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2.4 M´ethodes de caract´erisation de la couche alt´er´ee

3.1.2 Alt´erations en pH variable

Deux ´etudes ont ´et´e effectu´ees afin de sonder l’effet du pH sur l’alt´eration des verres de la s´erie Ia. On a d’abord alt´er´e dans de l’eau distill´ee les deux verres de r´ef´erence de cette s´erie (70/15/15 et 64/18/18). Le pH, neutre en d´ebut d’alt´eration, ´evolue vers les pH basiques, suite au largage du sodium notamment. On ´etudie l’effet de cette d´erive de l’alcalinit´e de la solution sur le comportement des verres. Ensuite, une autre ´etude a consist´e `a alt´erer le verre de r´ef´erence le plus riche en esp`eces solubles (64/18/18) dans plusieurs solutions tamponn´ees de pH variable. Ces derni`eres donn´ees sont compar´ees `a celles qui pr´ec`edent.

Il semble bon de rappeler ici que les valeurs des pH fournies sont mesur´ees avant ou apr`es alt´eration `a la temp´erature ambiante. `A 90 ˚C, il est attendu que le pH soit inf´erieur `a sa valeur `a 20 ˚C ([R. C. Weast, 1968]).

Alt´eration en pH libre

Les deux verres de r´ef´erence ont ´et´e alt´er´es dans de l’eau distill´ee. Il s’agit d’eau ultra-purifi´ee, dont le pH est de 7.0 avant que ne commence l’alt´eration. La com- paraison entre verres alt´er´es en solution tamponn´ee et en pH libre montre que les ´el´ements sont dissous en proportion deux fois sup´erieures lorsque le pH peut libre- ment varier (tableau 3.1). Le verre 64/18/18 qui n’´etait alt´er´e qu’`a 31 % en pH tamponn´e devient presque alt´er´e `a cœur en pH libre.

En r´ealit´e, l’augmentation importante du degr´e d’alt´eration de ces verres s’ex- plique par la d´erive du pH et l’augmentation de la concentration `a saturation de silicium dissous. Il est connu que la solubilit´e de la silice est constante jusqu’`a pH

8.5 puis augmente au del`a (fig. 1.6). La concentration en silicium dissous augmente exponentiellement une fois que le pH a franchi la valeur seuil de 9.0. Les donn´ees pr´esent´ees ici s’accordent avec cette pr´ediction, ce qui est normal, puisque le gel d’alt´eration en ´equilibre avec l’eau n’est rien d’autre autre que de la silice hydrat´ee, comme on le constatera plus tard (cf. 3.2.1). L’augmentation importante de la solu- bilit´e du silicium s’accompagne d’une poursuite de l’extraction des ´el´ements solubles.

verre solution cSi (mg/L) LFSi LFB LFN a pH final

70/15/15 TRIS 110 13 16 18 8.6 pH libre 221 27 34 35 9.24 64/18/18 TRIS 135 15 31 32 8.6

pH libre 312 39 84 82 9.51 Tab.3.1 – Mesures en fin d’alt´eration `a 1 cm−1

pour les verres 70/15/15 et 64/18/18 mis dans de l’eau distill´ee et comparaison avec les r´esultats obtenus en solution tamponn´ee `a pH 8.5.

On ne peut pas relier directement le pH final `a la concentration en sodium dissous. En effet, l’existence de nombreux ´equilibres acido-basiques et autres po- lym´erisations de l’acide silicique en solution contribuent `a tamponner plus ou moins efficacement le pH et compliquent la pr´ediction du pH final.

Alt´eration dans des solutions tamponn´ees `a diff´erents pH

Les pH explor´es ´echantillonnent l’intervalle 7.0–10.0 de 0.5 en 0.5. Les solutions d’alt´eration utilisent le TRIS comme agent tamponnant avec des proportions va- riables d’HCl pour ajuster le pH, `a l’exception de la solution la plus basique pour laquelle c’est K2CO3 qui joue le rˆole de tampon (HCl reste l’agent acidifiant). La

quantification des diff´erents r´eactifs n´ecessaires `a l’obtention des solutions est ta- bul´ee dans la litt´erature [R. C. Weast, 1968].

La figure 3.4 montre que l’alt´eration du verre n’est pas tr`es sensible au pH tant qu’il est inf´erieur `a 9.0. En revanche, au del`a de cette valeur, le verre s’alt`ere bien plus facilement. `A pH 10.0, le verre est int´egralement dissous (les grains de verre ont compl`etement « fondu » dans la solution). L’´evolution de la concen- tration en silicium croˆıt exponentiellement avec le pH, ce qui est en accord avec la litt´erature [Iler, 1979]. Si l’on s’int´eresse `a l’´epaisseur du gel, avec la quantit´e LF (B)∞

− LF (Si)∞

, on remarque qu’elle est globalement constante entre pH 7.0 `a pH 9.0 (`a la pr´ecision de nos mesures), puis augmente rapidement ensuite. `A pH 10.0, l’´epaisseur de gel est ´evidemment nulle, puisque tout le verre a ´et´e dissout.

`

A tous les pH explor´es, le bore et le sodium sont extraits de mani`ere congruente. On peut donc consid´erer que la contribution du m´ecanisme d’interdiffusion est faible, mˆeme aux pH les plus bas de l’alt´eration. C’est `a l’augmentation de la solubilit´e de Si avec le pH qu’est enti`erement imputable cet effet. Il est cependant rassurant de remarquer que jusqu’`a pH 9.0, le verre n’est pas ou peu sensible aux variations du pH : une faible d´erive du pH autour de 8.5 n’est pas cruciale sur le r´esultat final de l’alt´eration. Enfin, nous remarquons que l’alt´eration en pH libre s’inscrit parfaitement sur la courbe des variations des fractions lixivi´ees en fonction du pH

Verres `a trois oxydes ´equimolaires en bore et sodium 0 20 40 60 80 100 120 6.5 7 7.5 8 8.5 9 9.5 10 10.5 fr a c ti o n l ix iv e f in a le ( % ) pH B, Na Si

Fig.3.4 – Variation des fractions lixivi´ees en Si (°), B (¤) et Na (♦) obtenues pour le verre 64/18/18 alt´er´e `a 1 cm−1 dans des solutions tamponn´ees de pH variable.

Les symboles pleins renvoient aux r´esultats de l’alt´eration en pH libre (cf. tab. 3.1).

tamponn´e : lorsque le pH varie librement, c’est sa valeur finale qui impose le degr´e d’alt´eration du verre.

On conclut de cette ´etude sur l’effet du pH de la solution lixiviante que le degr´e d’alt´eration du verre est impos´e par le pH final. Comme le pH a surtout un effet sur la chimie du silicium, on peut envisager deux cas de figure pour mod´eliser les ph´enom`enes d’alt´eration en pH variable. On peut avoir soit une augmentation de la vitesse de dissolution du silicium soit une diminution de la vitesse de recondensation du silicium `a la surface du verre. Ces deux hypoth`eses permettent l’une et l’autre d’expliquer l’augmentation de la concentration `a saturation en silicium dissous. Par suite, on peut expliquer aux pH inf´erieurs `a 9.0 que l’´epaisseur de gel est peu sensible `a l’augmentation du pH, car on compense la l´eg`ere augmentation de la vitesse de dissolution de la silice par une augmentation de la vitesse de recondensation : la densification du gel est suffisamment efficace pour obtenir finalement une ´epaisseur de gel constante. Au del`a de pH 9.0, la recondensation perd en efficacit´e devant l’augmentation de la vitesse de dissolution du silicium et l’on consomme plus de verre pour atteindre la saturation du silicium dissous : l’´epaisseur de gel croˆıt. La mod´elisation de cet effet de pH par les vitesses de dissolution et de recondensation du silicium valide qualitativement cette interpr´etation (cf. section 7.2.2).

En outre, il serait utile de disposer d’informations sur la densit´e de la couche de gel, et plus pr´ecis´ement de la zone de la fermeture de la porosit´e (localisation dans le gel et ´epaisseur). En effet, selon la configuration du gel, on peut imaginer plusieurs

cas de figure dans le cas o`u un verre pr´e-alt´er´e devrait faire face `a une modification de la chimie de la solution. Par exemple, la pr´ecipitation de phases secondaires peut en- traˆıner une d´erive du pH ou une modification de la concentration en silicium dissous et donc une reprise de l’alt´eration ([Ribet and Gin, 2004]). On s’attend `a ce qu’une couche ´epaisse de gel densifi´e r´esiste mieux `a l’augmentation du pH qu’une couche dense mince. Si la zone dense se situe plutˆot `a la surface du gel, l’interface gel-eau est peu d´evelopp´ee et l’on s’attend `a une r´eactivit´e limit´ee du gel, ´etant donn´e que les flux d’hydrolyse et de recondensation sont proportionnels l’extension de l’interface eau–gel (cf. ch. 6). `A l’inverse, une fermeture de porosit´e situ´ee en profondeur du gel, contribue `a augmenter la r´eactivit´e du gel. Cette question importante quant au caract`ere « protecteur » du gel sera abord´ee dans la section 3.3.