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2.5 - Diagnostic différentiel

3.2. Les allergènes en cause dans les allergies cosmétiques 1. Allergènes contenus dans les parfums

3.2.2. Allergènes contenus dans les conservateurs

Du fait de leur action antimicrobienne et antifongique, on retrouve les conservateurs dans de nombreux produits. L’Euxyl K400 et le Kathon sont plus souvent en cause que le formol et les libérateurs de formol (quaternium 15, imidazolidinyl orée, diazolidinyl urée, bronopol, DMDM hydantoïne), moins utilisés. Les parabens et autres conservateurs (chloracétamide, chlorhexidine, chlorure de benzalkonium, triclosan, acide sorbique et alcool benzylique) sont moins sensibilisants [71].

L'Euxyl K 400

L’Euxyl K 400 est un conservateur composé de 80 % de phénoxyéthanol et de 20 % de dibromoglutaronitrile. Les cas de sensibilisation sont le plus souvent dus à ce dernier ingrédient, également connu sous le nom de dibromocyanobutane [84]. Il est utilisé comme anti-bactérien, anti-levurique et anti-moisissures [72].

On le retrouve fréquemment dans les crèmes de soins, les laits, les shampooings, les gels, et les mousses de bain, mais également dans certains produits solaires.

Il est souvent à l'origine d'eczémas très aigus au niveau du visage. Il est important de ne pas l'appliquer sur une peau lésée, au risque d'induire de graves réactions allergiques. Ce produit est d'autant plus allergisant qu'il contient un mélange de substances, ce qui multiplie le risque.

La méthyl(chloro)isothiazolinone (MIT ou KATHON CG® (cosmetic grade))

Elle est utilisée comme conservateur anti-bactérien, anti-levurique et anti-moisissure.

Le Kathon CG a été utilisé dans les cosmétiques : produits capillaires (shampooings, gels et lotions), produits pour le bain, crèmes et lotions corporelles, tensioactifs, crèmes barrières de protection cutanée, serviettes humidifiées. On la retrouve de manière très fréquente dans des rouges à lèvres.

A la suite de nombreuses sensibilisations dans les années 1990, son emploi a été limité.

Elle peut être employée à la concentration maximale de 15 ppm dans les produits destinés à être rincés, de 7,5 ppm dans les produits non rincés [95].

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Les principaux symptômes qui lui sont imputés sont des prurits du cuir chevelu, lorsqu'elle est contenue dans des shampooings par exemple, des érythèmes eczématiformes du visage (Figure 49), du cou, des mains, lorsqu'elle fait partie des crèmes.

Les lésions peuvent se limiter aux paupières, ou s’étendre à tout le visage avec un aspect œdémateux, suintant. L’aspect clinique peut être trompeur, simulant une maladiesystémique comme un lupus ou une dermatomyosite. Au niveau des mains, les lésions peuvent être sèches, fissurées, squameuses [84].

Figure 49 : Eczéma du visage lié au méthylchloro-isothiazolinone présent dans un démaquillant [94].

es parabens

Ces conservateurs sont des esters de l’acide parahydroxybenzoïque (ou parahydroxybenzoates), utilisés depuis les années 1920 grâce à leur spectre d’activité large, bactéricide et fongicide.

Ils entrent dans la formulation des cosmétiques, mais aussi des aliments, des médicaments. Dans cette famille, les dérivés plus courants et les seuls autorisés dans les produits cosmétiques sont le méthyl, l’éthyl, le propyl, l’isopropyl et le butyl-paraben. En fonction de

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la longueur de la chaîne carbonée présente sur l’ester, des différences de propriétés seront observées. Ainsi, les dérivés à chaine courte tels que le méthyl et l’éthyl présentent moins d’inconvénients.

La crainte principale étant leur probable activité oestrogénique, celle-ci doit avant tout se comparer à la molécule de référence qui est l’estradiol.

L’activité oestrogénique, de type perturbateur endocrinien, correspond à une activation des récepteurs aux hormones oestrogènes.

L’affinité pour ces récepteurs est évaluée 1000 à 1 million de fois inférieure à celle du

17β –oestradiol, mais aussi 10 à 100 fois moins élevée que celle des phyto-oestrogènes du soja. L’effet oestrogénique s’accroît avec la longueur de la chaine alkyl.

D’après ces résultats, l’emploi du méthyl et de l’éthyl paraben sont préférables de par leur plus faible pouvoir oestrogénique. De plus, leur absorption cutanée est aussi inférieure.

La Commission Européenne a alors limité la teneur de ces substances à 0,4% pour un ester et de 0,8% pour un mélange de ces esters. En réalité, même à ces concentrations limites, la dose obtenue est plus de 100 fois plus petite que la NOAEL ou dose sans effet néfaste.

C’est pourquoi l’ANSM a estimé que l’utilisation du méthyl et l’éthylparaben est à privilégier et qu’ils sont sans risque aux doses autorisées ; quant aux propyl et au butylparaben, des études complémentaires sont en cours mais leur utilisation ne nécessite pas une réduction des doses au vu des résultats actuels.

Malgré un pouvoir irritant et une allergénicité faible, les parabens sont inscrits sur la liste des « excipients à effet notoire ». L’allergie aux parabens est assez connue et classique.

Cependant, une de leurs particularités est dénommée le « Paraben Paradox ». En effet, chez des personnes dont l’allergie aux parabens a été identifiée, l’application de cosmétiques contenant ces molécules est tolérée lorsque la peau est saine. Par contre, une peau lésée ou atopique sera plus réactive aux parabens mais aussi à d’autres allergènes de contact ; mais, dans ce cas l’hypothèse de la perte de la fonction de barrière de la peau peut expliquer cette sensibilité accrue [96].

106 • Le formaldéhyde ou formol

Le formol est un allergène ubiquitaire utilisé dans de nombreux domaines : industrie, produits d’hygiène, médicaments, cirages, etc.

Il est de moins en moins utilisé en cosmétologie en raison de son pouvoir irritant et sensibilisant. Il est présent dans les produits d’hygiène rinçables : shampooings, savons [97]. Le formol est présent à faible concentration dans ces produits. Il provoque peu de réactions d’intolérance car la durée de contact avec la peau est faible en raison du rinçage. Il est aussi utilisé dans les durcisseurs d’ongles où il reste en place et peut être à l'origine de périonyxis et parfois onycholyse.

L’ANSM a exigé le retrait du marché des produits capillaires ne respectant pas les limites autorisées. Par conséquent, le formaldéhyde est peu à peu substitué par la classe des libérateurs de formol car ces derniers, plus maniables, exposent à un potentiel allergisant moindre.

La concentration de formaldéhyde est formellement limitée à 0,2% dans tout produit mis sur le marché selon la directive 76/768/CEE. Cette concentration limite est diminuée à 0,1% pour les produits à destination bucco-dentaire. Les durcisseurs d’ongles peuvent quant à eux renfermer jusqu’à 5% de formaldéhyde.

De plus, lorsqu’un produit dépasse 0,05% de formaldéhyde, l’étiquetage doit indiquer la présence de celui-ci.

En outre, le formaldéhyde présente un potentiel allergisant certain. Il fait d’ailleurs partie de la batterie standard des substances employées pour tester les allergies cutanées dans les services d’allergologie par le biais de prick-test et patch-test. En cas d’allergie avérée au formaldéhyde, une méthode restrictive mais sécuritaire consiste à bannir totalement l’usage de cosmétiques contenant ce dernier et les libérateurs de formol [98, 99].

Les libérateurs de formol

-Le Quaternium 15 (Dowicil 200®) est un ammonium quaternaire ayant des propriétés bactéricides et antifongiques, dans une moindre mesure. On le rencontre très souvent en cosmétologie dans les shampooings, lotions, crèmes et colorants capillaires.

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-On rencontre également l'imidazolidinyl Urée (Germall 115®) souvent associé aux parabens dans certaines lotions hydratantes, des fards à paupières ou des gels capillaires. -Le diazolidinyl Urée (Germall II®) a un pouvoir allergénique supérieur à celui du Germall 115®, de structure pourtant proche.

-Le Bronopol (2-bromo-2-nitropropane-1,3-diol) est essentiellement bactéricide. Il n'est jamais employé seul. On le retrouve toujours associé à d'autres conservateurs dans les fonds de teint, les produits de maquillage et les produits capillaires. Il est utilisé dans les laits de toilette, les crayons pour les cils et les sourcils, à des concentrations inférieures à 0,1 %.

Il peut induire des réactions s’il se trouve en présence d’amines ou d’amides, et former des nitrosamines ou nitrosamides. De plus, à haute température, il se transforme en formaldéhyde.

-Le DMDM hydantoïne est un libérateur de formaldéhyde utilisé dans les cosmétiques à la concentration de 1 %. Les solutions aqueuses de DMDM hydantoïne contiennent assez de formaldéhyde pour provoquer des réactions positives sur les patchs tests réalisés chez des sujets allergiques au formol [100].

Le DMDM hydantoïne dans les cosmétiques pourrait accroître le risque de dermites dues aux cosmétiques chez les sujets allergiques au formaldéhyde.

Figure 50: Eczéma de contact allergique au Quaternium 15, ammonium quaternaire présent dans les shampooings (photo © Dr Crépy MN APHP) [94].

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La chlorhexidine est utilisée à la concentration maximale de 0,1 %. Elle provoque

plus particulièrement des dermatites d'irritation. Cependant, des réactions allergiques sont possibles sous forme d’eczéma, d’urticaires, et même de réactions anaphylactoïdes [100].

L’alcool benzylique a des pouvoirs antiseptiques. Il est utilisé comme conservateur

dans les produits de coiffure et la parfumerie. Les sujets sensibilisés à l’alcool benzylique peuvent avoir une réaction croisée avec le baume du Pérou [100].

Le chlorure de benzalkonium est irritant et peut être sensibilisant. Il doit être testé à

une concentration de 0,1 % dans l’eau [100].

L’acide benzoïque a des propriétés antibactériennes et antifongiques. Dans les

cosmétiques, la concentration maximale autorisée est de 0,5 %. Il semble peu sensibilisant. Il peut donner des réactions croisées avec la vanilline [100].

L’acide sorbique a une bonne activité antifongique et une activité antibactérienne

faible. C’est un conservateur très utilisé dans l’industrie alimentaire. Dans les cosmétiques, la concentration maximale autorisée est de 0,5 %. Il est irritant pour les yeux et pour la peau [100].

Le triclosan ou 2, 4, 4’ trichloro-2’-hydroxyphényl éther est un perturbateur

endocrinien influant sur la thyroïde. Il a une bonne activité contre les bactéries à Gram positif et à Gram négatif, une activité modérée contre les champignons et les levures. Il est utilisé comme antiseptique dans les déodorants, les savons et les produits détergents. La concentration maximale autorisée est de 0,3 % [100].

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Figure 51 : Dermatite de contact allergique au triclosan présent dans la crème de jour. L'importance de l'œdème peut faire porter à tort le diagnostic d'urticaire (Photo©Pr Tennstedt

D U.C.L) [94]. • Le cetrimonium bromide

Allergène reconnu, mais aussi très irritant pour le corps humain, ce conservateur chimique est très couramment utilisé pour conserver des produits nettoyants (eaux micellaires…). Malgré ses effets allergènes et irritants, la législation en vigueur autorise son utilisation en cosmétique jusqu’à une concentration maximale de 0,1 %. • Le phénoxyéthanol

Aussi connu sous le nom de phénoxytol ou EGPhE, le phénoxyéthanol est un conservateur de la famille des éthers de glycol, très répandu dans les produits cosmétique (sauf bio ou 100 % d’origine naturelle). Nocif pour le foie et le sang, il présente également des risques cancérigènes et provoquerait des dysfonctionnements du système hormonal chez l’homme, atténuant la fertilité. Enfin, c’est un allergène reconnu pouvant entraîner de l’eczéma et de l’urticaire chez les personnes intolérantes.

En plus de toutes ces raisons d’éviter le phénoxyéthanol, celui-ci présente de graves dangers chez l’enfant, pour qui le seuil de tolérance est beaucoup moins élevé que chez l’adulte. L’ANSM recommande de limiter sa concentration à 0,4 % dans les produits pour enfants : à l’heure actuelle, la limite réglementaire est de 1 %. Cette recommandation s’accompagne d’un autre conseil, appuyé par l’Agence Sanitaire

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Française : ne pas utiliser de lingettes pour bébé contenant du phénoxyéthanol. La peau des nourrissons étant plus sujette à la pénétration qu’une peau adulte, d’autant plus chez les prématurés. Il est donc vivement déconseillé d’appliquer des produits contenant ce type d’ingrédients notamment sur les parties génitales de l’enfant [101]. Les antioxydants sont introduits dans les cosmétiques et surtout dans les aliments pour éviter le rancissement des acides gras non saturés. Les plus utilisés sont le butylhydroxyanisole (BHA), le butylhydroxytoluène (BHT), le gallate de propyle, le métabisulfite de sodium, l’acide éthylène diaminotétracétique et les tocophérols [100]. • Butylhydroxyanisole (BHA)

Le BHA est un perturbateur hormonal et un allergène puissant. C’est un mélange d’isomères. Il est utilisé dans l’alimentation mais aussi dans les cosmétiques, à la concentration de 0,01 à 0,1 %. Sept cas de sensibilisation au BHA contenu dans les cosmétiques ont été signalés [102]. Il peut être testé à 2 % dans la vaseline.

Butylhydroxytoluène (BHT)

Il a la même utilisation que le BHA. Trois cas de sensibilisation ont été décrits [103]. Il est testé à 2 % dans la vaseline.

Gallates

Ce sont des esters de l’acide gallique. Trois esters de cet acide sont utilisés : le gallate de propyle, le gallate d’octyle et le gallate de dodécyle. Les gallates sont utilisés dans l’industrie alimentaire et les produits cosmétiques. On les retrouve dans les rouges à lèvres ou les baumes à lèvres.

Les tests cutanés peuvent être effectués à une concentration entre 1 et 0,25 % dans la vaseline. Les gallates sont souvent responsables des chéilites dues aux cosmétiques (« Chéilite » signifie « inflammation des lèvres ») [100].

Les chéilites allergiques peuvent se présenter sous une forme aiguë, vésiculeuse, suintante, puis crouteuse. Plus fréquemment, ces chéilites revêtent l’aspect d’une dermatite chronique, sèche, squameuse, fissuraire. Les lèvres peuvent être touchées en totalité. La chéilite est isolée ou associée :

-à un eczéma péribuccal. La dermatite déborde alors largement la demi-muqueuse pour atteindre la peau. Cela est fréquemment observé lors des chéilites de contact à

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des sticks, des rouges à lèvres ou des topiques médicamenteux appliqués sur les lèvres.

-à une stomatite. Dans ce cas, le bilan étiologique s’orientera plutôt vers les dentifrices, les bains de bouches, les antiseptiques buccaux, plus rarement les allergènes alimentaires ou les composants des amalgames et prothèses dentaires ; -à une perlèche uni- ou bilatérale.

L’éventualité d’une dermatite de contact manuportée ne doit pas être oubliée dans l’exploration d’une chéilite allergique. Les résines des vernis à ongles en sont un exemple classique [104].

Figure 52 : Chéilite allergique causée par un cosmétique des lèvres [105]. • Métabisulfite de sodium

C’est un agent réducteur fort, largement utilisé comme antioxydant dans l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, la photographie, etc. Il est de plus en plus utilisé dans l’industrie cosmétique. C’est un antibactérien et un antifongique. La concentration est de 0,01 à

1 %. L’incidence des cas de sensibilisation au métabisulfite dans les cosmétiques est probablement sous-estimée. Cet allergène n’est pas souvent testé. La pertinence des tests positifs est difficile à établir en raison de la large utilisation de ce produit. Le test peut être fait à 1 % dans la vaseline [100].

Éthylène diamine

Elle peut être utilisée dans les crèmes comme stabilisant. L’acide éthylènediaminotétracétique (EDTA) est encore appelé acide édétique, ou acide tétracémique. L’EDTA et ses dérivés ont

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une action antibactérienne et antifongique et potentialisent l’action de certains conservateurs, en particulier les parabènes, l’imidazolidinylurée, le BHA et le BHT [100].

Tocophérols

La vitamine E ou alpha-tocophérol est une vitamine présente dans de nombreux végétaux. Le tocophérol et ses dérivés sont aussi utilisés dans les cosmétiques notamment dans les crèmes, les déodorants et les produits amincissants. Ces dérivés sont : l’acétate de tocophéryl (ester de tocophérol et d’acide acétique), du ninoléate de tocophéryl (ester de tocophérol et d’acide linoléique), et du nocotinate de tocophéryl (ester de tocophérol et d’acide nicotinique). Ils sont responsables de réactions papulopustuleuses.

De Groot et al ont rapporté quatre cas de sensibilisation au tocophérol contenus dans des crèmes et des déodorants [106]. Nous avons vu cinq cas de dermite de contact provoqués par l’utilisation d’une crème amincissante contenant du nicotinate de tocophérol : les lésions s’étendaient sur les zones d’application (les cuisses et les fesses), mais aussi à distance, probablement par transport du produit par les mains [100].