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Voici l’énoncé du problème48 choisi.

48 Ce problème est proposé dans le manuel Sésamath de 3e (élèves de 14-15 ans).

Pour construire un château de cartes à un étage, il faut 2 cartes. Pour un château de cartes à deux étages, il faut 7 cartes. Et pour un château de cartes à trois étages, il faut 15 cartes. Combien faut-il de cartes pour construire un château à 7 étages ? A 30 étages ? A 100 étages ?

Nous avons choisi ce problème, d’une part, car il est proche, en termes de démarches mises en jeu, des problèmes que les enseignants ont l’habitude de proposer dans ce cours, et d’autre part, car il ne figure pas dans les documents ressources proposés et qu’il était donc peu probable que les élèves l’aient déjà rencontré. Il permet enfin de travailler la mise en œuvre d’une démarche de type expérimental, qui, rappelons-le, constitue une des intentions générales du cours de DM.

Les consignes données aux enseignants quant aux conditions de passation du problème étaient les suivantes :

Il s’agit de faire passer, d’ici les vacances de Noël, un même problème et de l’évaluer avec le même outil à savoir la grille d’évaluation des narrations de recherche discutée lors de la formation. La recherche du problème ainsi que la narration à laquelle elle a donné lieu sont à faire sur une ou deux périodes en fonction de votre pratique habituelle.

Nous avons fait le choix de laisser une certaine liberté aux enseignants quant aux choix des conditions de passation49 afin de ne pas influencer plus encore leurs pratiques habituelles.

La résolution de ce problème nécessite peu de connaissances préalables spécifiques. Il semble toutefois préférable que les élèves aient déjà quelques notions d’algèbre, notamment en ce qui concerne l’élaboration d’expressions littérales. Nous pouvons raisonnablement penser que c’est le cas des élèves de 10e à qui on propose ce problème. En effet, le travail d’élaboration d’expressions littérales à partir de figures géométriques ou d’expressions verbales est amorcé en

49 Dans les faits, presque tous les enseignants ont fait passer le problème sur deux périodes.

150 classe de 9e et constitue un des enjeux de nombreux problèmes proposés dans le cadre du cours de DM en 10e.

Les deux variables didactiques importantes de ce problème sont chaque valeur du nombre d’étages proposés (𝑛𝑖) et le nombre de cas proposés (1 ≤ 𝑖 ≤ 𝑝). Le choix des valeurs de ces variables influence en effet les stratégies pouvant être mises en œuvre par les élèves.

Si tous les cas à étudier sont des nombres d’étages faibles (𝑛 = 7 par exemple), les élèves peuvent se contenter d’une stratégie de dénombrement sur le schéma. En posant la question pour un nombre d’étages élevé (𝑛 = 100 par exemple), les élèves sont implicitement incités à abandonner cette stratégie de base. En effet, cela devient long et la probabilité de se tromper en comptant le nombre de cartes sur le schéma devient, elle, élevée.

Le fait de proposer un seul cas à étudier (𝑝 = 1) avec un nombre d’étages assez grand (𝑛 = 100 par exemple) permet de travailler la réduction temporaire de la complexité d’un problème.

Les élèves doivent ainsi penser à simplifier le problème en étudiant des cas avec des nombres d’étages plus faibles et faire des choix sur les valeurs de ces sous cas en vue d’une généralisation.

A l’inverse, proposer plusieurs cas à traiter (𝑝 = 3 ; 𝑛 = 7, 30 et 100 par exemple), dont des nombres d’étages faibles (ici 𝑛 = 7), permet de s’assurer que tous les élèves s’approprient le problème. En effet, tous peuvent débuter la résolution du problème par une représentation de la situation et une stratégie de dénombrement sur le schéma. Mais dans ce cas, le travail sur la réduction temporaire de la complexité d’un problème est moindre, puisque différents cas sont déjà proposés. En outre, certains choix peuvent ou non favoriser des raisonnements par proportionnalité.

Nous avons choisi de proposer le problème avec les cas 𝑛 = 7, 30 et 100 afin de permettre aux élèves de s’approprier facilement le problème tout en les incitant implicitement à abandonner la stratégie de comptage sur le schéma. Nous n’avons pas essayé de favoriser la stratégie (fausse) de proportionnalité (contrairement à ce qui aurait pu être le cas avec un choix comme n= 5, 10 et 100).

Comme noté précédemment, pour résoudre ce problème on peut compter simplement le nombre de cartes nécessaires à partir de schémas (stratégie 1). Bien qu’efficace pour des nombres d’étages faibles (jusqu’à 𝑛 = 7 par exemple) cette stratégie devient longue et fastidieuse au fur et à mesure que le nombre d’étages augmente.

On peut considérer la suite (𝑢𝑛) où 𝑢𝑛 exprime le nombre de cartes nécessaires pour construire le château à l’étape 𝑛 et chercher comment passer d’un terme de la suite (𝑢𝑛) au suivant (𝑢𝑛+1) (stratégie 2). La récurrence s’exprime formellement50 sous la forme de 𝑢𝑛+1= 𝑢𝑛+ 3𝑛 + 2 avec 𝑢1= 2. Une fois le pas de récurrence trouvé, on peut déterminer de proche en proche la liste des termes de la suite. Cette stratégie est, elle aussi, longue puisqu’il faut calculer l’intégralité des termes de la suite, de 𝑢1 jusqu’à 𝑢100. Notons que, s’il est possible de modéliser la situation grâce à un tableur et ainsi d’obtenir facilement les valeurs demandées en étendant les formules, nos échanges avec les enseignants nous ont appris que les élèves n’ont, sauf rares exceptions, pas accès à un tel outil durant les séances de DM (et de manière plus générale, pas accès à un ordinateur).

Précisons qu’il est par ailleurs possible de chercher à exprimer 𝑢𝑛 comme une fonction de 𝑛, à partir de la relation de récurrence exprimée ci-dessus.

On peut chercher à établir une formule qui exprime le nombre de cartes nécessaires pour construire le château en fonction du nombre d’étages (stratégie 3). C’est cette stratégie qui est en particulier visée chez les élèves à qui nous avons proposé le problème. On peut alors soit expliquer sous forme de texte comment calculer le nombre de cartes, soit donner la formule sous forme d’une expression littérale. Ce problème amène à considérer une suite arithmétique de degré 2, c’est à dire que son terme général est un polynôme de degré 2. En effet, pour construire un château de cartes à 𝑛 étages, on a besoin de 2𝑛 + 3((𝑛 − 1) + (𝑛 − 2) + ⋯ + 2 + 1)51 c’est-à-dire de

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2(3𝑛2+ 𝑛) cartes. Mais le calcul de la somme des termes d’une suite arithmétique n’est pas au programme de la classe de 10e, nous n’attendons donc pas des élèves qu’ils sachent que l’expression (𝑛 − 1) + (𝑛 − 2) + ⋯ + 2 + 1 peut s’exprimer sous la forme de 𝑛(𝑛−1)

2 . Cette transformation peut cependant faire l’objet d’un travail spécifique avec les élèves. Sans celle-ci, le calcul du nombre de cartes nécessaires pour construire un château à 100 étages peut s’avérer long. On peut aussi imaginer que les élèves, entre deux séances de recherche sur ce problème, cherchent sur Internet une manière de calculer la somme de 𝑛 entiers consécutifs, puis l’appliquent pour simplifier leurs calculs.

Une autre difficulté posée par ce problème est qu’il n’est bien souvent pas possible pour les élèves de prouver que l’expression algébrique qu’ils ont trouvée est correcte. Ils peuvent montrer, à partir de quelques tests et de la comparaison avec les résultats obtenus par comptage

50 Un tel formalisme n’est bien évidemment pas attendu dans les productions des élèves de 10e LS.

51 Notons qu’il existe un grand nombre de façons de « décomposer » les châteaux, chacune aboutissant à une façon de compter les cartes. Ce calcul illustre une de ces façons de « voir » les châteaux.

152 sur les schémas, qu’elle n’est pas invalidée, ou encore montrer qu’elle est équivalente à d’autres formules obtenues. Ce sont ici l’expérience (l’étude de plusieurs sous cas) et des arguments liés à l’expérience (la mise en exergue de la structure des châteaux de cartes) qui permettent aux élèves de prouver que leur formule est correcte.

De plus, concernant la stratégie 3, c’est en général l’étude des premiers cas étudiés (𝑛 allant de 2 à 7 par exemple) qui amène à établir une formule. L’étude de ces premiers cas permettant d’établir une conjecture peut être complétée par des tests sur d’autres valeurs, permettant ainsi de s’assurer de l’adéquation entre le nombre obtenu grâce à la formule et le nombre de cartes comptées sur le schéma et donc considéré comme exact. Mais ces premiers cas, qui jouent le rôle d’essais ou d’expériences, peuvent aussi être considérés par les élèves comme des tests validés de la conjecture. Ce double rôle de même valeurs qui servent à la fois d’expériences et de tests peut être passé sous silence. Les enseignants qui évaluent les élèves peuvent ne voir dans ces valeurs que de simples essais et reprocher aux élèves de ne pas avoir testé leur conjecture.

Nous voyons donc que la stratégie experte pour résoudre ce problème n’est a priori pas directement mobilisable par les élèves, mais que le choix des valeurs des cas à étudier devrait amener les élèves à s’approprier le problème et à se lancer dans une recherche consistante. Nous avons fait le choix de proposer un problème qui privilégie la mise en activité de recherche des élèves à travers une démarche de type expérimental, puisque nous souhaitions mettre en avant l’importance accordée au processus et à la démarche de résolution davantage qu’au résultat.

Si l’on se réfère au PER, les éléments pour la résolution de problèmes52 mis en jeu dans ce problème sont :

- – la mise en œuvre d’une démarche de résolution ;

- – l’élaboration de conjectures, et leur validation ou réfutation (qui s’appuient ici sur la comparaison entre le nombre de cartes obtenu par une formule et celui déterminé par dénombrement sur le schéma) ;

- – la réduction temporaire de la complexité d’un problème (en particulier dans le cas où seul le cas 𝑛 = 100 étages est proposé) ;

52 Cette formulation est celle employée dans le PER.

- – la vérification, puis communication d’une démarche et d’un résultat en utilisant un vocabulaire, une syntaxe ainsi que des symboles adéquats.

De façon plus spécifique, les élèves sont amenés à calculer la somme des 𝑛 premiers entiers et à élaborer des expressions littérales à partir d’une situation.

En cohérence avec les éléments pour la résolution de problèmes mis en jeu dans ce problème et cités ci-dessus, les critères de la grille d’évaluation proposée par la commission qu’il semble particulièrement pertinent de retenir ici pour l’évaluation des compétences des élèves sur ce problème sont ceux relatifs à la dimension « recherche » et en particulier : la mise en œuvre d’une méthode de résolution (Rech. Pistes) ; l’organisation des essais et la recherche de régularités (Rech. Essais cohérents) ; la présence de justification quant aux éléments qui ont permis d’énoncer chaque conjecture (Rech. Explication conjecture) ; la preuve ou le test des conjectures (Rech. Preuve).

Notons enfin que l’appropriation de ce problème par les élèves semble favorisée notamment parce que les premiers cas sont représentés et le nombre de cartes correspondant donné dans l’énoncé, et parce que les élèves peuvent représenter facilement les cas suivants (𝑛 = 4 ; 𝑛 = 5 ; etc.) et compter sur leur schéma le nombre de cartes correspondant.

Nous détaillons ci-après la méthodologie employée pour le recueil des données et surtout leur traitement, avant de présenter les résultats de cette première étude.

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Chapitre III. M ETHODOLOGIE DE RECUEIL ET