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Annexe 1 : activation séquentielle d’un chlorure puis d’un fluorure benzylique

Chapitre 2 : Permettre les réactions de substitution nucléophile des fluorures d’alkyles activés par la donation

2.6 Annexe 1 : activation séquentielle d’un chlorure puis d’un fluorure benzylique

Les fluorures benzyliques étant relativement inertes dans plusieurs types de réactions chimiques, notre système d’activation nous semblait une façon intéressante d’utiliser le fluor comme d’un groupement sortant à déclenchement contrôlé pour la synthèse organique. Comme il fut mentionné ci-haut, notre système ne permet pas d’activer sélectivement un fluorure benzylique par rapport à un chlorure du même type. Cependant, il nous permet de déclencher au moment opportun, par l’addition d’eau au milieu réactionnel, la réaction sur le fluorure. Nous avons donc imaginé que la réaction séquentielle en un seul pot des deux halogénures benzyliques d’un composé bifonctionnel serait possible (2.3, Schéma 2.1).

Notre étude a débuté avec la synthèse du composé 2.3, réalisée en une étape par déoxofluoration de l’alcool commercialement disponible 2.4, dans les conditions de O’Hagan (Schéma 2.2).111 Cette réaction génère le composé désiré avec un rendement

acceptable; néanmoins la chromatographie sur gel de silice altère légèrement la pureté du composé.

Schéma 2.2. Synthèse du substrat bifonctionnel.

Nous sommes ensuite passés à l’étude de la réaction désirée. Si l’on étudie la transformation proposée au Schéma 2.1, on remarque que certains paramètres devront être bien contrôlés. D’abord, notre étude n’est intéressante que si la réaction se fait réellement en un seul pot. En effet, il apparaît évidemment à la lumière de nos résultats précédents que la substitution du fluorure benzylique sur un substrat purifié après la substitution du chlorure fonctionnerait. Une telle transformation en deux étapes aurait peu d’intérêt. Ensuite, le solvant choisi doit éviter toute réaction du fluorure benzylique lors de la première étape de réaction du chlorure. C’est pourquoi, malgré le fait que toute l’étude du présent chapitre a été réalisée avec le mélange i-PrOH/H2O, nous avons choisi le DMF

plutôt que le 2-propanol pour le substrat bifonctionnel. La raison pour ce choix est que les fluorures benzyliques démontrent une réactivité faible mais réelle dans le 2-propanol, ce qui compromettrait la substitution propre du chlorure benzylique. Finalement, il est important qu’il ne reste plus du nucléophile Nu1 lors de l’ajout de l’eau, sans quoi celui-ci

réagira en compétition avec Nu2. En gardant ces points en tête, nous avons tenté

l’expérience présentée au Schéma 2.3. La pyrrolidine, qui est plus nucléophile que la morpholine, a été choisie comme premier nucléophile pour s’assurer que la première étape atteigne la conversion complète malgré une quantité parfaitement stœchiométrique.

Schéma 2.3. Premier essai pour la réaction du substrat bifonctionnel.

L’analyse RMN et par spectre de masse à haute résolution (HRMS) du brut réactionnel nous a permis de noter quelques observations, la première étant que le produit désiré 2.5 était effectivement le produit majoritaire! Cependant, il nous était aussi possible de trouver les signatures spectrales du produit de double addition de la morpholine (2.6, Figure 2.3) à hauteur de 10% et du produit de double addition de la pyrrolidine (2.7, Figure 2.3) à environ 2%. Ceci indique donc que la substitution du chlorure n’était pas complète lors de l’ajout de l’eau. Considérant que la vitesse d’une réaction de type SN2 comme celle que

l’on peut attendre d’une telle fonctionnalité chimique est proportionnelle à la concentration du substrat et du nucléophile, il semble clair que la conversion du chlorure n’a pas pu être complète. La morpholine, introduite par la suite, a donc terminé le travail et substitué les deux halogénures sans considération pour leur nature. La présence du composé 2.7, quant à elle, indique qu’il restait tout de même suffisamment de pyrrolidine après la première étape pour faire compétition à la morpholine lors de la seconde.

Figure 2.3. Structures des produits secondaires obtenus dans la réaction du substrat

bifonctionnel.

Une modification des conditions réactionnelles s’imposait donc, surtout pour s’assurer que la première substitution est complète lors de l’ajout de l’eau. Nous sommes donc passés aux conditions du Schéma 2.4. L’idée était qu’en chauffant à plus haute température et en ayant

davantage de nucléophile à la première étape, la substitution du chlorure serait complète. Puis, en utilisant la meilleure amine à la seconde étape, il y aurait peu de contamination par double addition de la morpholine, puisqu’elle ne pourrait rivaliser avec la pyrrolidine qui serait plus abondante en plus d’être un meilleur nucléophile.

Schéma 2.4. Second essai de la réaction séquentielle du substrat bifonctionnel.

En effet, le spectre RMN 1H après la réaction est beaucoup plus propre que celui obtenu

lors de l’essai précédent. Nous avons même été capables d’isoler le produit désiré dans un rendement modéré, malheureusement contaminé par une impureté inconnue. Visiblement, des réactions non-désirées sont encore possibles malgré l’amélioration des conditions réactionnelles.

Étant donné le rendement et la pureté modérés, nous avons finalement tenté une expérience où une extraction aqueuse suivait la première substitution, pour s’assurer d’éliminer complètement l’amine de la première étape avant d’entamer la seconde (Schéma 2.5). Avec ce protocole expérimental, il a été possible d’isoler un rendement d’environ 67% de 2.5, toujours contaminé par quelques impuretés inconnues.

Dans toutes les expériences, le produit désiré 2.5 est le produit majoritaire, souvent presque exclusif. Par contre, le substrat de départ 2.3 n’est pas pur à 100%, la première substitution n’est pas parfaitement sélective, l’extraction aqueuse ne peut pas tout retirer la morpholine du milieu et les produits 2.5, 2.6 et 2.7 sont très similaires et donc difficiles à séparer. Ainsi, même si nous sommes convaincus de pouvoir faire la substitution séquentielle des deux halogénures et que nos analyses du brut réactionnel le confirment, les nucléophiles que nous avons choisis ne nous permettent pas d’isoler le composé 2.5 parmi les différents produits secondaires formés. L’utilisation de deux nucléophiles de nature différente pourrait nous permettre de faire cette démonstration cruciale. Par exemple, pour l’étape de substitution du chlorure, n’importe quel nucléophile anionique qui n’est pas habituellement compatible avec notre système dans l’eau pourrait servir (malonate, azoture, cyanure, etc.). Lors de l’ajout de l’eau, certains de ces nucléophiles pourraient être d’ailleurs protonés et donc neutralisés. Cette avenue est à l’étude présentement.