3.4 Analyse des études de scénarios de transition
3.4.3 Analyse des résultats comparés des scénarios RSM
Les deux scénarios étudiés conduisent au même résultat : la fraction deRSMqu’il est possible de déployer dans le parc se limite à 30%. Cependant, des points importants ont émergé de cette étude. Tout d’abord, la différence entre un concept de type M-ThPu/F-Uapp qui produit vite
une quantité importante d’233U au détriment d’une consommation de plutonium accrue et un
concept de type M-UappPu/T-Uapp/F-Th plus sobre, réside principalement dans la durée de
la période de transition entre le déploiement des premiers RSMà combustible thorié et le parc final à l’équilibre. Cette période de transition peut aller de une à deux générations de réacteur. Ensuite, bien que sa période de transition soit plus longue, le scénario B de déploiement des M-UappPu/T-Uapp/F-Th est plus souple et permet de séparer les cycles Uapp/Pu et Th/Utho.
Dans tous les cas, les résultats obtenus sont à comparer avec les scénarios de référence du parc français, c’est-à-dire la poursuite du mono-recyclage du plutonium dans des REPchargés partiellement en combustible MOX (gestion parité MOX), ou passage à un cycle ouvert avec parc
REP chargé exclusivement avec des combustiblesUOX. Dans le premier cas, l’UOXirradié est retraité et sert à la fabrication de combustibleMOXneuf. Dans le second cas, le mono-recyclage du plutonium est stoppé en 2038.
Les résultats obtenus sont à comparer avec les deux scénarios de références que sont "UOX ouvert" (passage en cycle ouvert à partir de 2038 avec un parc REP chargé exclusivement avec des combustibles UOX) et "Mono-MOX" (c’est-à-dire de poursuite du mono-recyclage du plutonium dans des REP chargés partiellement en combustible MOX selon la gestion parité MOX). La Fig. 3.13 met en évidence la similarité des deux scénarios en terme de besoin en uranium naturel au cours du temps. D’autre part, jusqu’en 2100 environ les gains en uranium naturel sont très faibles. Ce n’est qu’à partir de cette date que la fraction de RSM dans le parc permet de modifier significativement la pente de la courbe du besoin en Unat.
Chapitre 3. Étude du multirecyclage de l’233U en RSM
Fig.3.13: Comparaison des besoins en uranium naturel entre les scénarios À et B, le scénario de poursuite du mono-recyclage du MOX en REP et le scénario REP UOX en cycle ouvert
Les besoins annuels et cumulés en uranium naturel des scénarios À et B ont été comparés à ceux des scénarios de référence aux dates 2140 et 2180 (Tab.3.15). La date 2140 constitue la date charnière entre la 2ème et la 3ème génération de RSM thoriés. À cette date, le parc du scénario
A a atteint sa situation d’équilibre, ce qui n’est pas le cas du scénario B. La date 2180 permet de comparer les deux scénarios dans leur situation d’équilibre (fraction de RSM maximale).
Année Économie Comparaison au cycle "UOX ouvert" Comparaison au cycle "MONO-MOX" Scénario A Scénario B Scénario A Scénario B
2140 annuelle -30% -30% -22% -22%
cumulée -20 % -21% -13% -14%
2180 annuelle -31% -34% -23% -26%
cumulée -23% -24% -15% -16%
Tab.3.15: Comparaison des besoins en uranium naturel des scénarios À et B par rapport aux scénarios de références "UOX ouvert" et "mono-MOX" en 2140 et 2180
Le Tab.3.15met en évidence que le gain annuel moyen par rapport au cycle "UOX ouvert" et de 30% (20% en cumulé) tandis que le gain annuel par rapport au scénario "Mono-MOX" se situe autour de 22% en 2140, et de 14% si l’on compare les besoins cumulés.
Enfin, l’analyse du multi-recyclage des ressources fissiles, plutonium et Utho, amène aux
deux conclusions suivantes. La première est qu’un effort d’optimisation sur les réacteurs de la dernière strate, c’est-à-dire les RSM homogènes à combustible ThUthoO2, pourrait permettre
d’assouplir l’approvisionnement en 233U et d’accroître légèrement le nombre de RSM dans le
parc à l’équilibre.
La seconde conclusion est que tout le potentiel du passage à un cycle mixte uranium-thorium n’est pas exploité car la production d’233U (et son recyclage) est conditionnée par la part de
RSM producteurs d’233U qu’il est possible de déployer dans le parc. Or cette strate intermédiaire
est elle-même limitée par les inventaires de plutonium disponibles. Cette remarque conduit à une conclusion : la constitution d’un stock de démarrage d’233U(pour 2040), permettrait d’assouplir
considérablement les contraintes, à la fois sur le besoin en plutonium et sur le besoin en Utho.
Chapitre 3. Étude du multirecyclage de l’233U en RSM
Dans ce chapitre nous avons mis en place des méthodes d’estimation des teneurs fissiles en fonction de leurs variations isotopiques par l’intermédiaire de la théorie des facteurs d’équi- valence. Des études préliminaires assemblage/cœur nous ont permis d’appréhender la physique du multi-recyclage de l’Utho et du plutonium afin d’élaborer les stratégies les plus pertinentes,
c’est-à-dire visant la plus grande économie d’uranium naturel. L’attention s’est focalisée prin- cipalement sur deux concepts de cœur producteurs d’Utho, le M-ThPuUtho/F-Uapp et le M-
UappPu/T-Uapp/F-Th. Ces réacteurs ont été sélectionnés en fonction des deux critères FIR et
production d’Utho, et également en fonction de leur simplicité de mise en oeuvre.
Des études de scénarios réalisées avec le code COSI6 couplé à CESAR5 ont permis de vérifier les résultats estimés à partir des bilans matières cœur. En particulier, la prise en compte des dé- gradations isotopiques des vecteurs uranium et plutonium dans le cycle modifient les résultats et pénalisent les estimations à l’équilibre. Par ailleurs, la période de transition relativement longue (allant de une à deux générations de réacteurs) est un résultat particulièrement important.
L’ordre de grandeur de l’économie d’uranium naturel par rapport au cycle UOX ouvert (quel que soit le scénario) se limite à 30%. Les résultats pourraient être considérablement modifiés si un stock initial d’Utho était déjà constitué au moment du déploiement des premiers RSM à
Chapitre 4
Évaluation de l’impact de la production
anticipée d’
233
U en REP
Le chapitre précédent a mis en évidence que le déploiement des RSM à haut facteur de conver- sion était limité par le besoin en plutonium. Par ailleurs, la cinétique de transition très lente d’un parc REP à un parc mixte REP-RSM, est de l’ordre de deux générations de réacteurs. Enfin, la consommation en flux tendu de l’Utho favorise sa dégradation isotopique au cours des
multi-recyclages et accroît le besoin en Utho. Dans le cadre de ces hypothèses, l’économie annuelle
d’uranium naturel qui est réalisée à l’équilibre est de 30% par rapport au cycle ouvert. Cepen- dant, le potentiel du cycle 232Th/233U n’est pas exploité au maximum du fait de la dépendance
aux ressources en plutonium. Ce bilan serait sûrement modifié si un stock d’Utho était disponible
aux environs de 2040, date probable de déploiement des RSM, afin d’alléger la contrainte sur le plutonium.
Ainsi, l’objectif de ce chapitre est d’évaluer comment la production anticipée d’233U au
sein de REP dès 2020 peut permettre de favoriser la transition vers un cycle sym- biotique REP/RSM. Pour cela, nous déterminerons un (ou plusieurs) concept d’assemblage REP thorié en privilégiant la simplicité et la séparation spatiale des zones thorium et uranium. Il est important de souligner que la constitution d’un stock d’Utho se fera au détriment du stock de
plutonium. Par conséquent cette détermination se fera en évaluant les capacités de production en
233U et en plutonium sur un parc entièrement composé de REP thoriés sur la période 2020-2040.
Enfin, ces cœurs seront intégrés à une stratégie de transition vers un parc mixte composé de REP et de RSM et l’impact sur l’économie des ressources sera évaluée.
Chapitre 4. Évaluation de l’impact de la production anticipée d’233U en REP
4.1 Stratégie de déploiement des RSM avec production d’
233U
anticipée en REP
Le chapitre précédent a montré des résultats similaires en terme d’économie des ressources pour les deux scénarios étudiés. Cependant, le scénario construit à partir du réacteur M-UappPu/T-
Uapp/F-Th est plus simple dans le sens où les aspects production et recyclage de l’233U sont
complètement séparés, et surtout les besoins en matière fissile par réacteur sont plus faibles. En effet, le besoin en uranium fissile de type Utho dans les réacteurs M-ThUtho est de 155
kg/réacteur/an. Ce besoin correspond à l’ordre de grandeur de la production d’Uf issile en M-
UappPu/T-Uapp/F-Th (+132 kg/réacteur/an). De plus, ceRSMconsomme peu et dégrade peu
son plutonium : son besoin en P uf issile n’est que de 392 kg/réacteur/an (hors période de dé-
marrage).
Fig.4.1: Stockage des matières fissiles à partir de 2020 jusqu’à la date de déploiement des RSM
L’idée est donc de se servir de la nouvelle génération de réacteurs REP qui va remplacer le parc GEN II à partir de 2020, afin de constituer les stocks de démarrage des RSM M- ThUtho. La disponibilité de ressources en Utho à l’horizon 2040 - 2050 devrait permettre de
déployer conjointement (et non plus l’un après l’autre) à la fois des RSM au plutonium (de type M-UappPu/T-Uapp/F-Th) et des RSM à l’Utho(de type M-ThUtho), selon le schéma de la
Fig.4.1. Auparavant, le choix du concept de RSM se faisait en fonction d’un compromis sur la consommation de plutonium et la production d’Utho. À présent, il paraît judicieux au contraire
de sélectionner un cœur qui permette d’apporter un appoint en Utho, mais surtout qui consomme
peu de plutonium. Ces remarques nous conduisent à envisager le schéma de la Fig. 4.2.
Ce parc à trois strates présente l’avantage de son inconvénient, c’est-à-dire qu’il est composé de trois types de réacteurs hétérogènes ou homogènes à combustibles mixtes, ce qui permet beaucoup de flexibilité et une grande liberté d’ajustement. Cependant la liberté des paramètres rend complexe l’optimisation de ce système à trois corps. L’étude doit permettre d’aboutir sur un concept équilibrant production et consommation d’Utho et de plutonium selon les ordres de
grandeur des besoins en ressources fissiles de la Fig.4.2.