. 226-227, Fabri et Barrillot à P. Des Maizeaux, 1715-06-14). Sur les difficultés qu’eurent Fabri et Barrillot avec l’édition de la Vie, voir Amédée Roget, « Pierre Bayle et Genève », surtout p. 191- 201. Comme Des Maizeaux tenait à ne pas se révéler en tant qu’auteur de l’Avis, celui-ci a finalement été publié par recours à Masson à la toute fin de 1715 (2-11) avant d’être intégré au rassemblement de textes polémiques avec l’Histoire de Mr. Bayle (2-12).

323 Les archives révèlent cependant que c’est encore Des Maizeaux qui y entreprend de répondre au projet de son adversaire (BL Add. Mss. 4285 f. 163, S. Masson à P. Des Maizeaux, 1715-02-08).

324 2-11, p. 227, 265. L’identité collective de l’auteur est soulignée lorsqu’à sa réimpression le texte est renommé le « Factum des Amis de Mr. Bayle » (2-12b).

de l’obscurité. »325 En attribuant à l’éditeur une motivation déshonorante, l’auteur de

l’Avis élève les Amis de Bayle au statut de défenseurs du temple de son œuvre et accentue en même temps le danger qu’il y aurait à laisser Marchand agir comme il l’entend326.

Les camps une fois dressés, le but de l’article est affiché dans la déclaration musclée de l’introduction :

les Amis de cet illustre Ecrivain [Pierre Bayle] se trouvent obligés d’avertir tous ceux à qui il appartiendra, que l’Ouvrage qu’on a commencé d’imprimer à

Rotterdam sous le Titre de Dictionaire de Mr. Bayle, &c. N’est point le véritable

DICTIONAIRE de Mr. Bayle, mais un Livre tout différent, puisque dans cette

prétenduë nouvelle Edition, on change l’ordre & la disposition de Mr. Bayle; on altére ses expressions; on lui fait dire des choses absurdes ou fausses; & on lui suppose des Additions & des Corrections auxquelles il n’a point de part, & qui seront pourtant insérées dans le Corps de l’Ouvrage, & confonduës avec celles qui lui appartiennent veritablement. C’est ce que nous allons prouver avec toute

l’évidence possible327.

Il sera donc explicitement question d’une évaluation attentive du Projet et de l’approche éditoriale de Marchand. À la manière d’une critique littéraire, les diverses propositions pour la troisième édition du DHC seront étudiées et jugées, dans une perspective qui cherche à correspondre à celle du public intéressé par cet ouvrage. Procédant de manière similaire à l’exposition même du Projet, l’article de Des Maizeaux est organisé en sections thématiques qui recoupent en partie celles de la présentation de Marchand. Bien