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Ambiguïté de la folie classique : Oreste, les images et le délire (d’après Racine)

II. Le jour et la nuit et la folie tragique d’Oreste

2.3. Ambiguïté de la folie classique : Oreste, les images et le délire (d’après Racine)

L’analyse par Foucault de la chute d’Oreste dans la folie telle qu’elle nous est donnée dans

Andromaque par Racine est un point central de l’Histoire de la folie. Ne serait-ce que dans

l’économie linéaire du texte, c’est le moment-clef de la deuxième partie puisqu’on y voit enfin « la culture classique formuler, dans sa structure générale, l’expérience qu’elle a faite de la folie »342, celle d’une folie devenue « paradoxale manifestation du non-être »343. Et Foucault suggère alors une réinterprétation de ses analyses de la première partie, qui soulignaient trop la négativité humaine de l’exclusion, et pas assez le néant qu’indique elle-même la folie. Bref, c’est le point où il rouvre magistralement l’ambiguïté du geste classique – même si certains passages précédents suggéraient une telle ambiguïté. Il importe donc de voir comment l’analyse de la chute d’Oreste dans la folie conduit à cette réouverture de l’ambiguïté.

La lecture en écho que je propose de ce passage central de l’Histoire de la folie consistera ici à rendre audible, dans le texte de Foucault, le mouvement par lequel il répète et amplifie l’expérience classique de la folie manifestée par Oreste chez Racine – rendre audible ce mouvement en montrant qu’il vient comme un écho d’un double mouvement : celui par lequel Blanchot aborde l’expérience kafkaïenne de l’autre nuit, mais aussi celui par lequel Blanchot suggère (ellipse que j’ai développée) l’impasse de l’expérience grecque de la nuit.

La réflexion grecque, marge de l’Histoire de la folie

Comment justifier que le propos blanchotien, appuyé sur la pensée grecque (même s’il mentionne aussi – mais encore plus elliptiquement – le rationalisme classique et la raison dialectique), puisse ouvrir un espace de résonance dans lequel ferait écho une histoire de la folie centrée sur l’âge classique ? Pour répondre à cela, je propose de répondre d’abord brièvement à une question plus générale : Qu’est-ce que la pensée grecque pour l’ouvrage de Foucault ?

Si l’on se contente d’une appréhension globale de l’Histoire de la folie, assurément, la pensée grecque et plus généralement le monde grec n’y trouvent pas droit de cité. Mais si l’on considère que la marge d’un ouvrage – une lettre contemporaine de sa conception, ou une remarque incidente de sa préface – dit quelque chose de cet ouvrage, alors se priver de situer

342 Foucault, HF, p. 268. 343 Ibid., p. 267.

l’Histoire de la folie par rapport à la pensée grecque serait une négligence coupable. Remarquons d’ailleurs d’emblée – même si j’aurai l’occasion d’y revenir – que c’est en ce lieu aussi que Derrida ira chercher querelle à Foucault, outre leur divergence quant au texte du

cogito cartésien.

Une première mention du langage de la pensée grecque ancienne se trouve dans la préface de 1961 à l’Histoire de la folie, au moment où, retrouvant le geste de Blanchot qui juxtaposait les trois configurations du rapport du jour et de la nuit, Foucault esquisse une rapide histoire du rapport de la pensée à sa limite. Le caractère tout aussi succinct de son propos semble justifié par le caractère de préface du texte : on suppose que les affirmations de la préface sont justifiées par le propos tenu dans le corps du livre. Mais, si c’est vrai pour ce qu’il dit de l’émergence au Moyen Âge (« depuis le fond du Moyen Âge »344) d’une expérience de la déraison (un « rapport Raison-Déraison [qui] constitue pour la culture occidentale une des dimensions de son originalité »345, bien avant Bosch et bien après Artaud), l’écart comparatif qu’il suggère avec la pensée grecque dans cette préface ne repose sur aucun développement dans l’ouvrage.

Les Grecs avaient rapport à quelque chose qu’ils appelaient ύβρις. Ce rapport n’était pas seulement de condamnation ; l’existence de Thrasymaque, ou celle de Calliclès, suffit à le démontrer, même si leur discours nous est transmis, enveloppé déjà dans la dialectique rassurante de Socrate. Mais le Logos grec n’avait pas de contraire346.

Il s’agit d’un énoncé marginal, en marge du propos substantiel sur l’histoire de la déraison (l’histoire du rapport à la déraison). Mais il suffit pour installer une résonance avec le propos de Blanchot, résonance qu’on peut indiquer en deux temps : d’abord quant à l’idée ; ensuite quant à la fonction de l’affirmation de cette idée.

Du point de vue de la signification, Foucault reprend exactement le propos de Blanchot sur le rapport de la pensée grecque de la mesure à sa nuit. Il s’agit bien dans la préface de l’Histoire de la folie d’un rapport à la démesure. Et Foucault multiplie dans son écriture même les précautions pour aborder ce rapport. Il n’écrit pas simplement : un rapport à la démesure, mais un « rapport à quelque chose » qui serait la démesure. L’indétermination du « quelque chose » est un choix d’écriture qui prouve qu’on ne peut plus qu’indiquer cette expérience, sans s’y référer avec un geste certain de sa détermination, et cela parce que cette expérience n’est désormais plus la nôtre. Choix d’écriture redoublé par la mobilisation de la langue originale de cette expérience : il ne s’agit pas d’un rapport à quelque chose que nous appelons démesure, mais « qu’ils appelaient ύβρις ». C’est dans le texte même de cette expérience,

344 Foucault, « Préface [de 1961] », DE n°4, I, 188. 345 Ibid., p. 189.

donc dans sa langue (grec ancien) et en son temps (depuis ici, l’imparfait), que l’on trouve l’indice d’une ouverture à la démesure. Foucault indique ensuite que le rapport à la démesure n’était pas univoque : de même que les filles de la Nuit n’étaient pas simplement rejetées dans un lieu isolé, mais aussi honorées, de même les discours de Thrasimaque ou de Calliclès, animés de cette tendance à la démesure, ne sont pas simplement condamnés, mais sont aussi tolérés, voire loués (d’où la notoriété qu’on leur suppose). Blanchot se référait elliptiquement au texte de l’Orestie d’Eschyle, indiquant qu’il était le langage du jour qui narrait la fable de sa victoire sur une nuit qu’il disait respecter (mais on pouvait y voir un piège). Foucault se réfère aux textes de Platon – on ne connaît Calliclès que dans le Gorgias, Thrasimaque apparaît dans le Phèdre et, surtout, dans La République347 – de façon tout aussi elliptique : le langage de ces textes n’est que « la dialectique rassurante de Socrate ». Par là, on voit que Foucault répète, à propos du langage philosophique de Platon, ce que Blanchot disait de l’Orestie : il y a, dans le langage de la pensée grecque, une façon d’indiquer la démesure de la

nuit qui, tout en paraissant lui laisser la place d’un vecteur inquiétant, a déjà désamorcé ce pouvoir d’inquiétude. Voilà pourquoi, alors qu’il vient de dire que le rapport de la pensée

grecque (de la mesure) à la démesure n’est pas qu’un rapport de condamnation – condamnation qui ne laisserait aucune chance effective de manifestation à la limite, à l’opposé ou au contraire –, Foucault peut quand même conclure que « le Logos grec n’avait pas de contraire ». Autrement dit, le Logos grec est tel que, même s’il semble laisser se manifester son contraire, la forme même de manifestation de ce contraire et la définition même que cela donne de la contrariété font qu’aucune voie ne demeure ouverte vers une démesure qui inquiéterait effectivement la mesure. Bref, l’autre démesure n’existe pas pour les Grecs anciens.

Qu’en est-il à présent de la fonction de l’affirmation de cette idée quant à l’écriture qui la mobilise ? Dans le texte de Foucault comme dans celui de Blanchot, il s’agit d’indiquer une

première figure du rapport de la pensée à sa nuit ou à sa limite. Ce qui pourrait passer pour un

détail n’en est pas un : toute histoire, même succincte, qui distingue des époques par des figures de pensée davantage que par des découpages chronologiques, s’écrit en décidant d’un point de départ. Même si celui-ci est laissé dans le flou ou l’indistinction, il accroche la fiction historique à son fil narratif. Il n’est pas anodin que, au moment de poser ce point, Blanchot et Foucault se réfèrent à un monde grec ancien pris de façon global et sans distinction interne. D’autant plus que, pour l’ouvrage de Foucault, ce point, qui demeure dans la marge qu’est la

347 Monique Canto-Sperber rappelle que la comparaison du Calliclès du Gorgias au Thrasimaque de La

République est une comparaison fréquente chez les commentateurs. Cf Platon, Gorgias, prés. et trad. par

préface, résulte d’un mouvement de stabilisation de sa recherche, une recherche qui ne s’était pas définie de cette façon dès le départ. En effet, cette mention marginale de la pensée grecque – outre son écho blanchotien – ne peut manquer de nous remémorer la lettre de Foucault à Jacqueline Verdeaux, probablement de la fin de l’année 1956 – témoignage d’une écriture en cours, bien connu mais qui mérite tout de même d’être rappelé :

Finalement, il me semble qu’on ne peut rien dire d’utile – en dehors de l’anecdote – sur les Zoulous et les Nambikwara. Alors pourquoi ne pas prendre le sujet par le biais : la folie et l’expérience de la Déraison dans l’espace ouvert par la réflexion grecque. Après tout, l’Europe aux anciens parapets348... Plus particulièrement, ce glissement, dans l’expérience de la déraison, entre l’Éloge de la folie [Érasme] et la Phénoménologie de l’Esprit (Éloge de la déraison) [Hegel] – entre le Jardin des Délices [Bosch] et la maison du Sourd [Goya] –, comment l’Occident, au bout de son rationalisme et de son positivisme, a rencontré ses propres limites, sous la forme ambiguë d’un pathos, qui est à la fois l’élément de son pathétique et le lieu de naissance de la pathologie. D’Érasme à Freud, de l’humanisme à l’anthropologie, la folie a touché au fond de notre ciel : c’est cet écart qu’il faut mesurer, avec quel compas ? Vous allez être déçue : vous qui espériez de la tragédie grecque, et quelque fumée magique sortie des bouilloires de Macbeth. Mais que voulez-vous, comme rien, semble-t-il, n’a été fait dans ce sens, il faut prendre les choses un peu en détail pour ne pas dire trop de bêtises. Trois cents ans, qui sont la genèse de notre folie, c’est déjà bien349.

Que définit ici le sujet « la folie et l’expérience de la Déraison dans l’espace ouvert par la réflexion grecque » ? Dans un premier temps, la précision « dans l’espace ouvert par la réflexion grecque » semble n’être qu’une restriction d’aire culturelle. Il ne s’agira pas de faire une histoire de la folie qui s’appuierait sur des données ethnologiques. Car cela ne dirait pas quelque chose d’« utile » aux yeux de Foucault. Comprenons que cela n’aurait pas de pertinence philosophique, si par là on entend un mouvement d’inquiétude ou de subversion de notre langage et de notre pensée. Car Foucault est bien conscient qu’une opération philosophique effective ne peut se faire que dans un langage culturellement circonscrit. C’est alors que l’idée d’une recherche « dans l’espace ouvert par la réflexion grecque » prend une signification plus profonde. Il ne s’agit pas simplement d’une aire culturelle que la suite de la lettre viendrait d’ailleurs scander temporellement, pour ne garder que l’histoire de cette aire entre la Renaissance et le début du XIXe siècle (si on s’arrête à Hegel plutôt qu’à Freud – puisque Foucault indique, même si c’est d’un geste qui se veut imprécis, « trois cents ans »). Il s’agit d’un espace où s’esquissent des mouvements de référence à la pensée et à l’art grecs. En effet, les œuvres que Foucault mentionne – et qu’il indique par leurs titres plutôt que par les noms de leurs auteurs – ces œuvres ont presque toutes (sauf Bosch, à ma connaissance) la spécificité de se référer explicitement à l’héritage grec. Ainsi pour l’humanisme d’Érasme,

348 « Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues / Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, / Fileur éternel des immobilités bleues, / Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! », strophe 21 du « Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud.

349 « Lettre de Michel Foucault à Jacqueline Verdeaux », citée par Éribon D., Michel Foucault, Paris, Flammarion, 1991, p. 356.

pour l’histoire de l’Esprit chez Hegel, pour la référence freudienne aux mythes, et même – c’est toutefois plus anecdotique – pour le Saturne dévorant son fils de Goya. C’est ainsi qu’on peut comprendre « l’espace ouvert par la réflexion grecque » : un espace de pensée dont l’un des pôles est la référence au moment grec de la pensée.

D’où sans doute une fascination particulière pour un humanisme renaissant désireux d’une relecture des Anciens – et le choix de ce point de départ effectif de la narration de l’Histoire

de la folie. Il ne s’agit donc pas d’aller lire les tragédies grecques comme lieu des pensées de

leur temps, ni même d’espérer quelques propos sur le moment diégétique de Macbeth – donc le XIe siècle européen, qu’on supposera détourné de cet héritage grec – mais bien de commencer avec une Renaissance tournée vers la Grèce ancienne, même si cet âge-là a un autre rapport à sa limite.

D’où aussi la désignation de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel comme d’un seuil de la modernité. On sait que cet ouvrage décrit le parcours de la conscience jusqu’à ce qu’elle comprenne comment elle est elle-même celle qui a pu écrire son parcours de formation. On sait aussi – et c’est ce qui importe ici – que son parcours de formation passe par la remémoration de son histoire, et que l’histoire que le moment « Esprit » de la

Phénoménologie de l’Esprit constitue commence justement au sein du monde grec (avec les

tragédies grecques de Sophocle et particulièrement Antigone)350.

Si j’ai donné ces différentes indications quant au rapport de l’Histoire de la folie à la culture grecque ancienne et aux œuvres occidentales postérieures porteuses de cet héritage (donc le faisant valoir, mais aussi se situant par rapport à lui), c’est pour introduire la lecture par Foucault de la folie d’Oreste à partir d’Andromaque de Racine. Car du texte d’Eschyle à celui de Foucault en passant par les indications de Blanchot, le chemin de l’écho n’est pas sans lacune. Si la référence des réflexions blanchotiennes sur le jour et la nuit de la pensée va explicitement au texte de l’Orestie, il demeure que, outre le caractère elliptique de la référence, l’usage en est très succinct. Or, tout se passe comme si l’analyse du texte de Racine par Foucault se faisait l’écho d’une analyse blanchotienne de l’Orestie. Cette analyse développée n’existe pas : ni chez Blanchot (trop succincte pour qu’on puisse la dire être davantage qu’une indication), ni chez Foucault (il dit bien à Jacqueline Verdeaux de ne pas espérer lire l’analyse d’une tragédie grecque). Or, c’est à partir d’elle qu’on peut rendre véritablement audible la fin du texte de Racine telle que Foucault l’entend. C’est pourquoi j’ai estimé nécessaire de combler cette lacune dans ma section précédente, et d’assurer la

350 Cf la note de Jean Hyppolite dans Hegel G. W. F., Phénoménologie de l’Esprit, trad. J. Hyppolite, Paris, Montaigne – Aubier, 1941, tome II, pp. 16-17, note 10.

connexion de celle-ci avec la présente section par ce propos sur la réflexion grecque comme marge de l’Histoire de la folie. À présent, venons-en au texte même de Foucault.

La folie classique comme délire : aveuglement et éblouissement

Sans encore justifier le caractère central du passage sur la folie d’Oreste, je propose tout de même de le situer dans le mouvement où il apparaît. Ce passage sur Oreste vient comme l’extrême pointe d’une exposition de l’expérience classique de la folie comme étant à la fois – et de façon ambiguë – aveuglement et éblouissement. C’est toute cette analyse de la folie classique comme aveuglement et éblouissement que je souhaite parcourir dans cette sous-section, afin de montrer qu’on ne l’entend pleinement qu’en la lisant en écho au texte de Blanchot indiqué précédemment. Entrons donc dans le texte de l’Histoire de la folie pour suivre ce mouvement qui restitue la folie classique dans une oscillation ambiguë entre aveuglement et éblouissement, avant que ce mouvement ne précipite (ou ne se condense) dans la folie d’Oreste.

Dans la deuxième partie de l’Histoire de la folie, Foucault aborde principalement – outre la conscience énonciative de folie, sur laquelle je reviendrai – ce qu’il nomme la conscience analytique de la folie à l’âge classique. Il désigne par là l’expérience médicale de la folie faite à l’âge classique, aussi bien au niveau des théories et des classifications médicales que des pratiques thérapeutiques, pour autant que nous en ayons des traces textuelles. Par rapport à cette raison médicale qui s’efforce de comprendre et de traiter la folie, et dont on peut suivre le déploiement de l’effort tout au long de l’âge classique, Foucault retient un point d’échec qui organise tout son propos sur cette conscience analytique. Il s’agit d’un échec de la tentative d’inscription de la folie dans l’espace nosologique351. Là où la rationalité médicale se traduit par un patient labeur de classification, elle ne parvient pourtant pas à donner à la folie de place fixe dans ses tableaux. D’où l’hypothèse que fait Foucault de l’existence d’obstacles ou de résistances dans l’expérience même de la folie à l’âge classique qui empêcheraient l’effort de classification d’aboutir à un résultat fixe au cours de cet âge. Et la recherche de Foucault parvient à distinguer trois formes de la résistance essentielle de la folie classique à son appréhension par la rationalité médicale. C’est la première d’entre elles que je retiendrai ici : la résistance constituée par une analytique de l’imagination centrée de façon ambiguë sur un langage fondamental insaisissable, le délire.

L’examen de l’analytique de l’imagination telle qu’elle joue dans les traités médicaux de l’âge classique est annoncé sans être pour autant détaillé, comme ceux des deux autres

résistances, dans le chapitre « Le fou au jardin des espèces » (2.1)352. L’examen détaillé occupe, pour sa part, le chapitre « La transcendance du délire » (2.2) de l’Histoire de la folie. À partir des indications de ces deux chapitres, on peut préciser ce que Foucault entend par l’expression d’analytique de l’imagination.

On peut définir cette analytique de l’imagination en situant son lieu. J’ai dit qu’elle jouait dans les traités médicaux, notamment qu’elle transparaissait des classifications qu’ils proposent. Mais c’est trop peu dire. Foucault préfère indiquer qu’elle « intervient en secret dans la démarche [des efforts de classification] »353. L’analytique de l’imagination est ainsi au niveau de l’espace du langage qui rend raison de la forme que prennent aussi bien les descriptions d’observation de fous que les classifications des folies. On peut même dire que cette analytique de l’imagination est cet espace du langage, comme à un autre âge, l’analytique de la finitude sera l’espace du savoir moderne, si l’on en croit Les mots et les

choses. Préciser que le rapport de cet espace du langage aux classifications qu’il détermine est

un rapport secret, c’est dire que l’opération de détermination, mais aussi les exigences et les tendances de cet espace qui constituent l’analytique de l’imagination, ne sont jamais exposées pour elles-mêmes. Si l’historien des sciences veut montrer que c’est à cause des tendances paradoxales qui constituent cet espace du langage que les classifications ne parviennent pas à acquérir la permanence minimum qu’on attend d’elles, il devra donc inventer un mode d’exposition pour cet espace secret. Il devra alors trouver les mots qui rendent manifestes des exigences et des tendances qui opèrent habituellement en restant secrètes. Pour cela, Foucault