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Année 2008 : des Réformes institutionnelles aux crispations éthiques

20 1.1 Système politique et modalités du vote

1.2 Une législature 2004-2009 réformatrice, contestée et

1.2.4 Année 2008 : des Réformes institutionnelles aux crispations éthiques

L’année 2008 est particulièrement importante pour la compréhension des élections de juin 2009, outre le fait qu’elle est la dernière année pleine d’activité législative, elle fut l’année de cristallisation des conflits en matière constitutionnelle et éthique, inhabituels dans la démocratie consociative luxembourgeoise et surtout de l’éclatement de la crise économique et financière internationale, attisant aussi bien les débats socio-économiques internes et externes au Luxembourg.

En mai 2008, la loi sur le statut unique pour les salariés du secteur privé fut promulguée. Ladite loi prévoit notamment la fusion de 7 caisses de maladies pour donner naissance à la Caisse nationale de santé (CNS) et celle des chambres professionnelles salariales du secteur privé (Chambre de travail et Chambre des employés privés) en une Chambre des salariés (CS) et la réorganisation administrative de la sécurité sociale.

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Des sociétés comme le site de vente Amazon, la téléphonie sur Internet Skype, le paiement électronique Paypal, le téléchargement iTunes d’Apple, le fournisseur du portail AOL (Tirne Warner) ont par ailleurs leur sièges au Grand-duché.

81 Charles de Laubier, « Plaidoyer pour une e-tva ». In, Les Echos, p14, 7 janvier 2008. 82

« Bommeleeër : les deux policiers suspendus ». In, l’Essentiel, http://www.lessentiel.lu/news/story/15100522, 3 décembre 2007.

L’identité nationale et l’intégration au Luxembourg La nature et le f onctionnement

du régime politique luxembourgeois Quels sys tèmes

de valeurs pour une société pluraliste ?

L’identité nationale et l’intégration au Luxembourg La nature et le f onctionnement

du régime politique luxembourgeois Quels sys tèmes

de valeurs pour une société pluraliste ?

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La nouvelle Chambre des salariés, outre ses missions traditionnelles (mission consultative par l’élaboration d’avis sur des projets de loi et de règlement grand-ducal; présence dans les organes consultatifs de l’Etat ; mission d’information par une série de publications à l’intention des employés privés et du monde du travail; mission de formation initiale et professionnel des futurs employés privés) désigne désormais des représentants des salariés et des assesseurs auprès des organismes de sécurité sociale.

Les premières élections sociales avec le nouvelle Chambre des salariés se déroulèrent le 12 novembre 2008 au Luxembourg. Tout employé, d’une entreprise ayant un effectif supérieur à 15 personnes, pouvait élire un candidat parmi ses collègues. Chacun avait le droit au vote, indépendamment de sa nationalité. 400 000 salariés et 2 800 entreprises étaient concernés. 12 listes furent déposées. Bien que le taux de participation atteignît à peine 36,1 %, il fut jugé satisfaisant par rapport aux chiffres de 2003 (respectivement 34,5% pour la Chambre de Travail et 30 %, pour la Chambre des Employés privées)83.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Sans Affiliation OGBL LCGB-SYPROLUX

ALEBA NGL-SNEP FNCTFFEL

Résultat des élections sociales, collège des salariés, 2008

% des voix obtenues dans le collège des salariés nombre de sièges obtenus

Figure 12 Résultat des élections sociales, collège des salaries, 2008.

Le 29 mai, la Chambre des Députés vota le projet de loi portant approbation du traité de Lisbonne (qui avait été signé en décembre 2007). Le Luxembourg fut le quinzième Etat membre à le faire. Sur les 51 députés présents, 47 votèrent pour, les trois députés de l’ADR (le seul parti représenté à la Chambre qui ait appelé à la tenue d’un autre référendum) s’abstinrent. Le député indépendant, et ancien député ADR Aly Jaerling, contesta que le Parlement ait reçu mandat pour ratifier ledit traité et motiva ainsi son vote contre. Lors de son adoption, des divergences sont apparues entre des députés du PCS sur de nouveaux élargissements, fondant notamment leurs objections sur des critères culturels et religieux, ce qui fut vertement critiqué en séance par le Premier ministre84. Dans cette même veine, le député ADR, Jacques-Yves Henckes affirma que « Les 100 millions de

Turcs ne font pas partie de l’Europe » et a proposa sur le modèle français soit inscrit dans

la Constitution le principe que pour tout changement des traités européens, un référendum soit désormais organisé85.

83

Inspection du Travail et des Mines, Elections sociales 2008, https://guichet.itm.lu/elections, janvier 2009.

84

Europaforum.lu, Traités et Affaires institutionnelles. La Chambre des députés du

Luxembourg a ratifié le traité de Lisbonne,

http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2008/05/ratification-luxembourg/index.html, 29 mai 2008.

85

European Commission Post-referendum survey in Ireland Preliminary results, http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_245_en.pdf, June 2008.

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Un nouveau traité Benelux, stipulant que celui-ci est désormais une Union et pas seulement une Union économique fut signé en juin 2008 à La Haye par les dirigeants des Gouvernements nationaux et fédérés de la Belgique86.

En juillet 2008, le Service de renseignements fut reconnu n’avoir joué aucun rôle dans l’affaire du « Bommeleeër » et que le réseau « Stay-behind » n’avait jamais été

opérationnel au Grand-duché. Telle fut la conclusion de deux rapports commandités par le Premier ministre, à la Commission de contrôle parlementaire du Service de renseignement de l’Etat présidée par Charles Goerens, leader parlementaire du groupe libéral à la Chambre. Les quatre présidents des fractions parlementaires, Charles Goerens, Ben Fayot, François Bausch et Michel Wolter, assurèrent avoir eu accès à toutes les archives, que se soient celles du Service de renseignements ou de l’Armée luxembourgeoise. À aucun moment, ils n’auraient été limités dans leurs recherches. En aucun cas, il n’aurait été question d’entraver le travail de la justice87.

La loi du 23 octobre 2008 sur la nationalité luxembourgeoise fut votée avec pour objectif « de contribuer à favoriser l’intégration des résidants étrangers au Luxembourg ». Comme le rappela notre consœur Josée Hansen, les débats et le vote de la loi montrait de nouveau les tensions internes au sein du PCS : « Comme lors du débat sur l’euthanasie, il y a

comme une déchirure au sein même du CSV : d’une part, le camp progressiste, mené par le Premier ministre Jean-Claude Juncker, un des plus fervents défenseurs de l’introduction de la double nationalité dans une approche inclusive, et de l’autre, le camp conservateur, avec, il faut le dire, de réels relents de protectionnisme et de nationalisme, autour du ministre de la Justice Luc Frieden, qui s’était forgé un nom de légaliste pur et dur, sans cœur, lors de la précédente législature, lorsqu’il était responsable de l’lmmigration, et du président du groupe parlementaire Michel Wolter, auteur d’une proposition de loi sur les emblèmes nationaux - le drapeau au Roude Léiw - que même le Conseil d’Etat moque comme étant superflue. On y flaire une certaine fierté nationale, qui ne doit pas être condamnable en soi, c’est une question de dosage »88.

La loi votée fit passer la période de résidence obligatoire pour demander la double nationalité de 5 à 7 ans. Le ministère de la Justice devint compétent pour statuer sur les demandes d’acquisition de la qualité de Luxembourgeois. La naturalisation était refusée lorsque l’intégration n’était pas « suffisante », à savoir : l’absence de connaissance active et passive suffisante d’au moins une des langues prévues par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues et la non réussite à une épreuve de langue luxembourgeoise parlée et à l’examen de cours d’instruction civique dont un obligatoirement sur les institutions luxembourgeoises et un sur les droits fondamentaux89. En octobre, deux amendements constitutionnels relatifs à l’acquisition de nationalité luxembourgeoise par naturalisation furent votés par la Chambre. Le plus important fut l’abrogation de l’article 10, qui stipulait que la naturalisation était attribuée par le pouvoir législatif90.

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Service Information et Presse, Gouvernement du Luxembourg, Signature du nouveau traité

Benelux,

http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/06-juin/17-traite-benelux/index.html, 17 juin 2008. 87

Di Pillo, Nadia, « Le Service de renseignements blanchi ». In, Le Quotidien, p2, 11 juillet 2007.

88

Hansen, Josée, « Klack fir eis Sprooch »In, d’Lëtzeburger Land, p6, 16 mai 2008. 89 Ministère d’Etat - Service Central de Législation, loi du 23 octobre 2008 sur la nationalité luxembourgeoise, http://www.mj.public.lu/nationalite/index.html, 7 novembre 2008. 90

Ministère d’Etat - Service Central de Législation, Révision constitutionnelle, Loi du 23

octobre 2008 portant révision de l’article 9, alinéa 1er de la Constitution, Loi du 23 octobre 2008 portant révision de l’article 10 de la Constitution,

http://www.mj.public.lu/legislation/nationalite/droit_nationalite_2009_1.pdf, 30 décembre 2008.

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A cela, fut adoptée la loi du 16 décembre 2008 concernant l’accueil et l’intégration des étrangers au Grand-duché de Luxembourg. Il fut créé sous l’autorité du ministre ayant dans ses attributions l’Intégration, un Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration, qui a depuis pour mission « de faciliter le processus d’intégration des

étrangers par la mise en œuvre et la coordination de la politique d’accueil et d’intégration, dont la lutte contre les discriminations constitue un élément essentiel, conjointement avec les communes et des acteurs de la société civile, ainsi que d’organiser l’aide sociale aux étrangers qui n’ont pas droit aux aides et allocations existantes et aux demandeurs de protection internationale »91.

En décembre, une majorité de 31 députés vota pour la loi légalisant l’euthanasie et le suicide médicalement assisté (Verts, libéraux, un membre du PCS, 11 POSL sur 14 et deux ADR). 26 députés votèrent contre, dont 23 PCS. Trois députés s’abstinrent (1 POSL, 1 ADR, 1 indépendant)92. Le président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Rino Fisichella avait adressé au préalable une lettre aux députés du Grand-duché leur rappelant que le législateur catholique a « l’obligation précise de s’opposer à toute loi qui soit un

attentat à la vie humaine ». En outre, le prélat n’hésita pas à mentionner le devoir des

électeurs catholiques, qui ne peuvent pas, en conscience, soutenir un élu qui a voté une loi homicide93. Après les Pays Bas et la Belgique, le Luxembourg était donc devenu le troisième pays membre de l’Union européenne ayant adopté une loi légalisant l’euthanasie. Pour que le texte soit définitif, il fallait que le Conseil d’Etat accorde la dispense de la deuxième lecture. Le texte soumis aux députés était en effet un peu différent de celui présenté en février en 2008. Il pouvait donc être considéré comme une nouvelle proposition. Le texte initial dépénalisait l’euthanasie pour les personnes atteintes de maladie « grave et incurable », celui voté le 18 décembre précisait une maladie « sans issue ». En outre, la première proposition acceptait l’euthanasie des jeunes de moins de 16 ans, la nouvelle mouture l’interdisait aux mineurs. Le Conseil d’Etat accorda donc le 19 décembre la dispense de la deuxième lecture, par 11 voix contre 9.

Pour l’application de la présente loi, il y a lieu d’entendre par euthanasie l’acte, pratiqué par un médecin, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande expresse et volontaire de celle-ci. ar assistance au suicide il y a lieu d’entendre le fait qu’un médecin aide intentionnellement une autre personne à se suicider ou procure à une autre personne les moyens à cet effet, ceci à la demande expresse et volontaire de celle-ci. Les conditions sont les suivantes :

• Le patient est majeur capable et conscient au moment de sa demande ;

• La demande est formulée de manière volontaire, réfléchie et, le cas échéant, répétée, et elle ne résulte pas d’une pression extérieure ;

• Le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable sans perspective d’amélioration, résultant d’une affection accidentelle ou pathologique ;

• La demande du patient d’avoir recours à une euthanasie ou une assistance au suicide est consignée par écrit. S’il se trouve dans l’impossibilité physique permanente de rédiger et de signer sa demande, cette dernière est actée par écrit par une personne majeure de son choix.

91 Service Information et Presse, Ministère d’Etat - Service Central de Législation, Loi du 16

décembre 2008 concernant l’accueil et l’intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg, http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2008/0209/a209.pdf, 28 décembre

2008. 92

Service Information et Presse, Gouvernement du Luxembourg, Vote en 1ère lecture du projet de loi aux soins palliatifs, à la directive anticipée et à l’accompagnement en fin de vie ainsi que de la proposition de loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide,

http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/12-decembre/18-chd/index.html, 18 décembre 2008.

93 Fondation du Service Politique, Euthanasie : le Vatican met en garde les parlementaires

luxembourgeois,

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Le même jour, le projet de loi sur la médecine palliative fut adopté à l’unanimité des 60 députés. Ce texte a notamment pour objectif de mettre à l’abri de toute poursuite pénale le médecin qui renonce à recourir à des « grands moyens thérapeutiques» ayant pour but de «prolonger la survie sans en améliorer la qualité ». De même, est envisagé par la loi la possibilité de traiter la douleur du patient « pouvant avoir comme effet secondaire d’abréger la vie ». La loi confirme aussi la notion de « directive anticipée », sorte de testament de fin de vie applicable si le patient n’est plus en mesure d’exprimer ses souhaits.

Le Grand-duc ne voulut pas sanctionner la loi autorisant la pratique de l’euthanasie. Face au refus grand-ducal, invoquant un problème de conscience personnelle, le Gouvernement chrétien social-socialiste, en accord avec l’opposition libérale, souverainiste et écologiste décidèrent de modifier la Constitution afin d’éviter l’éventuelle résurgence d’un droit de veto grand-ducal94. Le second vote est intervenu le 12 mars 2009 où aux termes du projet, l’article 34 de la Constitution a été modifié comme suit : « Le Grand-duc promulgue les

lois dans les trois mois du vote de la Chambre. »95. De janvier à février 200996, comme le permettent l’article 114 de la Constitution et la loi du 4 février 2005 relative au référendum au niveau national, un groupe de citoyens tenta d’organiser un référendum d’initiative populaire sur la révision constitutionnelle enlevant le pouvoir de sanction de la loi au Grand-duc. L’initiative échoua faute d’avoir atteint les 25000 signatures requises et après une condamnation unanime des partis membres du Parlement à l’exception des élus de l’ADR. Le président de la Chambre des Députés intervint d’ailleurs à titre exceptionnel pour dissuader les citoyens de soutenir la démarche susmentionnée : « Le droit au

référendum est un droit constitutionnel et fondamental dont disposent les citoyens. Il n’y a rien à redire à ce principe […] Mais d’autre part, faire usage de ces droits de manière responsable est aussi un pilier de la démocratie […] «Cela fait 25 ans que je suis à la Chambre et je ne peux pas me souvenir qu’une proposition ait jamais donné lieu à un tel consensus »97.

Figure 13 Les thématiques structurantes le système politique luxembourgeois par ordre de grandeur en 2008

94 Service Information et Presse, Gouvernement du Luxembourg, Déclaration du Premier

ministre sur les implications institutionnelles en cas de refus du Grand-Duc de donner son aval à une éventuelle loi sur le droit de mourir en dignité,

http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2008/12-decembre/02-juncker-declaration/index.html, 2 décembre 2008.

95 Service Information et Presse, Ministère d’Etat - Service Central de Législation, Loi du 12

mars 2009 portant révision de l’article 34 de la Constitution,

http://www.legilux.public.lu/leg/a/archives/2009/0043/a043.pdf#page=2, 12 mars 2009. 96

Rhein, Jean, « Constitution changée en 1ère lecture ». In, Le Quotidien, http://www.lequotidien.lu/politique-et-societe/1524.html, 12 décembre 2008. 97

Anen, Nicolas, « Ne pas banaliser les référendums ». In, La Voix du Luxembourg, p4, 20 janvier 2009.

Crise éc onomique et financière Quels s ystèmes

de valeurs pour une société pluraliste ? La nat ure et le fonctionnement

du régime politique luxembourgeois

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1.3 Une campagne électorale dominée