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5. Analyses et résultats

5.4 Analyse multivariée

Dans la partie précédente nous avons vu que nos hypothèses concernant l’impact des différents contextes trouvent une confirmation dans les résultats de nos analyses bivariées.

Toutes nos hypothèses ne sont pas confirmées, mais les résultats pointent vers l’importance des facteurs contextuels. Ces analyses bivariées ne sont cependant que la première étape.

Nous passons donc à la présentation des résultats de notre régression logistique. Nous commençons par un premier modèle ne prenant en compte que les facteurs contextuels, mais

49 Nous pouvons également relever le grand nombre d’organisations qui collaborent avec les autorités. Presque deux tiers des SMOs le font au niveau national, et quasiment 70% au niveau local. Il peut sembler surprenant de constater des rapports aussi étroits avec les institutions au sein d’un mouvement que l’on a plus vu s’illustrer par ses actions de protestation à Seattle ou à Gênes par exemple. Toutefois, cela reflète aussi la multiplicité des répertoires d’actions employés par les organisations de ce mouvement, qui allient le lobbying et les manifestations de rues (della Porta et al., 2006).

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de façon simultanée cette fois-ci, puis un second modèle incorporant les variables que nous avons retenues au point 3.5. Par souci de comparabilité, nous les présentons dans un seul tableau. Par cette analyse, nous cherchons à savoir si les résultats précédents sont indépendants d’autres facteurs, mais nous souhaitons aussi connaître leur importance relative les uns par rapport aux autres.

Tableau 8 : Estimation de l’effet des variables indépendantes (Odds Ratios)

Modèle 1 Modèle 2 Type de démocratie (Lijphart) (majoritaire=réf)

Mixte 9.125* 6.202+

Consensus 2.647 2.334

Collaboration au niveau national (oui) 0.136* 0.156*

Collaboration au niveau local (oui) 0.393 0.408 Subsides gouvernementaux (oui) 3.017 3.562 Aire du mouvement (Old/New Left=réf)

NSM/Solidarity 2.646 2.990

New Global 27.814** 31.226**

Taille (+ de 1'000 membres individuels ou

+ de 10 membres collectifs) - 0.631 Budget (+ de 10'000 euro) - 0.223+

Staff (+ de 15 professionnels) - 0.910 Année de création (après 1989) - 0.418

Constante 0.043* 0.523

Nagelkerke R2 0.467 0.517

-2 log likelihood 63.331 58.636

N 114 114

Notes : +p<.10; *p<.05;**p<.005;***p<.001

Notre premier modèle montre qu’au moins un facteur est significatif pour chacun des contextes analysés. Il s’agit de la catégorie des démocraties mixtes (comparée à celle des démocraties majoritaires) pour le contexte politique, de la collaboration avec les autorités au niveau national en ce qui concerne le contexte relationnel et enfin de la catégorie « New Global » pour le contexte culturel. Cela correspond dans l’ensemble aux relations les plus fortes que nous avons enregistrées dans les analyses bivariées, en particulier pour le contexte relationnel pour lequel nous avons trois indicateurs dans la régression, mais dont un seul est significatif.

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Quant à l’importance de l’impact, les coefficients sont des « Odds Ratios », c'est-à-dire qu’ils expriment l’effet mesuré non pas en termes de probabilités, mais en termes de chances50. Nous avons inclus dans la régression uniquement des variables qualitatives (nominative dichotomique ou catégorielle), ce qui facilite la lecture du tableau. Prenons le premier facteur que nous avons introduit dans l’analyse : la catégorie de référence est constituée par les démocraties majoritaires, ce qui est cohérent avec notre hypothèse qui postule que les SMOs de type délibératif participatif seront moins nombreuses dans les Etats de ce type. Nous nous attendons donc à trouver une relation positive, c'est-à-dire un odds ratio supérieur à 1. Un odds ratio de 1 signifierait que dans la catégorie qui nous intéresse, les SMOs ont 1 fois plus (ou moins dans ce cas) de chances d’être de type délibératif participatif.

Autrement dit il n’y aurait pas de différence de probabilité entre la catégorie de référence et celle que nous étudions. Dans notre exemple, les SMOs actives dans une démocratie mixte ont 9 fois plus de chances d’adopter un modèle délibératif participatif que dans une démocratie majoritaire. En revanche, la catégorie démocratie de consensus ne varie pas de manière significative par rapport à notre catégorie de référence (démocraties majoritaires).

L’effet de ce facteur (démocratie mixte) est significatif à p<.05, ce qui nous semble satisfaisant compte tenu de l’échantillon relativement petit avec lequel nous faisons cette analyse (N=114).

Au niveau du contexte relationnel, le fait de collaborer avec les autorités nationales est un facteur significatif, mais avec un effet négatif cette fois-ci. En effet, le odds ratio est inférieur à 1 et assez proche de zéro ce qui nous indique que la relation est négative et forte.

Le fait de collaborer avec les institutions à ce niveau diminue les chances d’adopter un modèle délibératif participatif. C’est un résultat qui corrobore nos analyses bivariées. En revanche, ni le fait de recevoir des subventions, ni la collaboration à niveau local ne donne de résultat significatif. Cela signifie que nous pouvons déjà écarter l’hypothèse concernant les subventions avant d’introduire les variables de contrôle relatives aux organisations. Dans le cas de la collaboration avec les institutions locales, nous sommes d’avis que c’est la corrélation entre cette variable et celle qui concerne le niveau national qui explique sa non-significativité51. Comme nous utilisons ces deux variables pour mesurer une même dimension, il ne nous semble pas que leur forte corrélation (.582***) pose problème. En revanche cela explique qu’un seul des deux types de collaboration (au niveau national) soit significatif.

50 Autrement dit, c’est un rapport de probabilités.

51 Nous présentons en Annexe 1 un tableau de corrélations entre toutes les variables introduites dans le modèle 2 de notre régression. A l’exception des deux variables concernant la collaboration, toutes les corrélations sont inférieures à 0.5.

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Finalement, concernant le contexte culturel, le tableau 8 montre que la catégorie « New Global » a un effet significatif (p<0.05) et extrêmement fort, les SMOs dans cette aire du mouvement ont 27 fois plus de chances d’adopter un modèle délibératif participatif de prise de décisions que celles qui sont rattachées à la « Old/New Left ». Nous nous attendions à ce résultat dans la mesure où ce type de SMOs était présent dans des proportions impressionnantes (voir tableau 4) parmi les organisations dites « New Global ». Les NSMs en revanche ne semblent pas se distinguer de la « Old/New Left » de manière significative.

Dans l’ensemble cette première analyse multivariée confirme nos constats au niveau bivarié. Bien que certains effets disparaissent (subvention et collaboration locale) en introduisant tous les facteurs contextuels dans la même analyse, ces résultats sont en ligne avec les commentaires que nous avons pu faire dans la partie précédente. Enfin, en ce qui concerne les odds ratios très élevés que nous observons, nous pensons qu’ils sont raisonnables au regard des résultats de Giugni et Nai (2009) qui obtiennent des résultats du même ordre de grandeur pour certains de leur facteurs.

Le second modèle introduit nos variables de contrôle concernant la taille de l’organisation (nombre de membres), son budget, la professionnalisation et l’âge des organisations. Nous avons discuté de leur pertinence au point 3.5 et de leur opérationnalisation au point 4, aussi nous ne reviendrons sur ces éléments que si cela s’avère opportun dans la discussion.

Si nous regardons le pseudo R2 de Nagelkerke, nous voyons que notre modèle est légèrement meilleur que le précédent. En fait, parmi les facteurs de contrôle que nous avons intégrés dans ce second modèle, seul le budget a un effet significatif, mais seulement à p<.10.

Si nous interprétons cette relation, nous constatons que les organisations dotées d’un budget annuel supérieur à 10'000 euros ont moins de chances d’adopter un modèle délibératif participatif. Que nous considérions cette variable comme un indicateur de ressources, comme Kriesi (1996), ou comme une mesure alternative concernant la taille des SMOs, comme Saunders (2009), ce résultat est cohérent avec nos attentes. Ce qui est plus surprenant, c’est l’absence d’effet de notre indicateur de la taille des SMOs basé sur le nombre de membres.

Giugni et Nai (2009) trouvent que ce facteur est le plus déterminant concernant l’adoption d’un modèle délibératif participatif. Il est si important dans leur analyse qu’il « masque » les effets d’autres variables sur les organisations plus petites, comme le montre leur développement sur ce point (Giugni et Nai, 2009 : 139-142). Nous trouvons trois principales raisons à cela. Premièrement, notre échantillon est différent : nous nous basons uniquement sur des cas issus du WP4 (voir point 4), alors que leurs données proviennent du WP3 et WP4.

Notre échantillon est donc plus petit, et présente probablement un profil différent sur certaines

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variables clés. Deuxièmement, nous n’avons pas suivi leur opérationnalisation concernant la taille des SMOs en termes de membres car ils emploient en partie des informations du WP3 (Giugni et Nai, 2009 : 135). Cela peut expliquer en partie pourquoi notre indicateur pour cette dimension n’est pas significatif. Finalement, toujours au niveau de l’opérationnalisation, nous constatons que Giugni et Nai (2009 : 134) ont regroupé en une seule mesure les informations concernant la professionnalisation et le budget avec la formalisation (que nous n’étudions pas). Puisque nous les incluons de manière séparée, il est probable que cela ait un impact sur leur effet respectif.

Ayant clarifié ces quelques points, nous pouvons passer à l’analyse de l’effet des variables de contrôle sur nos facteur contextuels. Comme nous pouvons le voir dans le tableau 8, deux de nos effets restent significatifs au même niveau que précédemment, mais l’effet des démocraties mixtes est moins significatif. En contrôlant donc pour les variables internes aux SMOs nous voyons que cette relation perd non-seulement de sa significativité (p<.10) mais aussi de son importance. Le odds ratio passe en effet de 9 à 6. Il est toujours difficile d’interpréter des relations multivariées, mais étant donné que nos deux autres mesures de contextes restent stables, nous pouvons tenter l’explication suivante : puisque le budget est la seule variable nouvellement introduite qui soit significative, et qu’elle a pour effet de diminuer l’importance d’un contexte constitué par une démocratie mixte, cela nous laisse entendre que les SMOs délibératives participatives actives dans ce type de démocraties sont aussi moins bien dotées en ressources financières. Cependant, ces deux facteurs sont significatifs seulement à p<.10 aussi nous ne sommes pas certains de leurs effets.

En revanche, nos deux autres mesures du contexte déjà significatives dans le premier modèle conservent leur importance malgré l’introduction de variables de contrôle. Nous pensons donc que ces résultats sont robustes et fiables (p<.05). La collaboration avec les institutions nationales a légèrement moins d’impact, le odds ratio se rapprochant de 1. Notre mesure du contexte culturel est pour sa part en augmentation, passant d’un odds de 27 à 31.

C'est-à-dire que son poids relatif par rapport à d’autres facteurs augmente malgré l’ajout d’autres variables potentiellement explicatives. Nous relevons en particulier que l’âge des organisations n’influe pas sur l’effet de cette variable.