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Amélioration de la probabilité de détection optique

Comme mentionné précédemment, le défi de la détection de la fluorescence dans les laboratoires sur puce est la petite quantité d'analyte présente dans le volume sondé, c'est-à-dire la nécessité de déceler un faible niveau de fluorescence parmi un signal de fond relativement élevé. De plus, une embûche supplémentaire est rencontrée si les fluctuations sur le signal de fond, soit le bruit (a^, sont de grande amplitude. Il faut donc choisir judicieusement le seuil de détection qui permettra de discriminer un événement de fluorescence, comme le passage d'une particule dans le volume sondé, du signal de fond provenant de la matrice. La Figure 2.7, tirée de Barnes et colL, montre bien l'enjeu qui compromet la probabilité de détection dans le cas où le signal de fluorescence est faible [55].

Signal de fond — Bruit Seuil détection

Fluorescence

Intensité relative / o.

Figure 2.7 : Distribution du signal de fond et de la fluorescence selon le bruit [55]

Le bruit correspond à l'écart type sur le signal de fond et présente une distribution gaussienne de part et d'autre du signal moyen. Normalement, en fixant le seuil de détection à trois fois l'écart type (3 ab), plus de 99 % du signal de fond sera discriminé [56]. Par conséquent, un

signal ayant une intensité supérieure à ce seuil pourra fort probablement être attribué à de la fluorescence. Cependant, la probabilité de détecter à tort des événements de fluorescence est grande, comme le montre le chevauchement en vert foncé sur la Figure 2.7. En augmentant le seuil de détection à cinq ou six fois le bruit (5-6 O,,), on réduit certes la probabilité de reconnaître de faux positifs, mais on diminue du même coup la sensibilité de détection en élùninant arbitrairement des événements de fluorescence. La situation idéale est donc d'avoir une petite fluctuation du signal de fond et d'augmenter la différence d'intensité entre la fluorescence et le signal de fond.

Pour atteindre ces objectifs, il ne s'agit pas seulement d'augmenter le signal de fluorescence, car il est relativement facile d'établir les conditions optimales propres à un chromophore, notamment le choix de la source d'excitation et des filtres spectraux requis devant le détecteur. Il s'agit plutôt de diminuer le signal de fond afin d'obtenir un contraste suffisant. En effet, l'intensité de la fluorescence d'une molécule ou d'une particule est indépendante du volume sondé. Au contraire, le signal de fond provenant de la fluorescence des impuretés, de la diffusion de Rayleigh et de la diffusion de Raman augmente proportionnellement avec le

volume sondé. Par conséquent, on a avantage à réduire la taille du volume analysé pour améliorer le rapport du signal de l'analyte sur le signal de fond. Par ailleurs, le bruit ne peut être complètement éliminé car il provient notamment des fluctuations inévitables de la source et de l'électronique du détecteur, quoique, dans ce dernier cas, des modules de qualité qui limitent ces fluctuations sont disponibles sur le marché. Pour tenter de maximiser la probabilité de détection, plusieurs paramètres peuvent être optimisés.

2.3.1 Augmentation du signal analytique

La Figure 2.8 présente le diagramme de Jablonski qui décrit les transitions électroniques typiques encourues pendant le processus de fluorescence [29]. Les électrons sont d'abord promus à l'état excité, Si ou 1S2, suite à l'absorption d'un ou de plusieurs photons. Par la suite, la désactivation de l'état excité peut se faire par voie radiative ou non-radiative. Dans le cas de la fluorescence, la désactivation de l'état excité se produit en premier lieu par la relaxation vibrationnelle du niveau excité. Les électrons qui auront été promus à l'état 1S2 subiront de plus de la conversion interne, un processus non-radiatif qui permet d'atteindre le niveau de plus basse énergie Si, d'où sera émise la fluorescence. La transition électronique vers le niveau So produira les photons de fluorescence. Cependant, ceux-ci sont de plus basse énergie que les photons absorbés au départ. Le résultat se traduit par un déplacement spectral de la longueur d'onde vers le rouge. Cet effet caractérise la fluorescence et est appelé déplacement de Stokes.

s2 ZK Absorption Conversion interne

hv*-**

Croisement intersystème Fluorescence Phosphorescence T,

Une autre voie de désactivation radiative est le phénomène de la phosphorescence. Une fois à l'état Si, une molécule est susceptible de subir une inversion de spin qui la conduira à l'état triplet T\. Cette transition se nomme le croisement intersystème. Dans cette configuration, la molécule, en retournant à l'état fondamental, peut émettre des photons qui seront de plus basse énergie que la fluorescence. Cependant, puisque la transition vers So est une transition peu favorisée, le rendement de la phosphorescence est généralement plus faible que celui de la fluorescence.

Tous les photons absorbés ne donnent pas lieu à un phénomène radiatif. En effet, plusieurs causes peuvent inhiber l'émission de photons d'une molécule excitée. Le milieu dans lequel se trouve le fluorophore influence grandement l'intensité de la fluorescence. Par exemple, une collision avec une autre molécule, telle une molécule de solvant, peut conduire à un transfert d'énergie qui permettra à la molécule de retourner à l'état fondamental sans émission de lumière. La viscosité du milieu joue un rôle important. En limitant certains mouvements moléculaires, un solvant très visqueux peut par exemple prévenir l'extinction collisionnelle. La force ionique, le pH et la température influencent tout autant l'intensité de la fluorescence. Les réactions chimiques se produisant à l'état excité, les réarrangements moléculaires ainsi que la photodégradation sont aussi des processus qui peuvent inhiber la fluorescence.

Les paramètres qui font en sorte qu'une molécule est un bon fluorophore sont entre autre la facilité avec laquelle la molécule absorbe les photons incidents, soit l'efficacité d'absorption, et le taux de photons émis par rapport à ceux qui auront été absorbés, soit le rendement quantique, Of. Ce dernier est en quelque sorte l'indicateur du nombre de photons qui empruntent la voie de désactivation radiative. L'efficacité d'absorption et le rendement quantique sont deux caractéristiques propres à chaque structure moléculaire. Il est donc difficile de les modifier pour optimiser le signal de fluorescence. En revanche, il est possible de jouer sur le milieu d'analyse, sur les conditions spectrales et sur la puissance d'excitation. D'abord, la source lumineuse doit recouvrir adéquatement le spectre d'excitation du fluorophore. De plus, elle doit être suffisamment intense pour permettre à chaque fluorophore se trouvant à l'état So de monter aussitôt aux états excités. Cette condition s'appelle la saturation optique et elle est rencontrée lorsque le taux d'excitation est équivalent au taux de désactivation, radiative et non-radiative. Il faut cependant être vigilant avec l'intensité de

l'excitation. Une source très intense augmentera la probabilité de photodestruction car un fluorophore typique subit environ 105-106 cycles d'excitetion/émission avant de cesser

d'émettre [24, 57].

2.3.2 Diminution du signal de fond

Les impuretés présentes dans le volume de détection sont tout aussi susceptibles d'être excitées par la source lumineuse et d'émettre des photons. Une façon de réduire l'ampleur de ce problème est de filtrer l'excitation et l'émission en ciblant le maximum du spectre du fluorophore d'intérêt. Aussi, à cette échelle de détection, la propreté des solvants et des réactifs est primordiale. Une autre source de l'augmentation du signal de fond est la diffusion de Rayleigh. Cette sorte de diffusion est en fait provoquée par la source d'excitation qui est diffusée par l'échantillon dont certains photons peuvent atteindre le détecteur. Lorsque le déplacement de Stoke est suffisant, ces photons peuvent être en bonne partie discriminés du signal de fluorescence par un filtre spectral approprié. Néanmoins, aucun système n'est parfait et une partie de la lumière incidente finira toujours par atteindre le détecteur, ce qui implique qu'une augmentation de la puissance d'excitation, si elle peut augmenter l'intensité du signal de fluorescence, ne conduit pas nécessairement en une amélioration de la qualité des résultats. En effet, en augmentant la puissance de la source, davantage de photons seront diffusés et viendront s'ajouter au signal de fond total. Il y a donc un compromis à faire à cette étape. Cependant, en filtrant convenablement l'émission devant le détecteur, il est possible de réduire considérablement la quantité de photons attribuables à la diffusion de Rayleigh.

Une autre source de contamination du spectre de fluorescence est la diffusion Raman, dont le spectre interfère généralement avec l'émission du fluorophore. Contrairement à la diffusion de Rayleigh, la diffusion Raman, bien que provoquée elle aussi par la source d'excitation, est un phénomène inélastique car la fréquence de cette dernière n'est pas identique à celle de la lumière incidente. Par ailleurs, la fluorescence et la diffusion Raman donnent tous deux lieu à l'émission de photons de plus basse énergie que ceux de la source d'excitation. La différence entre les deux phénomènes est que la diffusion Raman se produit peu importe la fréquence de la lumière incidente alors que la fluorescence se produit seulement lorsque l'excitation lumineuse superpose le spectre d'absorption de la molécule. D'ailleurs, à l'image de la

fluorescence où le déplacement de Stokes est dicté par la nature de la molécule, la diffusion Raman maintient une séparation constante avec la fréquence d'excitation et cette séparation dépend aussi de la structure de la molécule.

Lors de la diffusion Raman, les photons incidents sont absorbés par la molécule. L'équilibre thermique fait en sorte que les molécules de l'état électronique So se trouvent à différents niveaux d'énergie vibrationnelle au sein de cet état. L'absorption de la lumière incidente se produit donc à partir de différents niveaux énergétiques. La molécule excitée se désactive ensuite par l'émission de photons. Ces photons redescendent vers le niveau électronique fondamental, mais à différents niveaux vibrationnels de l'état électronique fondamental II y a donc création d'une différence de fréquences entre la lumière incidente et celle émise. Si le niveau vibrationnel résultant est plus élevé en énergie que celui à partir duquel l'excitation a eu lieu au départ, la molécule gagne en énergie, mais les photons émis seront de plus basse énergie que les photons incidents. On assiste alors à un déplacement de Stokes vers les basses fréquences, tout comme la fluorescence. De plus, les nombreuses transitions permises donnent lieu à un spectre de plusieurs bandes. Il est à noter qu'on observe aussi un déplacement vers le bleu, appelé déplacement Anti-Stokes, dont l'intensité est négligeable et qui n'interfère pas avec la fluorescence. Le déplacement Raman est généralement exprimé en nombre d'onde (cm1) et

si on l'exprime en longueur d'onde (nm), elle variera en fonction de la fréquence d'excitation. Par exemple, l'eau, qui est un solvant couramment utilisé en analyse biologique, possède vin déplacement Stokes Raman maximum à - 3 380 cm"1 [58].

L'intensité de la diffusion Raman est souvent négligée en spectrofluorimétrie conventionnelle car elle correspond à 0,001 % de l'intensité de la source [56]. Or, dans le cas où l'on désire repérer une faible quantité d'analyte, la présence prédominante des molécules de solvant génère suffisamment de Raman pour concurrencer sérieusement l'intensité de la fluorescence. Ce phénomène est bien illustré à la Figure 2.9, où l'on compare l'intensité relative de la diffusion Raman de l'eau à l'intensité de fluorescence d'une molécule de rhockmine 6G (R6G) pour différents volumes d'analyse [29].

Une molécule R6G k - l c m — H IF = 1.0 1 R S5 10 V - l m l 10 Une molécule R6G

fi

H

4.6 microns

IP

s 1.0

1RS"

1 0

V-97M

Une molécule R6G

m

H h-

1 micron

I

F

=1.0

I

R S

M 0

V I fl

- 2

Figure 2.9 : Intensité Raman de l'eau relative à la fluorescence d'une molécule de rhodamine 6G pour divers volumes d'analyse [29]

Dans un volume (V) de 1 mL, il y a environ 3,3 xlO22 molécules d'eau. L'intensité Raman (1RS)

d'une molécule d'eau est faible. Or, leur nombre fait en sorte qu'ensemble, elles produisent une intensité 1010 fois supérieure à l'intensité de fluorescence (IF) produite par une seule molécule

de rhodamine 6G. Les intensités 1^ et IF seront équivalentes pour un volume de 97 fL et pour

que la fluorescence d'une molécule soit 100 fois plus intense que le Raman de l'eau, il faut atteindre un volume de 1 fL, qui correspond au volume d'un cube de 1 um de côté. Il y a donc un avantage significatif à réduire le volume sondé pour diminuer la contribution de la diffusion Raman au signal de fond.