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Introduction à l’atelier

Énoncé du problème

Aujourd’hui, les bibliothèques publiques de Montréal cherchent à mieux assurer leur rôle en matière d’intégration sociale et d’animation de la vie citoyenne. Tout en conservant leur mission de stockage et de consultation de documents, les bibliothèques publiques veulent ouvrir leurs espaces à la création de contenus culturels et de savoirs locaux.

En effet, à l’ère du numérique et de la dématérialisation des documents, la bibliothèque voit son rôle changer ; inspirée par le concept de « tiers lieux », la bibliothèque publique cherche à s’établir comme lieu de sociabilisation où des services spécifiques sont proposés selon les demandes particulières à chaque quartier et aux identités locales (c'est-à-dire agriculture urbaine, jeux, musique, etc.). L’engagement citoyen est donc au cœur de ce changement. Par la redéfinition de sa structure et de son espace qui permettent une coha- bitation harmonieuse de ses vocations diverses, la bibliothèque publique montréalaise se transforme pour s’actualiser, se réinventer et se projeter vers le futur.

Objectifs visés

Les bibliothèques publiques, dites de proximité, sont présentement perçues comme un lieu où il est possible de consulter et d’emprunter une diversité de documents, allant du livre au DVD. Toutefois, avec l’arrivée des ouvrages numériques, le support de consultation se modifie et devient plus individuel et personnel (liseuse, lecteur de musique, etc.). Ainsi, le rôle de la bibliothèque est appelé à se métamorphoser et son lieu, à se transformer ; d’où l’objectif de devenir un lieu de sociabilisation d’un quartier par un engagement commu- nautaire accru et par la proposition de services spécifiques aux intérêts de la communauté. La bibliothèque de proximité ne serait donc plus vue comme un lieu standardisé, suivant une segmentation traditionnelle de ses usagers et de son espace, mais plutôt comme un espace culturel métissé et animé reflétant sa communauté. L'objectif de cet atelier de design collaboratif est l’exploration de traductions architecturales, spatiales et programmatiques potentielles qui permettent d’envisager les modes de concrétisation du changement de mission radical des bibliothèques publiques de proximité.

Situation actuelle Situation projetée

Bibliothèque comme lieu de dépôt, de consultation et d’emprunt de documents

Bibliothèque comme lieu de sociabilisation Segmentation de la bibliothèque par

groupe d’âge

Segmentation du lieu par degré de sociabilisation

Fréquentation individuelle et personnelle des bibliothèques

Engagement communautaire grâce aux nouveaux services offerts par les bibliothèques

Déroulement de l’atelier

Phases de l’atelier et thèmes générateurs

Au début de la rencontre, une réflexion en commun a permis aux participants de l’atelier de design collaboratif d’identifier les paramètres de la problématique de design soumise ainsi que les pistes de travail. En résumé, les thèmes suivants ont fait l’objet de discussions

et de réflexions d'introduction aux démarches ultérieures :

• Le concept de bibliothèque « tiers lieu », ludifiée, citoyenne, numérisée et participative ; • Le côtoiement de pratiques et de services disparates, souvent peu compatibles ; • La dématérialisation des ressources documentaires qui occasionne une augmentation de l’espace à aménager et une consultation à distance ;

• La faible fréquentation des usagers de 13-30 ans ;

• L’engagement des communautés et des individus dans l’espace de la bibliothèque publique.

Méthodologie et apport du codesign (approche design)

L’objectif de cet atelier de design collaboratif était de permettre un transfert de connais- sances entre la communauté de la recherche en design et le réseau des bibliothèques publiques de la Ville de Montréal. Cet atelier aspirait également à montrer de quelle manière le design peut contribuer au développement d’activités innovantes et aux trans- formations organisationnelles nécessaires aux changements souhaités par le partenaire maître d’ouvrage.

Après l’énoncé de la commande par les représentants du maître d’ouvrage, il a été convenu que l’atelier se concentrerait sur la distribution spatiale des activités des biblio- thèques, considérant que la dématérialisation du document écrit par le flux numérique créait inévitablement un réaménagement du lieu et de son espace.

L’atelier a donné lieu à des échanges entre les participants et les représentants du maître d’ouvrage. Ces derniers ont éclairé la commande et son contexte. Les échanges ont aussi conduit à partager des expériences et des expertises sur le sujet. Une fois les discussions terminées, les animatrices ont fait ressortir les points marquants de l’échange pour en arriver à une schématisation d’hypothèses et de propositions concernant la problématique explorée.

Hypothèses de concept

Proposition 1 : favoriser une approche par la communauté

La situation sur laquelle se sont d’abord penchés les participants de l’atelier est celle de l’achalandage et de l’engagement des usagers de la bibliothèque publique. La proposition formulée en vue d’accroître le nombre des utilisateurs du lieu et de les inciter à le visiter plus fréquemment s’articule autour de l’idée d’attirer d’abord des groupes plutôt que des individus isolés.

Selon cette approche, les communautés réunies par des intérêts communs (comme l’agriculture urbaine, la cuisine communautaire, le jeu, etc.) seraient prioritairement visées par l’offre de services de l’établissement. Le contact auprès des individus étant initié par l’intermédiaire des groupes d’intérêt, la découverte de la bibliothèque serait alors facilitée pour un grand nombre d’utilisateurs potentiels, tout comme la connaissance de ses divers services, l’adoption de l’espace, la fidélisation et l’engagement d’individus aux profils et aux intérêts variés. Enfin, les membres du groupe de travail estiment que les services offerts, déterminés en fonction de la culture locale, des attentes et des besoins des gens du secteur environnant, pourraient devenir l’expression d’une identité particulière propre à bibliothèque.

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Proposition 2 : Définir les espaces selon l’expérience des usagers. Proposition 2 : définir les espaces selon l’expérience des usagers État actuel

L’aménagement des bibliothèques est présentement basé sur une approche répartissant les usagers par groupe d’âge, les catégories les plus fréquemment utilisées étant adultes, adolescents et enfants. La critique formulée à l’encontre du mode d’organisation spatiale qui en résulte porte principalement sur la sous-utilisation de certains secteurs, ou encore l’occupation de secteurs par des usagers non ciblés.

D’une manière générale, on observe que cette approche par groupe d’âge occasionne un zonage contraignant qui met en place des enclaves spatiales. De plus, cette organi- sation spatiale fonctionnant d’après une segmentation selon l’âge semble entraîner une sectorisation qui reconduit, par ses aménagements, des stéréotypes d’ambiance devant convenir à des gens d’un certain groupe d’âge seulement. Cette situation limiterait les possibilités des individus de choisir en toute liberté le lieu qu’ils occuperont au gré de leurs préférences individuelles, variant selon le moment de leur visite à la bibliothèque et des activités qu’ils désirent y pratiquer.

État projeté

La proposition formulée par le groupe est de privilégier une organisation de l’espace de la bibliothèque s’appuyant sur une approche de l’expérience de l’usager plutôt que sur celle de son groupe d’âge. Les différentes zones seraient alors définies par les activités, pratiques et usages qui y prennent place (par exemple la lecture, le travail d’équipe, les jeux, les rencontres), les regroupements par zones étant opérés selon la dynamique spatiale correspondant aux activités cernées. Enfin, le design de l’espace serait conçu dans le but de développer une ambiance architecturale en adéquation avec l’expérience, notamment visuelle et sonore, que l’on cherche à induire pour les occupants de chaque zone spécifique (par exemple la quiétude, le jeu, le partage, la socialisation).

Cette approche pourrait avoir pour conséquence de favoriser le métissage des usagers, qui se répartiraient dorénavant selon les activités qu’ils désirent effectuer et les ambiances qui y correspondent. Les participants de l’atelier jugent que l’intérêt de cette stratégie réside à la fois dans la liberté de choix laissée à chaque visiteur de la bibliothèque et dans l’augmentation du nombre de zones d’occupation probable qui lui sont offertes.

Proposition 3 : distribuer l’espace selon une gradation de la sociabilité

Les participants à l’atelier de design collaboratif ont développé une troisième proposition, synthèse des propositions 1 et 2, qui prend la forme d’un plan d’intention exprimant une organisation générique de l’espace de la bibliothèque publique.

À l’origine du développement de cette proposition se trouve une intention principale : distribuer depuis l’extérieur vers l’intérieur de la bibliothèque les zones d’activités spéci- fiques selon une gradation des ambiances et de la dynamique des espaces dictée par une progression de la sociabilité des aires, allant des plus animées vers les plus calmes. La progression à laquelle ont réfléchi les membres du groupe concerne d’abord la qualité de l’expérience par rapport aux activités pratiquées dans l’espace, notamment à l’ambiance sonore. Cette organisation répond à la préoccupation de fournir des environnements adéquats pour la pratique des activités multiples et disparates offertes à la bibliothèque. Les diverses explorations menées au sein de l’atelier ont convergé vers une distribution des activités de l’extérieur vers l’intérieur des lieux. Les relations de proximité y sont prises en considération afin de minimiser les nuisances occasionnées par des activités bruyantes dans les espaces où la quiétude est requise. De plus, la volonté d’attirer des usagers moins actifs à la bibliothèque (les 13-30 ans notamment) et la volonté d’exprimer l’identité particulière de l’établissement pour le rendre visible de la rue ont donné lieu à une planification des activités visant à exposer davantage les espaces d’activités de services inédits et propres à l’établissement, afin de bénéficier de leur attraction sur de nouveaux usagers potentiels.

Dans le schéma réalisé par les participants à l’atelier, la première zone positionnée vers l’extérieur de la bibliothèque déborde de part et d’autre de la limite architecturale de la bibliothèque. D’un côté, sur l’espace du trottoir et de la rue, elle entre en interaction avec les passants ; elle s’y manifeste concrètement et affiche la présence de la bibliothèque jusque dans l’espace public extérieur (par exemple par un kiosque d’information et des représentations artistiques diverses). Dans l’aire même de l’établissement, cette première zone en est une de socialisation à caractère informel (un café ludique, un bistro, etc.) qui

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fait office de lieu transitoire entre l’espace public et extérieur de la rue, et l’espace public et intérieur de la bibliothèque. Vient ensuite la deuxième zone qui porte l’identité de l’éta- blissement : c’est celle de l’agora qui englobe les espaces dédiés aux multiples services à la communauté et les expose en première ligne aux visiteurs de la bibliothèque. En pénétrant plus avant dans l’espace intérieur, on trouve la troisième zone qui abrite les fonctions plus traditionnelles de la bibliothèque. Dans cette section cohabitent les collections et la docu- mentation, connues par le public et accessibles à tous. Des îlots aux vocations diverses (lecture, étude, travail d’équipe, etc.) et aux ambiances favorisant la quiétude sont parsemés dans cette aire. Leur présence physique et architecturale sert, par exemple, à structurer la répartition de la présentation de la collection documentaire de l’établissement.

Plénière

La présentation des résultats aux autres participants des ARD donne lieu à des échanges sur la puissance des approches de design collaboratif. En effet, on constate que les hypo- thèses produites lors de l’atelier d’un jour sur le futur des bibliothèques montréalaises de proximité sont similaires aux résultats découlant de recherches de plus longue haleine sur le même sujet.

La problématique alors soulevée concerne la définition des mandats octroyés en lien avec les méthodes mises en œuvre et le temps alloué pour les réaliser. Cette expérience conduit à mettre en parallèle deux formules différentes, soit l’atelier de design collaboratif et le projet de recherche en design, pour en souligner les avantages respectifs : l’idéation et le codesign dans le premier cas et la rigueur, la validation d’intuition et la production de connaissances avérées dans le second cas. À partir de ces considérations, il importe d’évaluer la pertinence et le recours aux différentes méthodes d’idéation et de production de connaissances en design selon les objectifs déterminés dans les mandats octroyés par des partenaires de milieux institutionnels comme privés.

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