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1. Critique de la méthodologie

1.3 Améliorations possibles de la méthodologie et recommandations

Il va sans dire que si l’occasion m’était donnée de reprendre à partir de zéro mon projet de recherche, il y a certaines choses que je ferais différemment. L’une des premières modifications que j’apporterais à mon protocole serait de trouver un moyen pour identifier l’âge et le sexe des spécimens utilisés. Puisqu’il est extrêmement difficile d’identifier le sexe d’un poisson rouge en dehors de la période de frai, y compris pour les aquariophiles vétérans, il serait sans doute préférable d’utiliser une espèce de poisson présentant un dimorphisme sexuel plus prononcé et visible durant toute l’année. Pour ce qui est de l’identification de l’âge des poissons, il suffirait de faire directement affaire avec un éleveur ou encore, dans le cas d’une étude d’envergure suffisante sur une espèce possédant un cycle de reproduction relativement court, de réaliser nous-mêmes l’élevage des poissons en laboratoire. Une espèce pouvant répondre à ces critères serait Poecilia reticulata, communément appelé guppy. En effet, en plus d’être couramment utilisé comme modèle expérimental (Tadiri, Dargent et al. 2012), le guppy présente un fort dimorphisme sexuel et peut se reproduire en aquarium. Toutefois, étant d’une taille significativement plus petite que le poisson rouge, la dissection de la boîte crânienne et l’isolement du tronc cérébral du guppy risquent d’être problématiques. Une autre espèce facile à obtenir en animalerie et qui pourrait aisément servir de modèle expérimental pour une étude similaire est Betta splendens, aussi appelé combattant du Siam ou simplement combattant. En plus d’être de taille comparable à celle des poissons rouges utilisés dans le cadre de mon projet de recherche, le sexe du combattant est facilement identifiable, les nageoires des mâles étant considérablement plus grandes et plus intensément colorées que celles de femelles (Balasubramani et Pandian 2012). Par contre, la reproduction en aquarium de cette espèce, bien que possible, n’est pas aussi aisée que pour le guppy et son cycle reproducteur n’est pas aussi court, ce qui rend préférable son achat auprès d’un éleveur.

Un autre élément dont je ne me suis pas soucié durant l’exécution de mon projet de recherche et qui pourrait, lui aussi, avoir contribué à la variabilité des patrons respiratoires décrite précédemment est l’influence du rythme circadien sur le rythme respiratoire. Il n’y a aucun doute que de nombreux aspects du contrôle respiratoire sont affectés par le cycle

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circadien. Cependant, les données sur le sujet proviennent presqu’exclusivement d’études sur les rats et les humains et l’impact du cycle circadien sur le contrôle respiratoire diffère chez ces deux espèces de mammifères : contrairement au rat, les réponses ventilatoires à l’hypoxie et à l’hypercapnie de l’humain varient significativement au cours de la durée du cycle (Mortola 2004). De ce fait, il est difficile d’anticiper l’importance de ce phénomène chez le poisson rouge, un ectotherme, autant sous des conditions in vivo que in vitro. Ne serait-ce que par précaution, il est préférable de considérer la phase du cycle circadien, ou du moins l’heure de la journée, pendant laquelle des prises de mesures sont effectuées (comme lors d’un enregistrement électrophysiologique) si le métabolisme ou la chémosensibilité constituent des variables clés de l’étude en question (Spengler et Shea 2000).

Lorsque j’ai soumis mon manuscrit pour une première fois au Journal of Experimental Biology, un des évaluateurs m’a suggéré d’ajouter un tampon (Tris, PIPES ou HEPES) à la solution afin d’augmenter la constance et la longévité du signal moteur. Bien que cette suggestion soit tout à fait valable, il est important de mentionner que le choix du tampon bicarbonate utilisé dans le cadre de mon projet de recherche repose sur le fait qu’il s’agit du tampon le plus couramment utilisé dans ce genre d’études. Il fut d’ailleurs testé sur un grand nombre de préparations réduites de vertébrés, incluant les poissons rouges (Duchcherer, Kottick et al. 2010), les lamproies (Mutolo, Cinelli et al. 2011), les amphibiens (Galante, Kubin et al. 1996), les tortues (Douse et Mitchell 1990), les oiseaux (Fortin, Champagnat et al. 1994), et les mammifères (Smith, Greer et al. 1990). Ainsi, l’utilisation du tampon bicarbonate rend la comparaison de nos résultats avec les données receuillies sur d’autres espèces plus aisée. De plus, une étude effectuée sur de minces transsections du bulbe rachidien de rats a démontré que la substitution du tampon bicarbonate/CO2 par l’acide N-2-hydroxyéthylpipérazine-N-2-éthanesulfonique (HEPES)

induit une dépolarisation du potentiel membranaire de 6 mV (Cowan et Martin 1996). Il est probable que cet effet soit relié au fait que l’HEPES peut inhiber les récepteurs GABAA (Hugel, Kadiri et al. 2012). Par conséquent, même si l’utilisation d’HEPES pour tamponner le CSF permettrait de stabiliser le signal respiratoire fictif généré par notre prépration, l’influence de l’HEPES sur les fonctions neuronales pourrait altérer la réponse de la préparation aux stimuli et ainsi compliquer l’interprétation des résultats obtenus. Quoi qu’il

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qualité du signal respiratoire fictif produit par la préparation lors de tests préliminaires à une étude subséquente sur le sujet.

Un autre aspect de mon étude pouvant être substantiellement amélioré est la section portant sur les effets des neurotransmetteurs GABA et glycine ainsi que leurs antagonistes respectifs sur le rythme respiratoire fictif. En effet, cette section aurait été beaucoup plus complète si les réponses de la préparation à l’addition de glycine seule ainsi qu’à l’addition simultanée de GABA et de glycine dans le superfusat avaient été mesurées. Il aurait été également intéressant de tester séparément l’influence de la bicuculline methochloride et de la strychnine hydrochloride sur le rythme respiratoire. Ces expérimentations supplémentaires nous auraient permis de comparer les effets de l’activation/inactivation des récepteurs GABAergiques seuls avec l’activation/inactivation des récepteurs glycinergiques seuls et l’activation/inactivation simultanée de ces deux types de récepteurs. De cette manière, il nous aurait probablement été possible d’identifier lequel de ces deux neurotransmetteurs, le GABA ou la glycine, a le plus d’impact sur la génération du rythme respiratoire. À cela vient s’ajouter le fait qu’une seule concentration ait été testée pour chacune des drogues utilisées dans le cadre de mon projet de recherche, excepté pour le GABA où des tests préliminaires ont été effectués avec une concentration de 0,5 mM. Bien que le choix de la concentration de GABA mentionnée dans l’article présenté au chapitre II (5,0 mM) repose sur le fait que nos tests préliminaires à 0,5 mM n’ont révélé aucune altération significative du rythme respiratoire fictif ainsi que sur les résultats d’études portant sur les ouaouarons têtards (Galante, Kubin et al. 1996, Broch, Morales et al. 2002) et les lamproies (Rovainen 1983), il aurait été tout de même intéressant de tester de plus fortes concentrations de GABA sur la préparation. Afin de réduire le nombre d’animaux utilisés, trois différentes concentrations de GABA auraient pu être testées sur une même préparation. Une courbe dose-réponse cumulative à trois points pour la glycine nous aurait également permis de valider davantage l’application de strychnine hydrochloride à certaines de nos préparations. Il en va de même pour les expérimentations sur les antagonistes, où des courbes dose-réponse cumulative séparées pour la bicuculline methochloride et la strychnine hydrochloride nous auraient permis d’identifier la concentration minimale à laquelle les effets sur le rythme respiratoire fictif sont les plus

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importants pour chaque antagoniste et ainsi éliminer la possibilité d’un blocage incomplet des récepteurs GABAAergiques et glycinergiques. Toutefois, le choix des concentrations de bicuculline methochloride (1.25·μmol·l-1) et de strychnine hydrochloride (1.50·μmol·l-1) utilisées dans le cadre de mon projet de recherche repose sur une étude précédente au cours de laquelle ces mêmes concentrations furent suffisantes pour révéler une modulation stade- dépendante de la fréquence respiratoire pulmonaire fictive chez les troncs cérébraux d’ouaouarons (Fournier, Allard et al. 2007).

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