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3 Les mécanismes de financement pour l’appui au financement des filières ciblées

3.2 Analyse du mécanisme initialement envisagé

La proposition initiale d’Enabel consiste à mettre en place un fonds de garantie, une Facilité de soutien à l’investissement et un appui non financier (appui technique) aux IF/IMF :

1. Mise en place d’un fonds de garantie : le fonds vise à diminuer le risque des opérateurs IF/IMF de façon à les inciter à consentir des conditions plus favorables en termes de taux d’intérêt pour les futurs emprunteurs ; il permettra de mobiliser une garantie supplétive et partielle32, de portefeuille ou individuelle selon le montant du crédit, avec des conditionnalités en termes de durée de traitement de dossier. La logique est d’associer l’organisme de garantie et les institutions financières (IF/IMF) dans la prise de risque, ce qui contribuera à un meilleur suivi du client et à améliorer le rapport rendement/risque.

Le cadre légal qui circonscrit les instruments de financement d’Enabel, prévoit qu’un fonds de garantie soit opérationnalisé à travers une structure publique. En Guinée c’est l’Agence de Promotion des Investissements Privés en abrégé « APIP-Guinée » qui est pressentie pour être le « maître d’ouvrage » du fonds.

2. Mise en place d’une Facilité de soutien à l’investissement : Cette facilité est en fait une contribution financière sous forme de subvention visant à compléter les autres sources de financement. Elle constitue, en ce sens, un dispositif complémentaire au financement commercial qui devrait progressivement se développer sous l’effet conjugué de la diminution du risque (garantie) et de l’amélioration des produits.

Observations de la mission sur le mécanisme proposé :

• Si la combinaison des deux mécanismes (garantie partielle et subvention), couplés à de l’appui technique pour les IF/IMF, est justifiée et pertinente, la mission note que cette solution ne lève que partiellement et indirectement (à travers la facilité de soutien et l’appui technique) le problème d’accès durable à des ressources financières à moyen- et long-terme pour les IF/IMF.

32 Un taux de 50% a été proposé.

• Le mécanisme proposé ne permet pas de pallier directement au problème de mobilisation de ressources à moyen et long-terme pour les intermédiaires financiers.

• La mission note que pour assurer le succès du mécanisme proposé, Enabel a bien prévu d’appuyer techniquement les bénéficiaires, acteurs des filières retenues par Enabel:

• Appui à la structuration et l’organisation des filières ;

• Renforcement des capacités techniques (gestion des intrants, irrigation, etc.) ;

• Appui technique sur la maîtrise des itinéraires techniques ;

• Renforcement des capacités de gestion des bénéficiaires ;

• Education Financière ;

• Accompagnement à l’élaboration de plans d’affaires et de demande de financement ; La mission fait également les observations suivantes :

3.2.1 Mise en place d’un fonds de garantie : Avantages :

o Le mécanisme permet de faciliter l’accès au crédit pour les bénéficiaires qui ne sont pas à même de présenter les garanties requises par les IF/IMF ;

o Permet de partiellement couvrir le risque de l’investissement dans des secteurs plus risqués et, en ce sens, peut être incitatif pour les IF/IMF, pour autant qu’elles aient les ressources nécessaires ;

o Le mécanisme est géré par une structure professionnelle et indépendante ; Inconvénients :

o A ce jour, il n’y a pas de société de garanties susceptibles de pouvoir gérer le mécanisme de garantie en Guinée.

o Le mécanisme est coûteux et la commission versée par la banque à l’organisme de garantie – et qui doit permettre à ce dernier d’assurer sa viabilité à long-terme – est généralement répercutée sur l’emprunteur (peut varier entre 1 et 3% selon le mécanisme) ;

o Le mécanisme de garantie de portefeuille ou individuelle ne permet pas de refinancer l’IF/IMF ni d’influer directement sur les termes et conditions de financement (taux d’intérêts, délais de grâce, frais de dossiers, etc.) pratiqués par ceux-ci ;

o Ce mécanisme ne sera efficient qu’à partir du moment où les IF/IMF sont effectivement engagées à financer le secteur agricole, ce qui n’est pas le cas en Guinée ;

o La création d’une société de garantie est parfaitement envisageable mais ne nous semble pas pertinente ni opportune à ce stade :

▪ Le processus d’institutionnalisation risque d’être chronophage (agrément, forme juridique, capitalisation, opérationnalisation, etc.) ;

▪ Les bonnes pratiques recommandent qu’une société de garantie ne se spécialise pas sur un seul secteur (l’agriculture) mais qu’elle diversifie les risques dans différents secteurs ;

▪ L’Etat ne pourra vraisemblablement pas alimenter le fonds dès lors que la BCRG interdit formellement les garanties d’Etat pour financer les promoteurs de projet ;

▪ Il y a d’autres mécanismes qui sont déjà en place et pourraient être sollicités, même si ceci ne règlera pas le problème de coût et de lourdeur administrative (ex. : Fonds de Garantie gérés par l’UE33) ;

▪ D’après les parties rencontrées, il y a eu peu d’expériences réussies en Afrique de l’Ouest, ce qui n’encourage pas les PTF à opter pour cette solution (ex. : Banque Mondiale) ;

▪ Le renforcement des capacités et l’organisation des filières sont des prérequis à la mise en place d’un fonds de garantie.

3.2.2 L’APIP comme éventuel « Maître d’Ouvrage du Fonds »

L’APIP est un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale, de l’autonomie financière et de gestion. APIP-Guinée a pour mission de promouvoir l’investissement privé et de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière de développement des investissements privés nationaux et étrangers. L’APIP assure également le Secrétariat Permanent du Conseil Présidentiel des Investissements et des Partenariats Public-Privé (CPI-PPP), créé sous l’autorité du Président de la République, et qui a pour mission de promouvoir le dialogue direct entre l’Etat, le secteur privé et la société civile en vue d’améliorer le climat des investissements en République de Guinée.

L’APIP s’est récemment dotée d’une nouvelle équipe dirigeante.

Le choix de l’APIP présente les avantages et inconvénients suivants : Avantages :

o A la lumière des contraintes légales qui circonscrivent les instruments de financement d’Enabel, l’APIP est un organisme public pouvant convenir comme partenaire dans le mécanisme ;

o L’APIP dispose d’antennes dans les quatre régions naturelles qui sont chargées d’effectuer toutes les tâches exécutives liées à la mission et aux attributs de l’Agence Inconvénients :

o Sur la base de ses attributions, l’APIP ne dispose pas d’un cadre institutionnel et opérationnel qui la prédispose à être mandatée pour gérer un fonds de garantie.

o Actuellement, l’APIP ne dispose pas d’un agrément ni de ressources suffisantes et compétentes ni de l’expérience nécessaire pour gérer un fonds de garantie

o L’APIP n’a pas d’historique de réussite en matière de gestion de fonds

o Impliquer l’APIP, rattachée au Ministère de l’Investissement, implique un potentiel risque d’ingérence de l’Etat dans le mécanisme (à l’instar de ce qui s’est produit avec l’ANAMIF), à moins de cantonner son rôle au suivi du mécanisme ;

o L’APIP est déjà impliquée dans de multiples projets (PNUD, INTEGRA, Banque Mondiale, BID, ITC)

o Enfin, l’APIP n’a pas l’expertise technique (agricole) nécessaire pour accompagner le secteur agricole, et plus précisément les opérateurs des trois filières retenues

33 Source : https://ec.europa.eu/europeaid/sites/devco/files/181213-eip-28-guarantees-brochure-final_fr.pdf

La mission note cependant qu’il y a peu d’alternatives à l’APIP comme organisme public qui pourrait être associé au mécanisme. L’Association Professionnelle des IMF (APIM-G), par exemple, n’est pas une option viable, pour les mêmes raisons. C’est une réelle contrainte pour Enabel.

3.2.3 Mise en place d’une Facilité de soutien à l’investissement (une subvention) :

Bien que cette solution ne soit pas en phase avec les bonnes pratiques (la subvention vient distordre le marché), elle semble cependant nécessaire et justifiée par le contexte particulier de la Guinée. A lui seul, le taux d’intérêt effectif global (TEG) pratiqué par les IMF, peu importe les raisons (en Guinée, il semblerait que la principale raison soit l’inefficience des IMF – avec des taux de charges d’exploitations de plus de 40% en moyenne), représente un argument pertinent : il est au moins deux à trois fois supérieur au taux d’usure appliqué en zone UEMOA (fixé à 24% depuis 2014).

La mission note cependant que la subvention ne devrait pas être gérée par un intermédiaire financier, dont le métier consiste à faire du crédit au taux du marché. La subvention a souvent tendance à ne pas inciter au remboursement. Quand bien même elle serait partielle, le risque de non-remboursement ne se limite pas au montant subventionné mais s’étend à l’ensemble du crédit qui sera consenti par l’IMF ou l’IF.

Avantages :

o Solution justifiée au regard du contexte guinéen (taux d’intérêts élevés)

o Permet de réduire les charges financières pour les emprunteurs mais aussi la durée du prêt (diminué du montant de la subvention) notamment pour financer les investissements (infrastructures, équipements) ;

o Permet de temporairement pallier la contrainte qu’éprouvent les IF mais surtout les IMF à mobiliser des ressources stables ;

o Permet de cibler certains investissements (critères d’éligibilité à définir) pour impulser une dynamique favorable ;

Inconvénients :

o N’expose pas les emprunteurs aux réalités du marché, ni ne les prépare à se refinancer au taux du marché (mais dans le cas guinéen, la subvention est nécessaire pour faciliter le financement du secteur agricole à ce stade) ;

o Expose le mécanisme à des abus (opportunisme des clients) ;

o Cette solution est soumise aux contraintes internes d’Enabel en matière de subvention (éligibilité des bénéficiaires et sous-bénéficiaires)

o Les bonnes pratiques recommandent que la subvention ne soit pas directement gérée par la Banque et/ou l’IMF ; cette solution implique donc qu’un autre partenaire soit mandaté pour gérer les subventions d’équipements.

3.2.4 Mise en place d’un appui non financier aux IF/IMF :

L’accompagnement des IF/IMF à travers des appuis non financiers est primordial pour les aider à lever les contraintes actuelles de stratégie, de positionnement, de compétences et de connaissances pour développer des méthodologies et des produits financiers qui leur permettront de mieux gérer les risques liés à la finance agricole. Celui-ci pourra bénéficier aux banques et/ou IMF qui témoignent d’un réel engagement et intérêt stratégique à servir le secteur agricole. Si l’appui technique ne donnera pas de résultats notables à

court-terme, il n’en est pas moins indispensable pour renforcer durablement les compétences internes et locales des IF/IMF en matière de finance agricole. Les appuis non-financiers pourraient notamment concerner :

• Réalisation d’études de marché, en particulier sur les filières concernées ;

• Développement de nouveaux produits financiers adaptés aux spécificités des différents maillons des filières ;

• Développement de méthodologie et outils spécifiques pour l’analyse des dossiers de crédits agricoles (procédures) ;

• Formation et accompagnement (coaching) des agents de crédit sur le montage et l’analyse de dossiers de crédit ;

Pour les IMF, il serait probablement pertinent pour Enabel d’envisager des synergies avec d’autres PTF afin de pouvoir proposer des appuis techniques plus larges et pas seulement dédiés au financement de l’agriculture, afin de résorber les problèmes d’inefficience, ce qui devrait permettre de réduire les coûts pour les emprunteurs. La mission recommande que le projet prenne en charge un diagnostic complet des IMF susceptibles d’être retenues pour un partenariat afin d’être bien conscient de l’état des IMF partenaires, de leur potentiel et de leurs besoins d’accompagnement.

3.2.5 Résumé des observations de la mission

En conclusion, la mission recommande avant tout de se concentrer sur l’accompagnement non-financier des IF/IMF pour commencer à travailler sur les études de marchés et la définition de produits financiers adaptés aux besoins des acteurs des filières concernées. La sélection des IF/IMF partenaires se fera sur base d’un appel à proposition. Il sera important de bien s’assurer de l’engagement stratégique des candidats à développer leurs opérations de finance agricole, notamment au niveau de leur plan d’affaire et de l’apport qu’ils proposent à leur niveau.

La mise en place d’une subvention pour la réalisation de certains investissements pour compléter les sources de financement soulève la question de l’aléa moral (distorsion de marché) mais se justifie sans doute par le contexte particulier de la Guinée (taux d’intérêts pratiqués très élevés), notamment le faible appétit des IF/IMF à servir ce secteur. A noter que la subvention ne devrait idéalement pas être octroyée par un intermédiaire financier. Cette mesure permettrait partiellement aussi de lever la contrainte de disponibilités de ressources financières à moyen et long-terme.

Un mécanisme de garantie se justifie également pour dé-risquer le financement des filières ciblées. La mission recommande cependant un mécanisme plus léger, plus pragmatique, que la mise en place d’une société de fonds de garantie. Il n’y a pas d’opérateur qualifié sur place et l’APIP n’a actuellement pas le mandat de gérer des fonds de garantie et ne dispose pas des ressources et compétences nécessaires.