• Aucun résultat trouvé

Les ailes, le vol et les oiseaux

Dans le document Augustin est-il mystique? (Page 182-193)

CHAPITRE QUATRIÈME MYSTIQUE ET LANGAGE

II D E QUELQUES THÈMES ‘MYSTIQUES’

1. Les ailes, le vol et les oiseaux

Selon une croyance archaïque, l’âme humaine était comme un oiseau, un être ailé et aérien; ainsi les mots latins animus et anima sont de même racine que le grec ἄνεµος (vent) et ψυχή, se rattache au verbe ψύχω (souffler).

Ce thème a été largement repris par Platon, qui, dans le Phèdre979chargea ce mythe d’un contenu philosophique et surtout signifia par le vol de l’âme, le progrès vers les intelligibles, la contemplation des intelligibles par l’extase. Pour les néoplatoniciens l’âme par elle-même est « ailée et parfaite » mais elle a chu dans la prison du corps pour avoir perdu ses ailes. Pour Plotin980, la repousse des plumes est liée à l’union de l’âme avec Erôs, il est moins ‘celui qui vole’ que ‘l’Emplumé’ à cause de son pouvoir de faire repousser les plumes.

La métaphore du vol de l’âme allait ouvrir à une longue histoire chrétienne où le langage du Phèdre sera mis en rapport avec les versets de l’Écriture, où il est question de vol ou d’oiseau. Clément d’Alexandrie dans les Stromates, Origène dans le Contre Celse, ont filé la métaphore de l’âme qui fait repousser ses ailes981. Cette âme pure du Cantique des Cantiques

est la colombe, épouse du Verbe. Grégoire de Nysse a fait de l’aile de l’âme l’un des fondements de sa théologie mystique ; Dieu lui-même, à l’image duquel nous sommes fait, dispose d’ailes qui sont sa puissance, sa béatitude, son incorruptibilité. La grâce nous permet de récupérer nos ailes anciennes en poussant des plumes neuves, grâce aux vertus. Telle sont les ailes de la colombe, de l’Esprit Saint. Stabilité et mobilité vont de pair (Vita Myosis II) et constituent, paradoxalement, ce vol spirituel où l’aile de l’âme monte de progrès en progrès vers un au-delà toujours nouveau.

978 Conf. IX, IV, 10-11.

979 Platon, Phèdre, (246a-256e), trad. P. Vicaire, Belles Lettres, Paris, 2002. 980 Plotin, Enn. IV, 8, 1, 36, trad. Bréhier, Belles Lettres, Paris, 2003.

981 Voir S. Poque, Le langage symbolique dans la prédication d’Augustin d’Hippone. Images héroïques, Tome I : Texte. Tome II : Notes, Études Augustiniennes 105, Paris, 1984, p. 334-340. P. Courcelle, « Tradition

néoplatonicienne et tradition chrétienne du vol de l’âme », Annuaire du Collège de France, Imprimerie nationale, Paris,1963, p. 376-388 ; « Doctrine du vol de l’âme chez les Cappadociens, chez saint Augustin et les auteurs latins qui le suivent » (suite), Annuaire du Collège de France, 1964, p. 391-404.

En occident, Ambroise suit Platon de très près, travestissant le mythe en allégories chrétiennes, dans le De fuga saeculi, l’homme est un oiseau du ciel et le vol spirituel, un repos.

Augustin dans le Contra Academicos, présente les études philosophiques comme un nid pour l’âme. Englué par l’appât, les plumes arrachées, enfermé dans sa cage commune à tous et arraché au ciel, Philocalie (amour du beau), assimilé à un oiseau ne peut s’évader. L’homme est assimilé à un oiseau en cage, cage et glu sont l’image de la colle et du treillis du Phédon (82) de Platon. Philosophie (Beauté vraie) vole librement, ainsi en est-il des hommes, il y a ceux qui peuvent s’évader en volant mais le plus grand nombre reste en cage982. Dans les Soliloques, Augustin donne la métaphore de l’oiseau englué dans le sensible, n’apercevant pas même la lumière intelligible :

« Je n’ai qu’un principe à te donner […]. C’est de fuir absolument toutes ces choses sensibles ; c’est de bien prendre garde, tant que nous portons ce corps terrestre, que leur glu ne paralyse nos ailes ; car il les faut intactes et parfaites pour prendre notre essor de ces ténèbres vers cette lumière, qui ne daigne même pas se montrer à ceux qui sont enfermés dans cette prison. »983

Et dans le De Musica il évoque le danger de se lancer en plein ciel avec des ailes encore trop faibles pour soutenir le vol :

« Mais il y a des lecteurs qui, par faiblesse ou inexpérience, ne peuvent s’engager en ces chemins, ni s’en affranchir en les dépassant au vol […] Qu’ils ne se livrent pas à un travail inutile, mais qu’ils se forment des ailes dans le nid de la foi chrétienne […] afin que portés par ces ailes, ils évitent la fatigue et la poussière de cette route, enflammés d’amour pour la patrie elle-même, bien plus que pour les chemins tortueux qui y mènent. »984

Dans le De quantitate animae, il raconte comment il préférait la chasse aux oiseaux aux études et décrit la technique de l’oiseleur avec la glu dans le De magistro (X, 32) ; dans le De moribus, il parle de l’âme aux ailes intactes surmontant par son vol libre, toute torture, ses ailes supportant son amour.

Le cycle platonicien de chute et de remontée est remplacé par le cycle de la chute par le péché et du retour à Dieu par la conversion qui s’ouvre sur la restauration de l’image rendant possible la vision béatifique, les ailes deviennent alors l’image mystique de l’accès à la Béatitude985 et c’est par les ailes de l’amour que l’on obtient l’Amour, Dieu seul peut dégager nos ailes :

982 C. acad. 3,7, BA 4, p. 71. 983 Sol. I, XIV, 24, BA 5/2, p. 75. 984 De mus. 6, I, 1, BA 7, p. 359.

985 Thérèse d’Avila ne retiendra pas cette métaphore car, « pour aller à sa recherche, l’âme n’a pas besoin de

prendre des ailes, elle n’a qu’à se mettre en solitude, à regarder au-dedans d’elle-même et à ne pas s’éloigner d’un hôte si excellent ». Œuvres complètes, op. cit., Chemin de perfection, ch. XXVIII, p. 459.

« Que ceux qui gémissent en cette vie et désirent cette patrie céleste, y courent donc par l’ardeur de leur amour et non des pieds du corps ; qu’ils ne cherchent pas des vaisseaux pour s’y rendre mais des ailes. »986

« On peut voir dans les vents une figure de vos âmes. Mais alors que sont les ailes des vents, ou les ailes des âmes, sinon ce qui les élève vers le ciel ? Les plumes des âmes sont donc les vertus […] toutes ces plumes sont rangées dans deux ailes, parce que deux commandements renferment tous les autres. Celui qui aime Dieu et le prochain a une âme pourvue de ses plumes, ses ailes sont libres, et dans l’élan d’un saint amour elle vole vers le Seigneur. »987

« Il s’est envolé au-dessus des ailes des vents. La promptitude avec laquelle il a montré qu’il est incompréhensible, est supérieure à celle des forces de l’âme qui, telle des ailes, emportent celle-ci loin des craintes terrestres dans les espaces célestes de la liberté. »988

Le diable est présenté par Augustin sous l’image d’un oiseleur qui épie et tend ses appâts, il porte la glu et non des plumes ou des ailes :

« Celui qui est enlacé dans les liens d’amour charnel a de la glu sur les plumes. Si le désir de saisir l’appât l’emporte, il fait entrer votre cou dans le lac et l’oiseleur des âmes se saisit de vous. »989

« Le faux médiateur, bien loin d’entraîner vers les cimes, y fait obstacle en en fermant l’accès avec les passions, d’autant plus dangereuses qu’elles sont plus orgueilleuses, qu’il inspire à ses complices. Impuissantes à soutenir les ailes des vertus, elles n’aboutissent qu’à une noyade sous le poids des vices qu’elles augmentent et l’âme s’abîme d’autant plus bas qu’elle s’imagine avoir atteint plus haut. »990

Augustin use très fréquemment dans ses Sermons de la métaphore du vol de l’âme : pour atteindre Dieu, il faut faire pousser ses ailes avant de chercher à voler :

« Vous êtes encore petit enfant ; attendez patiemment que vous ayez des ailes ; car si vous voulez prendre votre essor avant qu’elles soient développées, au lieu de voler libre dans les airs, vous tomberez victime de votre témérité. »991

Et chacun sait que : « sur des épaules plus libres des ailes poussent » (Conf. VIII, VII, 18, BA 14, p. 45), car l’amour des biens de la terre, la glu des objets terrestres entrave nos ailes spirituelles :

« Ce que vous aimez sur la terre est un empêchement ; c’est une glu pour les ailes spirituelles, c’est-à-dire pour les vertus, sur lesquelles nous nous envolons jusqu’à Dieu. Vous ne voulez pas vous laisser prendre et vous aimez la glu ? En serez-vous moins pris parce qu’on vous prendra doucement ? »992 986 In Ps.149, 5, vol. 15, p. 536. 987 In Ps. 103 (1er), 13, vol. 14, p. 272-273. 988 In Ps. 17, 11, BA 57/B, p. 23. 989 In Ps. 139, 12, vol. 15, p. 316-317. 990 De Trin. IV, XII, 15, BA 15, p. 375-377. 991 Sermo. 117, V, 7, vol. 17, p. 203. 992 Sermo. 311, IV, 4, vol. 19, p. 22.

« L’amour des biens de la terre est une espèce de glu pour les ailes de l’âme. Le désir seul que vous en avez-vous y attache. Qui vous donnera les ailes de la colombe ? (Ps.54, 7). Quand prendrez-vous votre essor vers le séjour du véritable repos ? »993

« C’est là un amour infernal. Il a de la glu pour les attacher ensemble, et les précipiter dans l’abîme ; il n’a pas d’ailes pour les élever vers le ciel. »994

Même ailés, soumis à nos propres forces nous tomberions dans la mer, c’est pourquoi « le serviteur de Dieu dit, lorsque très souvent le désir de solitude s’empare de son esprit » :

« Qui me donnera des ailes ? » Se voit-il sans ailes ou voit-il que ses ailes sont liées ? Si elles lui manquent, qu’elles lui soient données ; si elles sont liées, qu’elles soient déliées. Mais celui qui délie les ailes d’un oiseau lui donne véritablement ou lui rend ses ailes. En effet, elles n’étaient plus comme à lui, puisqu’il ne pouvait voler ; des ailes enchaînées ne sont qu’un fardeau. « Qui me donnera, dit-il, des ailes comme la colombe je m’envolerai et me reposerai » […] La colombe cherche en s’envolant, à fuir ce qui la trouble mais elle ne cesse pas d’aimer. En effet, la colombe est regardée comme le symbole de l’amour, et l’on aime jusqu’à ses gémissements. »995

C’est par les ailes de l’amour que l’on obtient l’Amour, aussi Augustin compare souvent les deux ailes de l’âme à l’amour de Dieu et du prochain, rappelant que la vision de Dieu, le partage de sa Vie, sont en dépendance de l’amour et que par conséquent pour voler vers Dieu il convient d’acquérir les ailes de l’Amour, « notre amour, voilà nos ailes » (In Ps. 103, 13, vol.14, p. 273) :

« L’âme enlacée dans un amour terrestre a comme de la glu sur les ailes, elle ne peut voler. Si au contraire elle se purifie des sordides affections du siècle, ses plumes s’étendent pour ainsi dire et sur deux ailes se débarrassent de tout obstacle ; c’est-à-dire qu’elle prend son vol à l’aide des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Où se dirige-t-elle ? si ce n’est vers Dieu où elle monte en volant, parce qu’elle monte en aimant. »996

« Ainsi est libérée toute âme simple, qui détachée des choses de la terre, ne reste pas étendue sur le sol, les ailes collées par la glu ; mais qui déployant d’éclatantes vertus, s’élance avec joie dans l’air libre sur les deux ailes d’une double charité. »997

« Quelles sont en effet, ces deux ailes ? Sinon les deux préceptes de l’amour qui contiennent toute la loi et les prophètes (Mt. 22, 40). »998

« Je prendrai mes ailes et je m’envolerai en droite ligne et j’irai habiter aux extrémités de la mer (Ps. 138, 9) […] J’aurais recours à mes ailes, non pour prendre une mauvaise direction, mais pour voler en droite ligne […] Quelles ailes vont-ils prendre ? Sinon les deux ailes des deux préceptes de la charité, dans lesquels consistent toute la loi et les prophètes […] Volons jusqu’à ce que la mer finisse, suspendons nous aux ailes de la double charité. »999

993 Sermo. 112, VI, 6, vol. 17, p. 176. 994 In Ps. 140, 2, vol. 15, p. 326. 995 In Ps. 54, 8, vol. 12, p. 562. 996 In Ps. 121, 1, vol. 15, p. 20. 997 In Ps. 66, 3, vol. 13, p. 140. 998 In Ps. 67, 18, vol. 13, p. 170. 999 In Ps. 138, 12, vol. 15, p. 288-289.

Ainsi, tout un ensemble de symboles et de significations ayant trait à la vie spirituelle et à la vie mystique est solidaire des images du ‘vol’ et des ‘ailes’, « le vol traduit l’intelligence, la compréhension des choses secrètes ou des vérités métaphysiques »1000, à moins qu’Augustin n’attribue encore une autre fonction métaphorique au vol :

« Et, m’entourant de son vol, planait au-dessus de moi, fidèle et lointaine, ta miséricorde. »1001

Dans la ‘volière mystique’, je retiendrai plus particulièrement trois oiseaux caressés par de nombreux mystiques, le passereau, la colombe et l’aigle.

A- Le passereau

Le symbolisme de l’iconographie chrétienne attribue au passereau l’image du Christ, Augustin reprend l’image : « Je veille la nuit, comme le passereau solitaire sur un toit » (Ps. 101, 8), ce passereau solitaire fait entendre son cri au-dessus de la chair :

« J’ai veillé et je suis devenu semblable au passereau qui se tient solitaire sur le toit (Ps. 101, 7-8), ce passereau fait entendre son cri au-dessus de la chair. Mais après avoir veillé […] il est donc semblable au passereau par sa résurrection […] enfin sur le toit où, réveillé de la mort et parvenu en volant, il reste seul et intercède pour nous (Rm. 8, 34). […] « Le passereau a trouvé sa demeure » Quelle demeure ? Il est au ciel […] et « la tourterelle a trouvé un nid », l’Église de Dieu s’est construit un nid avec le bois de Sa croix pour y déposer ses poussins (Ps. 83, 4) c’est-à-dire ses petits. »1002

Le passereau, le Christ, est notre tête, la tourterelle est son corps et sa demeure, de celle-ci le Christ intercède pour nous.

Un autre symbolisme mystique est également attribué aux oiseaux et aux passereaux, celui de figurer certaines âmes spirituelles :

« Ce sont ceux qui ont tout abandonné pour le suivre […] déchargés de tous les fardeaux du monde, libres de tous les liens du siècle, et de prendre leur essor comme s’ils avaient des ailes. »1003

Tous les oiseaux n’habitent pas sur la montagne mais pour ceux qui y habitent, leur liberté intérieure les fait nicher sur les cèdres du Liban, ce sont les spirituels :

«Tous les oiseaux n’habitent pas sur la montagne. Au contraire certains n’habitent que sur les montagnes. Ce nom représente certaines âmes spirituelles. Les oiseaux du ciel sont les âmes spirituelles qui volent dans l’air en toute liberté […] l’oiseau signifie quelque chose de spirituel, « votre jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle (Ps. 102, 5) […] leur nourriture est sur la montagne […] qu’ont-ils abandonné, ces passereaux ? »1004

1000 Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères, Gallimard, « Les Essais », Paris, 1957, p. 141-142. 1001 Conf. III, II, 4, BA 13, p. 371.

1002 In Ps. 101, 7-9-8, vol. 14, p. 200-201. 1003 Sermo. 113, 1, vol. 17, p. 179. 1004 In Ps. 103, (3ème), 5, vol. 14, p. 295.

« Où les passereaux feront-ils leurs nids ? Sur les cèdres du Liban […] sous le nom de passereaux on a coutume de désigner les plus petits d’entre eux. Il y a donc des passereaux spirituels, qui établissent leur demeure sur les cèdres du Liban ; […] Le nom de Liban selon ceux qui ont écrit à ce sujet signifie blancheur, les passereaux y feront leurs nids. »1005

Le Liban est la terre natale de la Bien-Aimée du Cantique des Cantiques et à la fin des temps, la forêt deviendra un verger, une allusion mystique est ainsi possible à ce verset du Cantique : « Avec moi, du Liban, ô fiancée, avec moi, du Liban tu viendras ; tu dévaleras du sommet de l’Amana, du sommet du Senir et de l’Hermon, des retraites de lions et des montagnes à panthères » (Ct. 4, 8).

Le passereau solitaire1006 chante sa plainte tant qu’il n’a pas trouvé sa demeure éternelle, il cherche comment prendre son vol1007 vers la maison du Seigneur, la maison on la choisit pour y habiter toujours, le nid n’est fait que pour un temps :

« Mon cœur et ma chair se sont élancés vers le Dieu vivant » (Ps. 83, 3) […] où se sont-ils élancés ? « Vers le Dieu vivant. » D’où se sont-ils élancés ? « Car le passereau se trouve une maison, et la tourterelle un nid, pour y déposer ses petits (Ibid., 4) » […] Son cœur est comme le passereau et sa chair comme la tourterelle. […] il exerce ses ailes dans les vertus que l’on pratique en cette vie. »1008

Si dans le vol ailé, le passereau s’exerce à prendre son vol vers la maison c’est parce qu’il est l’âme, la tourterelle qui est le corps se cherche un nid ; la grâce seule a fait au passereau des degrés dans son cœur pour arriver à la maison désirée :

« Si l’âme n’avait ainsi des plumes et des ailes, comment celui qui gémissait dans les ténèbres aurait-il dit : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe ? » et encore « Et je m’envolerai et je me reposerai (Ps. 54, 7) ? »1009

« Mais comment y arriver (la maison) ? « Heureux l’homme que vous prenez et levez vers vous » (Ps. 83, 6) Mais qui pourra monter jusque là ? […] comment prendre mon vol ? comment arriver ? […] Qu’est-ce donc que Dieu donne par cette grâce à celui qu’il prend ainsi pour le conduire jusqu’à la fin ? Le prophète nous le dit « Dieu a disposé des degrés dans son cœur. » Il lui fait des degrés, qui lui servent à monter. Où lui fait-il ces degrés ? Dans son cœur. Donc plus vous aimerez, plus vous monterez […] Montez ces degrés par l’amour. […] pour monter où ? Dans le

1005 Ibid., 16, p. 310.

1006 Dans Les dits de lumière et d’amour, Jean de la Croix évoque les conditions du passereau solitaire, image du

contemplatif mystique, il en dénombre cinq : « Premièrement, il s’élève au plus haut ; Deuxièmement, il ne souffre aucune compagnie, fut-elle de même nature que lui ; Troisièmement, il plante son bec dans le vent ; Quatrièmement, il n’a pas de couleur déterminée ; Cinquièmement, il chante suavement », Les dits de lumière et

d’amour, n°120, op. cit., p.77.

1007Le thème du ‘vol’ traverse certaines des poésies de Jean de la Croix 1007 et aussi son Cantique spirituel dont

la XIIéme strophe a pour thème le ‘vol’ atteignant son paroxysme avant de connaître le retour : « Si haut, si haut je m’envolai, Que de ma proie fis la conquête. Pour que je puisse atteindre enfin, L’objet de cet amour divin, Il fallut que je vole tant, Que je me perdisse de vue ; Et dans ce transport cependant, En mon vol je demeurai court ; Mais l’amour s’en alla si haut, Que de ma proie fis la conquête… », Jean de la Croix, Poésies complètes, op. cit., « En quête d’un amour lancé », p. 60.

1008 In Ps. 83, 7, vol. 13, p. 523. 1009 In Ps. 103, 13, vol. 14, p. 273.

lieu qu’il a préparé. […] Vous demandez : Pour où aller ? […] « Vers ce que l’œil n’a pas vu, vers ce que l’oreille n’a pas entendu, vers ce qui n’est pas monté dans le cœur de l’homme (1Co. 2, 9). Car nous voyons maintenant à travers un miroir ce qu’est ce lieu, mais alors nous le verrons face à face (Ibid., 13, 12). »1010

Le passereau lorsqu’il évoque l’âme, est l’image de l’oiseau qui veut monter vers sa demeure et qui symbolise le désir et sa tension.

B- La colombe

Si l’amour fait gémir la colombe (In Io. VI, 1, BA 71, p. 341), celle-ci peut aussi symboliquement désigner l’amour :

« La colombe cherche, en s’envolant, à fuir ce qui la trouble, mais elle ne cesse pas d’aimer. En effet, la colombe est regardée comme le symbole de l’amour, et l’on aime jusqu’à ses gémissements. Nul être, autant que la colombe, n’aime à gémir ; nuit et jour elle gémit comme si elle n’habitait qu’une terre de gémissements. »1011

Avec la tourterelle elle est l’oiseau du Cantique des Cantiques (Ct. 2, 14 ; 5, 2 ; 6, 9). Si le Cantique appelle la Bien-Aimée « ma colombe », c’est parce que l’âme est un reflet de la Beauté symbolisée par la colombe de l’Esprit-Saint. Dans la mesure où l’âme s’approche de la Lumière, elle devient belle et en cette lumière prend la forme d’une colombe, dit Grégoire

Dans le document Augustin est-il mystique? (Page 182-193)