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Les aides aux transports collectifs : une volonté nationale pour une mise

Dans le document Aides à la mobilité et insertion sociale (Page 47-50)

Chapitre 1. Les offres locales d’aides monétaires à la mobilité

1. Les spécificités des aides au transport

1.1. Les aides aux transports collectifs : une volonté nationale pour une mise

Un des moyens pour favoriser la mobilité des populations en difficulté d’insertion est de leur donner un accès privilégié aux transports en commun. Posséder un moyen de transport individuel représente généralement un investissement financier important auquel s’ajoute pour beaucoup d’entre eux la nécessité d’obtenir un permis de conduire lui aussi coûteux en temps et en argent. A l’inverse, les moyens de transport collectifs peuvent aisément être ouverts à des catégories de population dont les pouvoirs publics souhaitent favoriser la mobilité. Il suffit de leur accorder un tarif réduit ou même la gratuité pour emprunter ce réseau. Les réseaux de transport en commun sont bien sûr plus denses en ville et ce type de politiques cible plutôt des publics urbains. Mais d’une part plus de 75% de la population française réside en milieu urbain et d’autre part les zones rurales sont pour beaucoup desservies par les transports en commun, généralement routiers (autocars) ; leurs habitants sont donc susceptibles de bénéficier de telles aides.

Les tarifs réduits dans les transports en commun ont longtemps été réservés à des catégories de population spécifiques : personnes âgées ou handicapées, familles nombreuses, enfants scolarisés… Les personnes en difficulté d’insertion (chômeurs, précaires, bénéficiaires de minima sociaux) sont devenues une population cible de ces politiques depuis les années quatre-vingt mais surtout à partir de la fin des années quatre-vingt-dix. Il s’est passé à cette époque dans le domaine des transports une évolution comparable à celle observée pour les

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minima sociaux français. Ceux-ci étaient jusque-là réservés aux personnes à faibles ressources présentant de surcroît une caractéristique physique, familiale ou sociale légitimant l’attribution d’une aide sociale : enfant ou parent isolé, personne âgée, handicapée, familles nombreuses… Ces personnes relevaient de « l’handicapologie » pour reprendre l’expression de Castel (1995). A partir des années quatre-vingt, l’installation durable d’un chômage de masse va amener à inscrire sur l’agenda politique le traitement de ceux qu’on appelait alors les « nouveaux pauvres ». L’aide sociale va s’orienter vers de nouveaux publics : demandeurs d’emploi et plus largement personnes à faibles ressources. L’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS52) est créée en 1984 à destination des chômeurs en fin de droit. Le Revenu Minimum d’Insertion (RMI) est instauré en 1988, remplacé par le Revenu de Solidarité Active (RSA) en 2009. Pour la première fois, un mécanisme national garantit une aide sur la seule condition de ressources pour toutes les personnes âgées de plus de 25 ans. La création de la Couverture Maladie Universelle de base (CMU53) et complémentaire (CMUc) en 1999 s’inscrit dans la même logique.

On observe une évolution comparable dans le domaine des aides au transport. Le principe d’un droit au transport est reconnu en 1982 par la loi d’orientation sur les transports intérieurs (LOTI). Son article 1 précise que « le système de transports intérieurs doit satisfaire les besoins des usagers dans des conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité » tandis que l’article 2 stipule que « la mise en œuvre d’un droit au transport permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité, notamment par l’utilisation d’un moyen de transport ouvert au public ».

A la fin des années 1990, la volonté de développer en France une politique spécifique d’accès aux transports à destination des personnes en difficulté d’insertion devient claire. La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998 précise les publics qui doivent bénéficier de tarifs préférentiels et prévoit l’organisation d’une concertation entre les différents acteurs (pouvoirs publics, associations, entreprises de transport…) devant aboutir à « la mise en œuvre de mécanismes d’aide aux chômeurs en fin de droits et aux demandeurs d’emploi de moins de vingt-six ans en leur permettant l’accès aux transports collectifs » (article 123). Cette concertation générale n’a pas eu lieu, néanmoins cela confirme l’inscription sur l’agenda politique de l’accès aux transports collectifs à destination des publics fragilisés du point de vue de l’emploi.

52 Les sigles utilisés et certaines définitions sont repris dans un glossaire en fin de chapitre.

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La loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 va cibler plus largement les personnes à faibles ressources en exigeant que les différentes autorités organisatrices de transport urbains (AOTU) proposent un tarif réduit aux ménages à bas revenus. Elle définit même des montants : le seuil de ressources est basé sur celui permettant l’accès à la Couverture Maladie Universelle complémentaire et le montant de la réduction tarifaire doit être au minimum de 50% du plein tarif. L’injonction à mettre en place une tarification sociale passe donc d’une logique de statut (demandeurs d’emploi en fin de droits, jeunes en insertion) à une logique de revenu. Dans la réalité, les deux logiques coexistent souvent.

La volonté d’aider à la mobilité des personnes défavorisées est nationale, mais son application est d’abord locale, accompagnant la décentralisation progressive entamée en France à partir de 1982. L’organisation des transports en commun relève aujourd’hui en France essentiellement des collectivités territoriales. Si l’Etat est en charge de l’organisation des transports collectifs d’intérêt national (chemins de fer pour l’essentiel), il ne propose pas de tarif social (sauf pour les demandeurs d’emploi se rendant par le train à un entretien d’embauche). Les communes et communautés de communes, les départements et les régions sont chacun responsables de l’organisation des transports en commun dans leur champ de compétences propre54 et donc de l’application de la volonté politique nationale. La multiplication des tarifs sociaux à partir des années 1990 et la prise de conscience par les différents acteurs locaux (bénéficiaires et professionnels de l’aide sociale) de l’importance de cette thématique dans la lutte contre la pauvreté est confirmée par le rapport « Mobilité et grande pauvreté » dirigé par Mignot (2001).

Ce caractère local se traduit par une grande diversité des aides au transport. Certes, la loi donne un objectif et définit des conditions minimales, mais toutes les autorités organisatrices de transport n’ont pas suivi – ou pas immédiatement – l’obligation qui leur était faite. Et celles qui ont mis en place une tarification sociale l’ont fait de manière très variable quant aux montants, barèmes et conditions d’attribution. Les conséquences pour les bénéficiaires de la mise en œuvre de ces aides ont donc été très différentes selon les lieux où elles ont été appliquées.

L’objectif de ce chapitre est d’étudier l’impact de ces aides aux transports en commun sur les ménages pauvres, en suivant deux indicateurs : le montant de ces aides et leur variation en fonction de la situation financière ou d’emploi des personnes. On cherche à mesurer les

54 Suite à la loi du 7 août 2015 portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (loi NOTRe), les Régions

ont récupéré au 1er janvier 2017 la quasi-totalité des compétences relevant jusque-là des départements en matière

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conséquences financières de l’obtention de ces aides pour les bénéficiaires, mais aussi de leur perte si leur statut évolue ou que leurs ressources augmentent, notamment en cas de reprise d’emploi. L’objectif est de vérifier si ces aides peuvent avoir un impact sur les gains monétaires de la reprise d’emploi.

Dans cette optique, nous ne pouvons pas nous limiter aux seules aides au transport. En effet, il est nécessaire de prendre en considération l’ensemble du système d’aides aux ménages en difficulté, en intégrant à la fois les aides nationales, mais également les aides locales – dont les aides au transport – et les « droits connexes », ces aides dont l’attribution est conditionnée à une autre aide (comme un tarif préférentiel sur les transports pour les bénéficiaires du RSA par exemple).

1.2. Les aides au transport au sein des autres aides sociales

Dans le document Aides à la mobilité et insertion sociale (Page 47-50)