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L'altérité n'est pas relayée par une opposition intersubjective

NOTES DU CHAPITRE

5.3. p' correspond à une autre occurrence pj de P

5.3.2. L'altérité n'est pas relayée par une opposition intersubjective

Les exemples qui nous intéressent ici se distinguent par une structure syntaxique rigide du type: "Ce n'est pas X mais bien Y qui..." comme dans l'exemple (4):

(4) Ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui s'est abattu sur la Guadeloupe.

On dit qu'il s'agit (p) d'"un cyclone" et pas d'autre chose en l'occurrence p': "un orage". On note la différence annoncée d'avec les exemples du § 5.2. La valeur p' fait l'objet d'une négation (ce n'est pas X) et on peut dire que le locuteur ne s'attendait pas à l'actualisation de pi, ce qu'il est contraint de confirmer.

Le caractère "fabriqué" de l'exemple n'a rien à voir avec cela. On retrouve l'idée de surprise dans le suivant qui ne souffre certainement pas du même handicap.

5.3.2.1. "La Puertadel Sol n'est pas une porte..."

La "Puertadel Sol" n'est pas une porte, comme on pourrait se l'imaginer mais bien une façade d'église. (Th. Gautier, VoyageenEspagne, cité par M. Grevisse, éd de 1975, p924, §870)

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on n'avait pas de raisons de s'y attendre, au contraire on s'attendait à une autre valeur (p') sur laquelle porte la négation. C'est très clairement ce que dit Th. Gautier que l'on pourrait gloser: "on s'imagine normalement que la "Puertadel Sol" est une porte (p' valeur attendue) comme son nom l'indique mais en réalité ce n'est pas une porte. Mais quelle est la raison de ce changement?

A. p est construit a posteriori

Les deux termes X et Y appartiennent à la même classe d'occurrences. On trouvera toujours une relation notionnelle entre les deux termes. Dans le (4) l'"orage" et le "cyclone" sont des occurrences de 'ce qui est possible en météorologie' et dans le suivant, la "porte" et la "façade" sont des occurrences de 'ce qu'on peut trouver à l'avant d'un bâtiment'. Mais cette classe d'occurrences n'existe pas a priori, on s'attend à p' et ce qui est actualisé pi ne vérifie pas p'. C'est donc rétrospectivement qu'on est amené à revenir à ce qui était validable (soit p,p') la classe d'occurrences qui vérifie la propriété P. Ces exemples vérifient donc le critère 3 ("Le terme de référence est construit a posteriori").

So s'attendait à p' et non à p. Du coup So ne saurait confirmer p sans nier (ce qu'il fait d'ailleurs nécessairement) le choix préalable de p'. Comment peut-on décrire la construction de p'?

172 B. La construction de p'

Dans l'exemple de "La Puertadel sol", Th. Gautier fait remarquer que "ce n'est pas une porte commeonpourraitsel'imaginer...". Il s'agit bien d'une première construction mais qui n'est rapportable ni à So ni à So'. Il s'agit d'une construction d'origine contextuelle qui échappe au champ intersubjectif et que pourtant So tenait pour incontestable. Nous nommerons, à la suite de S. De Vogüé (1985, p274) cette forme de construction une "pré-assertion" qu'elle décrit de la manière suivante: "sauf cas particulier où p est en fait la reprise d'une assertion préalable, (on peut) admettre qu'un valideur puisse avoir pour référent la simple réalité. (...) Il n'est du coup pas du tout inconcevable qu'un valideur soit construit qui serve de garant de ce que l'on appelle la réalité; (...)". On vérifiera aussi, dans l'exemple suivant, le statut assertif particulier de p':

Morale de cette histoire: les Allemands ont retrouvé des héros auxquels ils peuvent s'identifier. Ce ne sont pas les détenus des camps de la mort mais bien les soldats de la Wehrmacht, toutes unités confondues, qui ont opposé une résistance héroïque à la terrifiante marée de l'Armée rouge. (F. Schlosser, "Hitler en appel" in LeNouvelObservateur, n°1153 du 12/12/86 p81)

Il ne serait pas incongru d'ajouter après "les détenus des camps de la mort" la remarque de Th. Gautier "comme on pourrait se l'imaginer", la suite ayant un caractère clairement paradoxal.

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Reprenons les différentes étapes de la mise en place de la valeur. p' fait l'objet d'une pré-assertion, p est actualisé à travers une occurrence situationnelle pi. So est amené de ce fait à se placer en hors(p,p'), situation à partir de laquelle il est à même de calculer le rapport de pi aux valeurs p,p'. L'identification qui suit le parcours des valeurs p,p' prend toujours le caractère d'une évidence ou d'un état de fait que So n'a pas besoin de justifier. Le "confirmatif.t" est une valeur de constat.

On peut revenir à des exemples de "confirmatif" en modifiant le statut énonciatif de p et p'.

5.3.2.2. Le passage au "confirmatif"

Nous allons le voir sur les exemples précédents:

(4a) Tu n'avais pas tort, pourtant ce n'est pas un orage mais bien un cyclone qui s'est abattu sur nous.

Avec le marqueur concessif au début de l'énoncé p' ne peut plus apparaître comme incontestable pour So, c'est au contraire p qui apparaît comme la bonne valeur du point de vue de l'énonciateur. Une modification de ce type est possible sur les deux autres exemples:

174 bien une façade d'église.

Tu n'avais pas tort: les Allemands ont retrouvé des héros auxquels ils peuvent s'identifier. Mais il ne s'agit pas des détenus des camps de la mort; ce sont bien les soldats de la Wehrmacht, toutes unités confondues, qui ont opposé une résistance héroïque à la terrifiante marée de l'Armée rouge.

On constate, comme nous l'avions déjà vu pour les valeurs de valuation, que l'opposition "subjectif" vs "temporel" permet de clarifier à peu de frais le passage d'une valeur à une autre. Nous conclurons donc sur ces exemples comme pour ceux qui ont précédé.

En résumé

La valeur de "confirmatif.t" est une valeur de "validation" qui se caractérise par la primauté de la construction temporelle sur la construction du terme de référence. On la définira à partir des deux critères suivants:

C.3. Le terme de référence est construit a posteriori. C.4. L'altérité est de type I/E.

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NOTES DU CHAPITRE V

(1): La classification des adverbes par M. Grevisse (éd de 1975) repose sur des critères sémantiques, "adverbes de manière (p876), de quantité (p883), de temps (p911), de lieu (p919), d'affirmation (p922), de négation (p926), de doute (p953)". Si on accepte cette classification, et après tout pourquoi pas, on ne comprend pas pourquoi bien apparaît seulement comme "adverbe de manière" (p875 et p876), "adverbe d'opinion" (p875), "adverbe de quantité ou d'intensité" (p875, p883 et p890), "adverbe d'affirmation" (p922), mais n'apparaît pas comme "adverbe de négation" ou "adverbe de doute" pour un emploi comme "Ah, c'est bien le moment!".

(2): Les dictionnaires donnent un autre exemple à valeur "ironique", il s'agit de "C'est bien fait (pour toi)!". La portée pragmatique de cet énoncé tient, à notre avis, au fait qu'il s'agit tout à la fois d'un "confirmatif".t" et d'un "confirmatif" (ordinaire). Nous ne connaissons pas d'autre exemple autorisant cette ambiguïté.

L'emploi de cette expression signifie: "Ce qui devait t'arriver et auquel tu ne t'attendais pas vient de se produire". Il faut considérer deux points:

-d'une part, il s'agit d'une construction temporelle, "ce qui vient de se produire" (pi) n'était pas prévu, surtout si on se place du point de vue de So'.

-d'autre part, le mouvement rétrospectif qui va de pi à la construction de p,p' débouche sur le rappel d'une première localisation de p à travers une relation avec ce que So considère comme une faute justifiant "ce qui devait se produire". L'occurrence pi est donc identifiable avec ce qu'on peut considérer comme une valeur préconstruite, du moins d'un point de vue que So pose comme "objectif": "ce qui devait t'arriver...". (3): So' construit ce que J-J Franckel (1986, p53) appelle une relation "anti-téléonomique". A propos d'un exemple comme "Il a réussi à me casser toute ma vaisselle" il écrit: "Dans le cas où la "réussite" sanctionne une mauvaise valeur, le validable est construit retrospectivement , à partir de I validé. (..) On a bienconformitéentreconstruction de I validable et I localisé, mais cette conformité n'est pas liée à une intentionnalité du fait qu'elle ne renvoie pas à une "bonne valeur". Le validable se construit rétrospectivement, à partir de P validé, et non prospectivement. Il relève d'une intention maligne (de la part du sujet de l'énoncé), de l'ironie (de la part du sujet énonciateur), de la fatalité. Dans ce type de cas, il y a une

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distorsion entre ce qui est construit sur le plan de t et ce qui correspond à une bonne valeur pour So (pour nous ici So'). Cette distorsion fonde ce que l'on pourrait appeler une anti- téléonomie".

(4): E. Benveniste (1966, T1, p244) écrit à propos du passé- composé (valeur d'accompli): "Le parfait établit un lien vivant entre l'événement passé et le présent où son évocation trouve place. C'est le temps de celui qui relate les faits en témoin, en participant; c'est donc aussi le temps que choisira quiconque veut faire retentir jusqu'à nous l'événement rapporté et le rattacher à notre présent. Comme le présent, le parfait appartient au système linguistique du discours, car le repère temporel du parfait est le moment du discours, alors que le repère temporel de l'aoriste est le moment de l'événement (c'est nous qui soulignons)". Du fait de ce repérage à Sito, le parfait (valeur d'accompli du passé-composé) sera plus adapté au "confirmatif.t" que l'aoriste.

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CHAPITRE VI

LA "PROPHETIE" ET LA "SOLLICITATION"

6.1. Identification des valeurs

Les valeurs de "prophétie" et de "sollicitation" correspondent aux emplois de bien dans des énoncés comme:

(1) Ne t'en fais pas, il partira bien un jour. (2) Vous entrerez bien cinq minutes!

La valeur de "prophétie" s'accompagne toujours de l'idée de certitude tandis que la "sollicitation" s'interprète généralement comme une "invite pressante" pour reprendre les termes d'A. Culioli (1978) (1). Nous essaierons de montrer pourquoi. Mais voyons d'abord si l'on peut trouver quelque soutien dans la lecture de nos ouvrages de référence.

6.1.1. Critères sémantiques

Les dictionnaires ne nous aideront pas beaucoup. P. Dupré (1972), J. Girodet (1986), E. Littré (éd de 1963) et P. Robert (1966) ne donnent aucun exemple de ces valeurs. Le Dictionnaire

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de l'Académie (éd de 1877) donne un exemple de "prophétie": "Nous verrons bien" avec le même commentaire que celui qui accompagne les exemples de "confirmatif": "bien s'emploie souvent par redondance pour donner plus de force à ce qu'on dit. Le commentaire est peu convaincant: d'une part bien n'est pas vraiment redondant dans "Nous verrons bien" et d'autre part la présence de bien ne nous semble pas "donner plus de force" à l'énoncé, au contraire; sans bien, "Nous verrons" est nettement plus assertif.

L'absence de ces deux valeurs qui s'inscrivent toujours dans des contextes dialogiques et donc dans l'ordre oral s'explique, encore une fois, par les critères retenus pour la sélection des exemples, dans les dictionnaires classiques.

6.1.2. Critères grammaticaux

R.L. Wagner et J. Pinchon (1962), J-C Chevalier et alii (1964) et M. Grevisse (éd de 1975) ne donnent aucun exemple de ces deux valeurs. S'agit-il d'un oubli? Il est probable que non. Grammaticalement, bien est un "adverbe d'opinion" (ou "d'affirmation") comme dans un "confirmatif". La "sollicitation" et la "prophétie" ne seraient-elles que des variantes notionnelles du "confirmatif"? Non. On peut passer d'une valeur à l'autre dans le même environnement syntaxique et notionnel. A partir de l'exemple: "Tu partiras bien cinq minutes", il est possible d'obtenir:

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-une "sollicitation": "Tu partiras bien cinq minutes, j'ai besoin de lui parler."

-une "prophétie": "Je n'ai pas en m'en faire, à un moment ou à un autre, tu partiras bien cinq minu-

tes, et alors là..."

-une "confirmation": "Tout est arrangé, tu partiras bien cinq minutes".

Pour l'expliquer, on évoquera nécessairement des variations contextuelles. Il ne nous reste plus qu'à les définir, c'est finalement l'objet de ce chapitre.

6.1.3. Critères syntaxiques

On peut avoir un "confirmatif" au passé mais ni la "sollicitation" ni la "prophétie". Qu'est-ce donc qui est caractéristique du futur et qui est "exploité" dans ces deux valeurs? On peut dire qu'avec le futur on quitte le domaine du factuel. Avec le futur, nous sommes maintenant dans le domaine du validable (sur le "validable" voir § 6.3.). De quoi s'agit-il?

6.1.3.1. Le futur implique une visée à partir de Sito

Une fois encore nous nous appuierons sur une caractérisation d'A. Culioli (1978, p310); il écrit: le futur "implique une visée. On entend par là que du repère énonciatif, Sito, on vise une relation prédicative non encore validée <r>. (...) dire que

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l'on vise <r> signifie que l'énonciateur distingue une des valeurs de (p,p'), p pour fixer les idées (...). Nous noterons la visée (p/p'), où la barre oblique marque que la visée de p dans (p/p') n'entraîne pas nécessairement la réalisation de p. On est donc d'un point de vue modal, dans le non-certain puisque le certain se caractérise par une probabilité 1: il s'ensuit que, seuls le révolu ou l'actuel sont du certain".

La "visée" doit être comprise essentiellement comme une opération de construction. La visée est ce qui fait "exister" p sans que pour autant p soit validé. A. Culioli précise: "Le futur est un aoristique. De façon schématique cela signifie qu'il y a rupture entre l'énonciation de la visée (en Sito) et sa validation visée par le biais de l'énoncé (idem, p310)". Nous définirons le validable comme un plan (ici construit par la visée) dans lequel p ET p' peuvent coexister en un même point. On voit l'intérêt de cette propriété pour la "prophétie" et la "sollicitation". Je peux toujours "prophétiser" la validation future de p, sans pour autant prendre l'énoncé en charge (l'asserter) puisque d'un autre côté p' reste validable. Je peux toujours "solliciter" mon interlocuteur sans qu'il s'agisse d'une injonction puisque j'envisage un refus de sa part comme possible (dans une injonction à l'impératif, je n'envisage qu'une seule attitude de la part de mon interlocuteur).

Le futur serait-il une condition suffisante? Malheureusement non. Les exemples suivants ne sont guère acceptables, ils sont

181 pourtant au futur:

* Je serai bien Chateaubriand ou rien. (la version d'origine de ce "mot" est attribuée à V. Hugo)

? Je vous demanderai bien une grande attention.

La visée est une opération de construction qui consiste à poser p privilégié par rapport à p', mais rien de plus. Le "privilège" est variable, et selon les contextes, le rapport de p à p' ne sera pas le même. C'est ce que nous allons voir en essayant de déterminer le type de relation qui est associé aux valeurs de "prophétie" et de "sollicitation".

6.1.3.2. Le type de relation au futur

Selon J-J. Franckel (1981a, p114) (2), "le futur correspond à une relation de type entre autresconstruit: le futur introduit intrinsèquement et de façon synthétique la construction du domaine de la sélection p,p'." C'est vrai a priori, mais il est possible de passer, au futur, à d'autres types de relation incompatibles avec bien. Pour définir ces différentes relations nous nous appuierons sur les travaux de D. Paillard (1984) (3).

A. La relation est de type "nécessaire exclusif"

D. Paillard définit une relation de type "nécessaire" comme "renvoyant à une valeur unique" (p134). On peut la spécifier

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comme étant du "nécessaire exclusif" lorsqu'une autre (ou d'autres) valeur a été envisagée et exclue. On trouve ce type de relation dans les exemples suivants:

Je serai Chateaubriand ourien.

Quevousnesoyezpasd'accordn'apasd'importance, je partirai demain.

So': Je crois que Paul devrait plutôt essayer l'Asie... So : Cequetucrois,jem'enmoque, Paul partira pour l'Afrique. NB: on a souligné les termes qui évoquent la prise en compte

et l'exclusion de p'):

On sait que les opérations dont bien est la trace supposent la présence d'au moins deux valeurs. Il n'est donc pas compatible avec le "nécessaire exclusif" qui met en place une seule et unique valeur.

B. La relation est de type "nécessaire faible"

Une relation est de type "nécessaire faible" lorsqu'elle renvoie à une seule valeur simplement parce qu'on n'en a pas envisagé d'autres ou encore parce qu'on a envisagé "de l'autre" mais sans pouvoir le stabiliser comme tel. On peut trouver cette relation dans des exemples comme:

So': Et pour Dupont, chef? So : Dupont mourra.

Et au printemps les hirondelles reviendront et avec elles la fonte des neiges et nous pourrons sortir à nouveau.

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C'est décidé, ils me l'ont dit, je partirai demain. (en contexte de "voyance:) Le matin, vous rencontrerez un homme brun...

Avec le "nécessaire faible" on ne construit explicitement qu'une seule valeur; les énoncés sont peu compatibles avec bien. Ou alors, il faut construire contextuellement la prise en compte de p' comme nous allons le voir avec des exemples de type "entre autres".

C. La relation est de type "entre autres"

So': Et pour Dupont, chef, ça va durer longtemps? So : Dupont mourra un jour.

Ne t'inquiète pas, au printemps les hirondelles reviendront et avec elles la fonte des neiges et nous pourrons sortir à nouveau.

C'est décidé, ils me l'ont dit, contrairement à ce que tu disais, je partirai demain.

(contexte: agence matrimoniale:) Ecoutez, nous n'avons pas de blond, mais vous rencontrerez un homme brun...

La prise en compte de p' qui est à l'origine de l'"entre autres" a rendu tous ces exemples acceptables (4). Le futur construit a priori de l'"entre-autres"; on ne sera donc pas surpris de voir que la "sollicitation" de même que la "prophétie" apparaissent au futur. Encore que ce soit de manières différentes c'est ce que nous allons montrer.

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6.2. Caractérisation des valeurs

Le futur implique une visée à partir de Sito. La visée signifie que sur le domaine p,p' on privilégie une valeur p, l'autre valeur p' restant validable. On nommera valideur ce qui nous fait passer de p,p' à p. L'insertion de bien dans un énoncé au futur permet d'envisager la validation de p de deux manières différentes: 1) à partir d'un valideur temporel (T), comme dans l'exemple: "Il arrivera bien un jour", 2) à partir d'un valideur subjectif (S), comme dans l'exemple: "Tu prendras bien quelque chose?". Ces deux formes de validation donnent lieu aux deux valeurs que nous étudions ici: la "sollicitation" (pôle S) et la "prophétie" (pôle T).

6.2.1. La "prophétie"

Ne t'en fais pas, il mangera un jour.

Ne t'en fais pas, il mangera bien un jour.

Le passage du premier énoncé au deuxième dans lequel le futur se combine avec bien se marque sur le plan sémantique par l'apparition d'une connotation particulière: l'évidence de la validation à venir. Cette connotation est liée à la caractéristique "temporelle" de la "prophétie".

La valeur de "prophétie" apparaît dans des contextes où So' attendait p <lui / manger> et où de son point de vue pour une

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occurrence pi de P on se trouve en hors(p,p'). On en trouve la trace (p attendu et non validé) dans les amorces des exemples comme "Ne t'en fais pas...", "Ne t'inquiète pas..." etc... A partir de là, So reconstruit le domaine du validable pour pi. Et il montre que si on prend comme valideur un instant ti (sans autre propriété que d'appartenir à la classe des t) pi ne se ramène pas à p' mais à p .

Notre raisonnement tend à montrer que la "prophétie" est une "valeur temporelle". Comment cela? Nous avons montré qu'en Sito p n'était pas validé. Nous sommes en hors(p,p'), mais So peut fort bien affirmer qu'il existe toujours un t de validation qui nous fera passer de p,p' à p. Il suffit d'attendre assez longtemps ou, plus linguistiquement, il suffit de dire que cet instant est dans une relation de rupture par rapport à Sito. Notre raisonnement n'est fondé que si cet instant est non spécifié (voir § 6.2.1.2).

6.2.1.1. ti est la seule différence entre p' et p

L'occurrence de P validée (telle qu'elle est construite par la "prophétie") ne saurait avoir d'autre singularité que celle de son existence (par rapport à d'autres occurrences de p validé). A l'appui de cette affirmation on notera que si on introduit des déterminations sur le procès, dans une "prophétie", il faut que ces déterminations apparaissent comme le maintien des propriétés présentes en Sito plutôt que comme des spécifications de l'occurrence à venir:

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(a)+ Laisse-le, il s'habillera bien tout seul (sans l'aide que tu veux lui apporter).

(b)? Laisse-le, il s'habillera bien avec son frère (sans l'aide que tu veux lui apporter).

Si on accepte (b) comme une "prophétie" (pour nous (a) est relativement meilleur que (b)), il faut considérer que "son