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5. Résultats et discussion

5.3 Fluorescence Modélisation PARAFAC

5.3.3 Analyse des modèles PARAFAC

Cette section présente l’interprétation des spectres à 3 composantes. Rappelons que la fluorescence d’une composante ne peut pas se traduire directement en termes de concentration. Une composante ayant une intensité supérieure ne signifie pas qu’elle est en plus grande

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concentration, seulement que sa fluorescence est plus importante. Pour des eaux naturelles, qui sont des mélanges de substances organiques et non pas une substance pure, la fluorescence n’est pas directement une mesure de la concentration puisqu’elle est reliée à l’absorptivité molaire et au rendement quantique. Toutefois, les changements dans les spectres et le ratio entre les composantes peuvent refléter des différences entre les échantillons.

La Figure 5-25 présente le modèle à trois composantes pour l’eau brute. Les deux substances les plus visibles et distinctes sur les spectres individuels de fluorescence sont les substances humiques associées au pic A et C. Dans la section 5.2, le pic A avait pour coordonnées moyennes λÉm = 436 nm et λEX = <240 nm et le pic C λÉm = 442 nm et λEx = 329 nm. Quant au pic T, ses coordonnées moyennes étaient de λÉm = 364 nm et λEx = 260 nm.

Figure 5-25: Modèle à trois composantes pour l’eau brute de l’UTE de Québec

Dans le cas des 3 composantes du modèle de l’eau brute, les coordonnées sont les suivantes : • C1 → λÉm = 420 nm et λEx = < 240 nm et 330 nm

• C2 → λÉm = 473 nm et λEx = < 240 nm et 350 nm • C3 → λÉm = 401 nm et λEx = < 240 nm et 280 nm

Il est possible d’associer les composantes C1 et C2 aux substances humiques, la composante C2 serait à priori plus reliée aux acides fulviques si l’on regarde sa position relative. Dans la méthode d’identification par pic, les longueurs d’onde du pic C sont plus grandes que celles du pic A, tant en émission qu’en excitation. En ce qui concerne la composante C3, il est difficile de la relier avec certitude à une substance. Tel que mentionné à la section 5.3.2, et d’après la littérature, la composante C3 pourrait être un mélange entre les substances humiques marines (pic M) et le tryptophane (pic T). C’est-à-dire que la longueur d’onde en émission ressemble plus au pic M et celle en excitation au pic T. Par contre, la rivière St-Charles n’est pas situé près de la mer. La composante C3 serait donc plutôt associée au pic T (le tryptophane). Les Figure 5-26, Figure 5-27 et Figure 5-28 présentent les composantes C1, C2 et C3 respectivement pour l’eau brute et les eaux traitées.

85 Figure 5-26: PARAFAC - Composante 1 pour les différents types d’eau de l’UTE de Québec En ce qui concerne la composante C1, on constate que les profils 2D en émission et en excitation sont très similaires pour tous les types d’eau. Autant en excitation qu’en émission les pics de l’eau brute sont légèrement décalés à gauche quand on va de l’eau brute à l’eau filtrée. La composante C1 a un seul pic en émission donc le maximum est supérieur à 400nm alors qu’en excitation, deux pics sont observables.

Figure 5-27: PARAFAC - Composante 2 pour les différents types d’eau de l’UTE de Québec La composante C2 est très similaire à la composante C1. L’eau brute a une émission dont la longueur d’onde est légèrement plus élevée que pour les autres types d’eau. Un très petit pic est également visible près de λEm=275 nm. Ceci peut être attribuable à un bruit local non systématique ou un artéfact.

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Quant à la composante C3, les profils 2D d’émission sont beaucoup moins réguliers, particulièrement dans le cas de l’eau ozonée et filtrée, que ceux des deux autres composantes. Cela est vrai particulièrement pour les spectres 2D d’émission. La composante C3 se distingue aussi des deux autres composantes par les différences observées entre les profils pour les différents types d’eau. Plus les étapes de traitement avancent, plus les pics ont des longueurs d’ondes faibles. En ce qui concerne les eaux traitées (décantée, ozonée et filtrée), un deuxième épaulement vers des longueurs d’onde supérieures (entre 500 à 600 nm) est visible sur les spectres 2D d’émission. Cet épaulement laisse penser à la présence d’une autre composante ou à la présence d’un artéfact, par contre aucune composante n’est rapportée dans la littérature à ces longueurs d’onde et visuellement aucun fluorophore n’est visible à ces longueurs d’onde. La composante 3 est reliée à la protéine tryptophane (pic T), alors que les deux autres composantes sont des substances humiques. Le traitement, que ce soit la coagulation-floculation ou l’ozonation affecte différemment la matière organique non humique. Le Tableau 5-8 présente un sommaire des coordonnées des pics.

Tableau 5-8: Caractéristiques des pics des spectres 2D des composantes 1, 2 et 3 pour les différents types d’eau

Composante Description Type d’eau Em nm Ex nm C1 Pic A Acides humiques EB 420 <240/330 ED 409 <240/320 EO 416 <240/320 EF 409 <240/320 C2 Pic C Acides humiques (terrestre - fulvique) EB 473 <240/350 ED 461 <240/350 EO 461 <240/360 EF 461 <240/360 C3 Pic T

Amino acide protéine tryptophane

EB 401 280

ED 344 280

EO 341 280

EF 292 280

L’effet du traitement sur les longueurs d’onde des pics des composantes modélisée est visible à l’étape de décantation. Pour les trois composantes, les longueurs d’onde en émission des pics des spectres 2D des composantes diminuent entre l’eau brute et l’eau décantée. La coagulation favorise l’enlèvement de la MON. La distribution des composantes de l’eau brute et traitée a aussi été évaluée en termes d’intensité maximale de fluorescence, appelé Fmax.

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5.3.3.1

Intensité de fluorescence maximale - Fmax

L’analyse des Fmax, c’est-à-dire l’analyse des intensités maximales des composantes, permet de suivre les changements dans les contributions des groupements fluorophores à la fluorescence.

Rappelons qu’une composante avec un Fmax plus élevé par rapport à une autre composante, ne

signifie pas nécessairement une concentration plus importante de cette première composante dans l'échantillon (Sanchez et al., 2013). En effet, la fluorescence d’une substance dépend de sa concentration mais aussi de son rendement quantique. Par contre, l’intensité maximale d’une même composante varie proportionnellement avec sa concentration tel que supposé dans la modélisation PARAFAC (respect de la loi de Beer-Lambert). Rappelons que les modélisations avec PARAFAC ont été faites par type d’eau (voir Tableau 5-7). Les Figure 5-29, Figure 5-30 et Figure 5-31 présentent les valeurs des Fmax pour les 3 composantes de l’eau brute, décantée, ozonée et filtrée de l’UTE de Québec.

Figure 5-29: Fmax des composantes C1 des différents types d’eau– Analyse PARAFAC

La tendance générale est la même pour toutes les composantes, les valeurs Fmax diminuent en

cours de traitement. Dans certains cas par contre, l’intensité de l’eau filtrée est légèrement supérieure à l’eau ozonée.

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Figure 5-30: Fmax des composantes C2 des différents types d’eau – Analyse PARAFAC

Figure 5-31: Fmax des composantes C3 des différents types d’eau– Analyse PARAFAC

En ce qui concerne la tendance entre l’eau brute et les eaux traitées, les échantillons ont une fluorescence dominée, par ordre décroissant, par les substances humiques, C1 et C2, et les acides aminés, C3. Des analyses supplémentaires, par chromatographie (séparation sur une colonne d’échange d’ions) par exemple, seraient nécessaires pour statuer sur leur concentration,

89 puisque l’intensité de fluorescence est dépendante de la concentration et du rendement quantique. La Figure 5-32 présente les valeurs moyennes des Fmax des trois composantes.

Figure 5-32: Moyennes des Fmax pour toutes les composantes

La Figure 5-32 démontre clairement que les Fmax diminuent en cours de traitement pour chaque composante, à l’exception de la composante 2 qui a une intensité plus grande pour l’eau filtrée que l’eau ozonée. D’ailleurs, la composante 3 a pour sa part une très faible différence entre l’eau filtrée et l’eau ozonée.

L’intensité de fluorescence, telle que mesurée par le Fmax, diminue de 30 à 60% entre l’eau brute et décantée pour l’ensemble des composantes. Dans le cas de l’ozonation la réduction est de 65 à 75% alors que le filtre biologique contribue très faiblement à la réduction de l’intensité maximale de fluorescence. Seule la composante 1 a une réduction significative de 23%. En termes de COD, la coagulation réduit de 56% la concentration de COD et l’ozonation de seulement 9%. La filtration du filtre à CAG enlève jusqu’à 16% du COD.

La plus forte diminution de la fluorescence observée est celle entre l’eau décantée et l’eau ozonée, soit 65 à 75% pour les trois composantes. Des résultats semblables sont observés dans l’étude de Baghoth et al. (2011). Une réduction de plus de 50% a été observée par l’ozonation sur l’ensemble des échantillons, alors que la coagulation représente 5 à 50% de la réduction des valeurs d’intensité maximales (Fmax) dépendamment des composantes. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’ozonation fractionne la MON à haut poids moléculaires en de plus petits composés et diminue le caractère aromatique de la MON (Swietlik et al., 2004b). Ces composés ont une absorbance UV et une fluorescence plus faible.

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Quant aux variations saisonnières de la qualité d’eau brute (voir Figure 5-2), les composantes 1 et 2 ont une hausse de leur intensité de fluorescence en été (maximum observé en août 2011) et diminue à l’approche de l’hiver. Pour la campagne de 2010, on observe le phénomène inverse puisque la valeur la plus élevée est en hiver. Une augmentation des Fmax est aussi notable en mars-avril à la fonte des neiges au printemps. Très peu d’échantillons sont disponibles lors de la de fonte des neiges qui est une période reconnue pour l’augmentation de la MON. L’échantillon de janvier avait été pris lors d’un adoucissement de la température et lors de pluies. Ceci peut expliquer pourquoi 2010 ne suit pas la même tendance (voir Figure 5-1). Il est intéressant d’observer que la composante 3 ne varie pas de la même façon que les deux autres composantes. Les maximums observés ne sont pas reliés aux variations saisonnières. Par exemple, la valeur la plus élevée en 2010 est en juillet alors que l’échantillon de juin est plus faible en intensité. Il en est de même pour 2011, la valeur maximale des composantes 1 et 2 observée en septembre n’est pas particulièrement élevé dans le cas de la composante 3. Le Fmax maximum est observé le 18 juillet 2011, aucune variation notable est observable ni pour le COD ni pour le SUVA pour ce point. Par contre, les hausses observées des Fmax de la composante 3 pour les échantillons d’eau brute concordent avec ce qui est observé pour le pic T. Malheureusement, l’information disponible sur la qualité d’eau ne permet pas de relier les variations de la composante C3 à des évènements en particuliers.

Lorsqu’on regarde les profils des Fmax des modèles produits par PARAFAC (Figure 5-29, Figure 5-30 et Figure 5-31), le même phénomène qu’avec la méthode par pic est observé: l’intensité de l’eau brute est plus grande pour la composante C1 que C2, tout comme l’intensité du pic A est plus grande que le pic C. Alors que les eaux naturelles contiennent 5 à 25 fois plus d’acides fulviques (AF) que d’acides humiques (AH) (Peiris et al., 2011). Encore une fois, la fluorescence n’est pas une mesure de la concentration, mais est plutôt reliée à l’absorptivité molaire et au rendement quantique des composés organiques. Les groupements carboxyliques sont moins présents dans les AH (abaisse la solubilité) que dans les AF (Crittenden et al., 2005):

• Poids moléculaire: AF varient entre 200 et 1000 g/mole et AH jusqu’à 200 000 g/mole; • AF possèdent plus de groupements fonctionnels oxygénés par unité de masse; • AF ont moins de noyaux aromatiques par molécule;

• AF ont une nature plus polaire et moins hydrophobe que les AH

Les acides humiques ont une composition différente des acides fulviques; leur poids moléculaire est jusqu’à 1000 fois plus élevé et ils sont plus hydrophobes que les acides fulviques. De plus, lorsque la polarité augmente, la fluorescence augmente. Les groupements aromatiques absorbent le rayonnement et augmente l’intensité de fluorescence. C’est pourquoi, même si les

91 eaux naturelles contiennent plus de AF que de AH en termes de concentration, l’intensité de fluorescence est plus grande pour les AH.