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5. Les outils de mesure de l’adhésion au traitement en physiothérapie

5.2. Données non auto-rapportées

5.2.1. Adhésion dans le domaine médical

La littérature est assez exhaustive sur la mesure de l’adhésion en médecine, par exemple en ce qui concerne l’adhésion à la prise de médicaments. En effet, il a été plus étudié comment mesurer une quantité de médicaments qu’un comportement, et ceci peut s’expliquer par son aspect plus concret. Toutefois, le domaine de la mesure de l’adhésion aux médicaments est en constante évolution (124). Nous allons vous présenter ci-dessous des outils qui diffèrent relativement de ceux utilisés en physiothérapie et qui sont objectifs.

Des outils électroniques incluant une mesure dans des aérosols peuvent être utilisées afin de calculer l’inhalation de la médication dans le cas d’asthme (17). Des analyses d’échantillon provenant de liquides biologiques du patient sont fréquemment utilisées en laboratoire, permettant ainsi de mesurer si le patient ingère sa médication (ex : prise sang) (125). La technologie évolue rapidement et constamment, permettant le développement de nouveaux systèmes prometteurs. Il existe une méthode, le Medication Management System (MEMS), qui est un système permettant d’enregistrer la date et l’heure de l’ouverture du contenant de pilules (17). Cet outil est avantageux puisqu’il permet une mesure continue et à long-terme. La mesure peut également nous indiquer le problème sous-jacent : soit une diminution de la dose prise, une trop grande dose ingérée, un délai dans la prise de la médication ou certaines périodes où le patient ne prend pas ses médicaments (nommée « Drug Holiday ») (17). Par contre, il faut faire attention aux

dysfonctionnements dans l’appareil. Ils peuvent également donner des mesures biaisées, par exemple, on peut se demander si le patient ingère vraiment la pilule. Ces méthodes sont propres à la médecine et sont des mesures valides et objectives. Cependant, ces mesures ne sont pas applicables directement en physiothérapie étant donné le type de traitement qu’elles mesurent, qui diffère de ceux donnés en physiothérapie. Par exemple, on ne peut mesurer biologiquement l’adhésion à un programme d’exercices.

On peut également se questionner sur des méthodes telles que la surveillance par vidéo à domicile afin de mesurer l’adhésion au traitement. En effet, cette méthode serait la mesure la plus objective, il serait possible d’analyser le comportement des patients et les bris techniques seraient réduits. Bilodeau et Ammouri ont développé en 2011 un outil de surveillance de prise de médication à domicile. Le développement de l’outil s’est avéré difficile, avec un système complexe de reconnaissance du visage, des mains et des bouteilles de médicaments (126). L’utilisation de ce genre de mesure au quotidien dans les cliniques de physiothérapie et aux domiciles des patients consultant en physiothérapie n’est pas réaliste étant donné les heures qui seraient dédiées à l’analyse des données, résultant en un fardeau de l’évaluateur très élevé, les coûts considérablement élevés et les enjeux éthiques soulevés par l’installation d’un système de surveillance à domicile.

Ces enjeux éthiques liés à une surveillance constante rendent ce moyen controversé. Mentionnons le droit au respect de la vie privée de la Charte Droits et Libertés de la personne (127). Dans un contexte d’évaluation en physiothérapie, il est aussi important de respecter une prise de données qui est minimale, afin de ne recueillir que les éléments nécessaires, pour la protection des renseignements personnels du patient (128).

5.2.2. Adhésion au traitement à domicile

5.2.2.1. Mesure électronique

Plusieurs mesures électroniques peuvent être utilisées afin de mesurer l’adhésion, chacune variant selon l’activité réalisée. Ces mesures ne sont donc pas rapportées par les patients, elles sont calculées de manière objective par un instrument. Il existe plusieurs

électromyographique (EMG) ou un chronomètre intégré dans un vidéo contenant un programme d’exercices (19).

Selon Bassett en 2003, les valeurs obtenues grâce au «self-report» sont plus élevées que les mesures obtenues grâce au chrono (19). En effet, il y a en général surestimation par les données auto-rapportées comme vu précédemment. Ce type de mesure (donnée non auto-rapportée) nous permet ainsi d’avoir une donnée avec moins de biais potentiels. Nous allons survoler les différentes études utilisant des mesures électroniques innovatrices.

Wahbeh et al. en 2011 ont utilisé un Ipod qui joue de la musique chaque fois que la personne fait ses exercices de relaxation (129). Il y a eu dans cette étude des problèmes techniques car si la chanson jouait plus d’une fois, l’enregistrement de la donnée était perdu, ou si le patient laissait jouer la musique après ses exercices, l’enregistrement était erroné. L’électromyogramme (EMG) utilisé dans l’étude de Levitt et al. en 1995 est une mesure particulière car les patients doivent installer les électrodes, l’appareil est donc en contact avec la peau durant les exercices de renforcement pouvant rapporter une donnée des plus objective. La mesure du temps d’exercices est enregistrée dans l’appareil, qui incluait des alarmes de rappel pour les séances d’exercices (130). Une étude de Brewer et al. en 2005 a utilisé des compteurs intégrés dans un vidéo éducatif afin de comparer les taux d’adhésion rapportés par les patients. Les patients devaient donc rapporter lorsqu’ils réalisaient les exercices avec la vidéo, et cette donnée était comparée à celle prise par le compteur du vidéo (131). En considérant ces trois mesures, il n’est pas possible actuellement de répandre leur utilisation, étant donné qu’ils n’ont été appliqué que de manière isolée. Il serait avant tout essentiel de valider ces outils à plus grande échelle.

Une révision des outils de mesure de l’activité physique en 2000 indique que le meilleur moyen de mesurer l’adhésion au traitement à cet exercice est de calculer la dépense calorique des patients. Ils proposent des moyens standardisés. Par contre, cette mesure est peu appropriée pour mesurer l’adhésion à des exercices d’équilibre ou de contrôle moteur propres à la physiothérapie (125).

Le matériel électronique permet d’obtenir une mesure de l’adhésion qui est objective. Avec ce genre de matériel, il est fréquent d’avoir des bris d’utilisation, pouvant fausser les

mesures ou empêcher la prise de mesure. Ces outils ne sont pas accessibles à la majorité des patients ou cliniques étant donné leur coût élevé (19). Il peut parfois y avoir un enjeu éthique lié à ce type d’outil qui peut être perçu comme intrusif par les patients. En effet, le patient sait qu’il est surveillé par les compteurs. On peut aussi se questionner à savoir si la personne fait réellement ses exercices durant la période d’enregistrement de la mesure. Nous devons également toujours nous assurer des qualités métrologiques de ces outils, qui n’ont pas été démontrées actuellement (107). Ces mesures électroniques sont une voie prometteuse pour objectiver les mesures d’adhésion en recherche. Par contre, leur applicabilité en clinique semble pauvre étant donné la charge de travail pour le recueil des données soumise aux thérapeutes et aux coûts importants de ces mesures.