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IV/ Discussion

B) Analyse des résultats:

L’objectif de ce travail était de recueillir le ressenti des patients ayant participé à quatre séances éducatives sur le thème de la lombalgie dans leur maison de santé. Il a aussi été recherché les changements à propos de leur lombalgie, de son vécu ou de sa gestion que les patients ont pu constater après avoir assisté à ce programme. Il est difficile de comparer ces résultats à des études similaires antérieures car ce programme a été élaboré localement. De plus, il y a peu d'analyses qualitatives de l’éducation thérapeutique. J’ai retrouvé une thèse qui recueillait le ressenti des patients suite à un programme d’ETP en MSP, mais celui ci remplissait les critères de validation de la HAS et était sur le sujet du diabète.(29)

Les recommandations éditées par la HAS en 2019 donnent peu d’informations sur l’éducation thérapeutique dans la lombalgie, il est seulement recommandé de proposer une éducation à la neurophysiologie de la douleur.(3) Cette éducation à la neurophysiologie de la douleur a montré une efficacité, entre autre, pour réduire la douleur et diminuer l’incapacité dans les douleurs chroniques musculo-squelettiques, notamment la lombalgie.(30,31)

Il a, par ailleurs, été retrouvé un intérêt de l’exercice et de l’exercice combiné à une éducation pour prévenir, les épisodes de lombalgie, et l’absentéisme lié à cette cause.(32) Les interventions multimodales comprenant : une éducation à la neurophysiologie de la douleur, une exposition graduée, une thérapie cognitivo-comportementale, étaient les plus efficaces sur le long terme. En particulier si elles étaient combinées à la physiothérapie ou à l’exercice.(33)

Cette association d’éducation théorique comprenant de l’éducation à la neurophysiologie de la

douleur et des exercices, semble donc être la plus efficaces dans la lombalgie.(34)

Le contenu de ces quatre séances est donc cohérent car contient à la fois une partie théorique avec entre autres une éducation à la neurophysiologie de la douleur et des exercices supervisés initialement, à poursuivre à domicile. Le fait que la dernière séance soit animée par un enseignant sportif spécialisé dans l'Activité Physique Adaptée d’une association locale permet également de proposer un accompagnement adapté pour poursuivre une activité physique.

Bien que ce programme ne remplisse pas les critères formalisés de l’ETP, il consiste tout de même en une éducation thérapeutique car il aide les patients à acquérir ou entretenir des capacités et des compétences qui les aident à vivre au mieux avec leur maladie.(23)

En effet, les patients décrivent, pour une grande partie d’entre eux, une meilleure connaissance de leur lombalgie avec acquisition de connaissances physiopathologiques, pour certains et renforcement de connaissances antérieurement acquises, pour d’autres. Le fait que la plupart des patients présentaient une lombalgie évoluant depuis plusieurs années induit qu’ils avaient déjà acquis un bagage théorique sur leur lombalgie et nombre d’entre eux ont verbalisé que ce programme pourrait être plus bénéfique pour les patients au début de leur lombalgie. La notion que cette éducation aurait un impact plus important chez des personnes n’ayant pas encore chronicisé leur lombalgie, semble en effet importante et a déjà été rapportée. (28) C’était d’ailleurs une population de lombalgiques subaiguës qui était initialement ciblée par ce programme.

En revanche, la reformulation des informations lors des séances, fait que certains patients se disent plus sûrs de leurs connaissances avec, pour certains, une capacité à transmettre à leur entourage les conseils entendus lors des séances. Ce renforcement de connaissances participe au maintien des compétences dans leur maladie et, à ce titre, fait partie du processus d’éducation thérapeutique.

Les patients ont également régulièrement rapporté que la quantité d’informations était trop

importante pour tout retenir, ou, qu’ils les avaient oubliées en partie avec le temps. Pour ceci, un

support écrit résumant les informations principales pourrait être intéressant pour permettre au

patient de s’y reporter a distance des séances. A l’issue de la série ayant eu lieu à l'automne 2020, il

a été distribué avec leur accord un livret élaboré et distribué habituellement par le centre MPR Cote

d’Amour ? suite au passage des patients dans leur programme de rééducation pour la lombalgie. Ce

livret contient des exercices d’étirement, de musculation, de respiration et de détente, mais aussi

quelques conseils et messages clés. Il pourrait être intéressant que le support écrit distribué à l'issu

de ces séances contienne un résumé de ce qui a été évoqué pour que le patient puisse s’y reporter

ultérieurement. De plus, il a été montré que lors d’un programme de rééducation hospitalière, les patients recevant un livret d’informations bénéficiaient d’une plus grande réduction de l’incapacité fonctionnelle, mais aussi de meilleures connaissance et satisfaction que ceux bénéficiant uniquement d’une information orale. (35,36)

Suite à ces séances, certains des patients ont rapporté avoir pu mettre en évidence des croyances et des comportements vis à vis de la douleur qui n’étaient pas adaptés, comme la limitation de l’activité ou le repos au lit lors de douleurs. En conséquence, certains d’entre eux décrivent une diminution de cette kinésiophobie et critiquent leur attitude passive face à la douleur après avoir assisté à ce programme.

Il a été montré, dans la littérature, que les comportements passifs et les croyances d’appréhension-évitement vis-à- vis de la lombalgie étaient associés à un plus grand risque d’incapacité liée à la douleur. (37–39)

Les patients rapportent régulièrement avoir retenu la notion selon laquelle la lombalgie n’était pas nécessairement proportionnelle à une lésion objectivable en imagerie et que la persistance de la douleur pouvait être multifactorielle, entre autre, influencée par une composante psychologique. En revanche, il a été retrouvé chez plusieurs patients la persistance de fausses croyances, la plus récurrente étant que lors d’une aggravation de la lombalgie ou lors d’un nouvel épisode il y a probablement une « vertèbre de déplacée ». Ce type de croyance est délétère et ancre le patient dans cette idée que son dos est fragile. Le risque est d’induire une kinésiophobie car si ses vertèbres ont bougé, elles peuvent bouger de nouveau au risque de reproduire ou aggraver une douleur. Un des message de la campagne de l’assurance maladie sur la lombalgie est d’ailleurs :

« le dos, ou colonne vertébrale, est une des parties les plus solides du corps », « le dos est costaud».

(40,41) Ces croyances délétères peuvent avoir plusieurs origines comme l’entourage, internet ou même parfois des professionnels de santé. Les croyances qui ont été transmises par un professionnel de santé ont un impact plus important et durable que les autres et peuvent ainsi favoriser un passage à la chronicité ou augmenter l’incapacité fonctionnelle.(42)

Il est finalement difficile d’identifier ce qui est à mettre au bénéfice de ce programme dans

la modification du vécu lombalgique des patients ayant assisté aux séances. En effet, nombre

d’entre eux multiplient les moyens thérapeutiques et les prises en charge pour cette pathologie

( kinésithérapie, centre de la douleur, ostéopathe et même rééducation en centre MPR) et chacun de

ces acteurs participe à l’éducation thérapeutique du patient en lui apportant ou en renforçant des

compétences dans la gestion de sa lombalgie. Par ailleurs, ces séances ont été réalisées dans le contexte d’un programme de sensibilisation initié en 2017 par l’assurance maladie: « Mal de dos ? Le bon traitement, c'est le mouvement » ajoutant des messages clés et informations sur la lombalgie. (40)

En revanche, une partie des patients rapportent, tout de même, une modification de leur consommation de soins suite à ce programme. Ceci est à relier à l'acquisition de compétences dans l’autogestion de leur lombalgie et des périodes d’exacerbation. Certains disent, d’ailleurs, se sentir plus autonomes dans la gestion de la lombalgie. Nombre de patients rapportent avoir mis en place des exercices lors des périodes douloureuses, ou pour ceux qui en pratiquaient auparavant, l’apprentissage de nouveaux exercices ou étirements.

Par ailleurs, le message principal de ce programme (ainsi que celui véhiculé par la campagne de l’assurance maladie) est : l’importance de rester actif, semble avoir été entendu par les patients, car ils sont très nombreux à rapporter avoir mis en place ou augmenté leur activité physique ou les exercices d’entretien.

Les patients rapportent également avoir appris ou ré-appris les bons gestes et postures à adopter pour éviter de se faire mal, mais surtout que ces séances les ont incités à les appliquer ou à y faire plus attention.

Cependant, cette motivation pour avoir une attitude active, et même d’anticipation, suite aux séances se perd avec le temps. Cette notion revient à plusieurs reprises, tout comme le fait qu’une répétition de cette information ou un suivi sur le long terme serait intéressant pour en garder le bénéfice.

Les patients ayant participé à ce programme étant tous des lombalgiques chroniques, ils ont pu échanger sur leurs histoires, leurs expériences, se comparer et échanger sur leurs compétences acquises. Le fait que ces séances aient été réalisées en groupe et non individuellement a permis aux patients de sortir de l’isolement, de ce sentiment de solitude face à sa maladie et de relativiser en écoutant les autres.

Les patients se disaient tous très satisfaits de cette dynamique de groupe notamment pour le soutien

émotionnel que cela apporte, bien que certains aient rapporté qu‘ils auraient également souhaité une

partie plus personnalisée.

Tous ces avantages rapportés par les patients vis à vis de l’éducation en groupe rejoignent ceux décrits dans la littérature concernant les échanges d’expériences entre patients, la rupture du sentiment d’isolement, le soutien, y compris émotionnel, et la stimulation des apprentissages. Il a été montré qu’il est plus facile pour les individus de modifier leurs opinions et leurs comportements lorsqu’ils participent à un petit groupe plutôt qu’en face à face. L’avantage de ce petit groupe est, aussi, de pouvoir profiter des solutions, conseils et expériences d’autres patients atteints du même problème de santé, ceux-ci sont parfois mieux acceptés que si ils venaient d’un professionnel de santé.(43)

En parallèle, les points négatifs soulevés par les patients quant à la réalisation des séances en groupes sont aussi ceux retrouvés ailleurs.(43) L'hétérogénéité du groupe a été rapidement évoquée par une patiente jeune, active et présentant une lombalgie évoluant depuis plusieurs mois, qui se trouvait dans un groupe composé principalement de personnes plus âgées et lombalgiques de longue date. D’autres rapportent ne pas avoir participé lors des séances, ou avaient le sentiment de ne pas avoir bénéficié d’autant d’attention qu’ils l’auraient souhaité car ils ne se sentaient pas légitimes du fait de leurs symptômes ou invalidité modérée en comparaison aux autres.

Les autres points négatifs du groupe comme l’enseignement vertical, la difficulté à faire participer les patients, la difficulté à gérer un groupe ou les horaires fixes n’ont pas été retrouvés ici de façon claire. En revanche, il a été rapporté une trop grande quantité d'informations, principalement sur la première séance avec une difficulté de tout retenir. Ceci peut être relié à un enseignement vertical car un enseignement individuel aurait été plus personnalisé.

Les difficultés à faire participer les patients ou gérer un groupe seraient à évaluer auprès des personnes dispensant les enseignements. En revanche, une patiente a, au contraire, affirmé avoir laissé sa timidité de côté lors des séances pour échanger sur sa lombalgie.

Les horaires fixes des cours n’ont pas été abordés spécifiquement ici, mais il est envisageable que ce paramètre soit en cause dans l’absence de nombreux patients à une ou des séances de leur série.

L’autre avantage à la réalisation en groupe des séances, non abordé ici, est le moindre coût et le moindre temps nécessaire en comparaison avec un enseignement individuel.

Les principaux avantages d’une approche individuelle seraient de personnaliser

l’intervention, de construire une relation proche et de confiance avec le patient qui permet d’aborder

ses problèmes et de cerner ses besoins et ses attentes spécifiques. De plus, un patient, notamment au

début de sa maladie chronique peut ne pas se sentir concerné ou prêt à participer à une éducation en

groupe, même si le contenu peut être adapté à ses besoins. Par ailleurs, il n’a pas été montré de

supériorité d’une d’éducation thérapeutique par rapport à l’autre (qu’elle soit individuelle ou collective). L’utilisation de ces deux modalités a ses avantages et elles peuvent se révéler complémentaires dans un programme d’éducation thérapeutique.(22,43)

L’éducation en groupe aurait, pour certains, une efficacité supérieure dans les changements de comportement, notamment pour améliorer l’hygiène de vie, éléments essentiels dans le cas de la lombalgie. (43)

De même, certaines personnes ont rapporté un sentiment que leur médecin généraliste ne considérait pas suffisamment leur lombalgie lorsqu’elles l'évoquaient lors des consultations : « On va dire, bah voilà, j'ai mal au dos et puis c'est tout. ». Le fait d’avoir été invité puis d’avoir participé à ces séances leur a permis de se sentir écouté et considéré par les professionnels de santé. Cela a pu augmenter leur confiance envers ces derniers même si une éducation thérapeutique individuelle aurait égalent pu rendre ce bénéfice plus important.

Il a été retrouvé lors des entretiens que les patients étaient très satisfaits que ces séances aient eu lieu au sein de leur MSP ou qu’elles aient été organisées par leur kinésithérapeute. Le fait que ce genre d’actions soient organisées localement, augmente leur accessibilité pour les patients qui ne se seraient pas nécessairement déplacés jusqu’à l'hôpital pour cela.

Il est à noter d’une part, que les actions d’éducation sont mentionnées dans la définition des maisons de santé du code de santé publique : « La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. Ces professionnels assurent des activités de soins sans hébergement de premier recours au sens de l'article L. 1411-11 et, le cas échéant, de second recours au sens de l'article L. 1411-12 et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d'éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu'ils élaborent et dans le respect d'un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé. »(44)

D’autre part, dans le projet régional de santé en Pays de la Loire 2018-2022, il est notifié

dans la deuxième orientation stratégique, l’importance de l’acquisition d’aptitudes individuelles des

patients pour la promotion de la santé. Ceci se fera par l’information et l’éducation pour la santé

permettant aux individus de faire des choix favorables à leur santé. L’objectif est de « Proposer de

nouvelles modalités d’accompagnement, notamment en direction des publics fragiles :

développement de l’offre d’éducation thérapeutique du patient portée par les professionnels du premier recours, soutien de projets innovants en accompagnement en santé,... ». Face à la prise de conscience des freins à l'élaboration d’une ETP structurée en premier recours, il est précisé que :

« l’ARS est en cours de réflexion pour développer une nouvelle forme d’éducation thérapeutique en dehors du programme ». (45)

Pour finir, l’Accord Conventionnel Interprofessionnel de Mars 2017 définit les

rémunérations des Maisons de Santé Pluri-professionnelles par l’Assurance Maladie. Ce genre de

programme pourrait permettre une rémunération forfaitaire en entrant dans le cadre de la réalisation

d’une mission de santé publique. Soit du fait de la cohérence de celle-ci avec le projet régional de

santé, soit dans le cadre de l’éducation thérapeutique et éducation à la santé.(46)