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Les aides au transport au sein des autres aides sociales

Dans le document Aides à la mobilité et insertion sociale (Page 50-53)

Chapitre 1. Les offres locales d’aides monétaires à la mobilité

1. Les spécificités des aides au transport

1.2. Les aides au transport au sein des autres aides sociales

sociales qui complètent les aides nationales. Le premier étage du système français de soutien aux bas revenus regroupe les minima sociaux, tels le RSA ou l’allocation de solidarité spécifique (ASS), des prestations familiales telles que la prestation d’accueil du jeune enfant ou l’allocation de rentrée scolaire, et des aides au logement telle que l’aide personnalisée au logement (APL). Le second étage est composé des « droits connexes » nationaux, aides conditionnées à l’obtention d’une aide primaire. L’expression « droits connexes » est relativement impropre : ces aides sont connexes en ce qu’elles renvoient à un deuxième cercle d’aides sociales mais elles ne sont pas toutes conditionnées à l’obtention d’une aide primaire ou d’un statut spécifique. Au sein de ce deuxième étage on trouve par exemple la prime de Noël pour les allocataires du RMI/RSA (renouvelée par décret chaque année depuis 1998), les exonérations de la contribution à l’audiovisuel public (la « redevance télévision »), la réduction sociale téléphonique, le chèque énergie (qui remplace depuis le 1er janvier 2018 les tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité), la CMU complémentaire...

Au-delà, un grand nombre d’aides sociales locales s’ajoutent également (de façon connexe ou non) aux système national et légal. Leur principale caractéristique est leur extrême diversité, tant du point de vue des acteurs qui les accordent que des domaines visés mais aussi de la forme des aides elles-mêmes. S’y ajoute évidemment une grande diversité territoriale.

Les principaux offreurs publics d’aides locales sont les départements, les communes et communautés de communes, les régions, mais également les caisses locales d’allocations familiales (CAF) qui disposent d’une autonomie budgétaire sur certaines aides. Les domaines visés sont très variés : restauration scolaire, centres de loisir, aides aux vacances, prise en

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charge d’impayés (loyer ou autres), accès ou maintien dans le logement, équipement de celui-ci, aides au transport et à la mobilité, tarifs sociaux des équipements collectifs (piscine, musée…) pour citer les principaux.

La nature et la forme des aides sont également multiples : on rencontre des aides monétaires, d’autres tarifaires ou en nature, des aides affectées à un usage précis ou non, des dons et des prêts, des aides à caractère durable et d’autres exceptionnelles, des aides sur barème et d’autres reposant sur une évaluation sociale… Certaines de ces aides sont accordées sous conditions de statut réservées à certains types de population (demandeurs d’emploi, familles nombreuses, allocataires du RSA, handicapés…), d’autres sous conditions de ressources dont le montant dépend des revenus des ménages. Pour ces dernières les conditions d’extinction de l’aide sont encore très diverses : baisse dégressive ou par plateaux, avec un nombre de seuil également variable. Lors d’une première recension de ces aides locales parmi un certain nombre de communes françaises, nous avions déjà remarqué qu’aucune aide n’avait le même profil dans deux villes différentes (Anne et L’Horty, 2002).

Dans cette galaxie d’aides locales, les aides au transport représentent un poids important et croissant, à la suite notamment d’impulsions données à l’échelle nationale, comme nous l’avons rappelé supra. Un premier type d’aides concerne la mobilité individuelle (permis de conduire, location ou achat d’un moyen de transport) ; il peut s’agir d’aides monétaires offertes par exemple par le Conseil Départemental dans le cadre de son action sociale, d’aides en nature (prêt d’un véhicule), de formation (aide à la mobilité, permis de conduire…) accordées par des collectivités ou des associations locales. Nous nous concentrerons dans ce chapitre sur l’autre grand type d’aides au transport qui consiste à faciliter l’accès aux réseaux de transport en commun. Ces aides relèvent essentiellement des collectivités locales (communes ou communautés de communes, département et région). Elles visent des publics spécifiques : jeunes scolarisés, personnes âgées, familles nombreuses, handicapés, demandeurs d’emploi, personnes pauvres ou en difficulté d’insertion… Elles prennent généralement la forme d’aides affectées, sous forme de réduction – voire de gratuité – du coût d’accès au réseau de transport en commun (autocars, tramway, métro…). Même si la multiplicité des formules d’accès (ticket unitaire ou carnet, abonnement hebdomadaire ou mensuel…) peut rendre délicate la mesure du coût des transports en commun dans une ville, la valeur de la subvention accordée aux bénéficiaires de l’aide sous forme de réduction tarifaire permet d’estimer le montant de l’aide reçue, en posant éventuellement des hypothèses sur la fréquence d’utilisation du service. On peut donc assimiler ces aides à des aides monétaires affectées à un usage spécifique. Les interactions entre ces aides au transport et les autres aides sociales monétaires ou à équivalent monétaire sont nombreuses, d’autant que plusieurs niveaux d’acteurs locaux

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interviennent, ce qui peut générer une concurrence entre eux. On parle de concurrence fiscale lorsque coexistent plusieurs agents publics offrant des services ou des aides en les finançant par des prélèvements sur la population relevant de leur autorité. Le cas le plus étudié par la littérature est celui de la concurrence horizontale, notamment fiscale, situation dans laquelle les différents agents publics sont en concurrence pour attirer ou conserver sur leur territoire les personnes ou les entreprises qui constituent leur assiette fiscale. La littérature montre que plus l’assiette fiscale est mobile, plus la concurrence est forte entre acteurs publics, faisant baisser les taux d’imposition et le niveau de services publics offerts. C’est une stratégie de course vers le bas aboutissant à un moins-disant fiscal et à un équilibre sous-optimal où les différents pouvoirs publics produisent en conséquence trop peu de biens et services publics. La variable centrale pour qu’apparaissent de telles situations sous-optimales est la mobilité de la base imposable (voir par exemple Cremer et Pestiau, 2004). La transposition au champ des aides sociales qui nous intéresse ici pose un problème supplémentaire : les aides sociales locales que nous étudions bénéficient par construction aux ménages pauvres, qui contribuent peu au financement des offreurs de ces aides. Verser des aides sociales généreuses aux personnes en difficulté peut avoir des conséquences fiscales négatives sur les ménages imposables. Emond (2016) confirme la dimension stratégique des politiques sociales en montrant dans la région lyonnaise que la générosité des transferts sociaux des communes est supérieure quand la mobilité résidentielle est plus faible, et donc la base fiscale moins susceptible de fuir la pression fiscale qui en est le corollaire. Elle confirme l’existence d’une concurrence horizontale pour les aides sociales en montrant que lorsque la mobilité résidentielle est élevée, les communes transfèrent plus souvent des compétences sociales à l’échelon supérieur des établissements publics de coopération intercommunale.

Mais la coexistence de plusieurs niveaux de compétence publique peut créer une autre forme de concurrence, verticale cette fois. C’est potentiellement le cas pour les aides sociales locales dont nous avons montré qu’elles se caractérisent par la multiplicité des niveaux d’intervention : national, régional, départemental, intercommunal, communal, voire infra-communal à travers les politiques de la ville ciblées sur certains quartiers prioritaires. Ici également, la majeure partie de la littérature s’intéresse à la concurrence fiscale. En cas de concurrence fiscale verticale, les modèles montrent que les différents acteurs publics peuvent ne pas prendre en compte dans leur choix de taux d’imposition celui des autres niveaux d’action publique. Finalement les contribuables sont soumis à un taux d’imposition d’équilibre supérieur au taux optimal car les différents niveaux d’intervention publique s’additionnent sans forcément être complémentaires (pour un survol de cette littérature, voir Madiès et al., 2005). La multiplicité des acteurs institutionnels favorise de plus la prolifération d’outils et d’instruments qui risquent de se superposer sans cohérence. Cela risque également de rendre moins lisible aux

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bénéficiaires55 potentiels l’offre disponible d’aide sociale et d’accroître le non recours (voir le chapitre suivant). Lehmann56 (2016) montre ainsi sur que la simple superposition des barèmes aboutit à des profils d’imposition erratiques, y compris pour des cas-types très simples et sans prendre en compte les aides locales. L’inflation des dispositifs est aggravée d’une incohérence d’ensemble. A l’échelle locale, Leprince et Guengant (2002) montrent que le développement du budget des intercommunalités ne s’est pas accompagné d’une réduction comparable des budgets communaux et en a même augmenté certains.

Appliqué aux aides sociales au transport qui nous intéressent ici, cela pourrait aboutir à deux types de problèmes : la non prise en compte des autres aides au transport pouvant exister à d’autres échelons d’action publique d’une part ; la non prise en compte des autres types d’aides sociales offertes dans d’autres domaines mais qui impactent également le niveau de ressources. Le risque est alors que les montants ou les critères d’attribution des différentes aides créent des effets pervers, par exemple en amplifiant les conséquences financières pour des ménages pauvres de certains effets de seuil pour lesquels plusieurs aides locales s’éteindraient en même temps. Ou encore selon qu’ils prennent ou pas en compte les effets sur les ressources des ménages des autres aides locales. C’est ce que nous allons tenter de mesurer en étudiant les interactions entre les différents offreurs d’aides sociales nationales et locales, ainsi que leur effet sur les ressources mais également sur les gains du retour à l’emploi des bénéficiaires potentiels.

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