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Activité de l’EGTA sur l’adhésion et la formation du biofilm

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 125-128)

6. DISCUSSION GENERALE

6.3. Activité de l’EGTA sur l’adhésion et la formation du biofilm

L’importance médicale des biofilms à S. aureus a été évoquée dans plusieurs travaux de recherche. Cette bactérie est responsable de plusieurs types d’infections dont la majorité est due à son habileté à adhérer sur les implants médicaux et à former les biofilms (Archer et al., 2011). Le traitement des implants médicaux avec des substances antimicrobiennes ou avec des solutions verrous à base de ces substances constituent sans doute les moyens les plus utilisés soit pour prévenir la formation d’un biofilm soit pour éliminer un biofilm mature préformé.

Un des composés ayant ces propriétés est l’EGTA, un agent complexant de cations divalents (calcium, magnésium, manganèse,…). En effet, les cations divalents contribuent à l’interaction entre bactéries, se lient aux groupes chimiques négativement chargés de la surface cellulaire et interagissent avec les composants de la matrice extracellulaire du biofilm (Özerdem Akpolat et al., 2003). Ils augmententl’attachement d’une bactérie à une surface en

126 réduisant les répulsions électrostatiques et en stabilisant les interactions entre la surface bactérienne chargée négativement et les substrats anioniques (Renner et Weib, 2011).

Il a été démontré par Turakhia et al. (1983) que la séquestration par l’EGTA d’un cation tel que le Ca2+ pouvait conduire au détachement du biofilm de son site de fixation. Ces observations suggéraient que les cations divalents jouaient un rôle important dans le maintien de la structure du biofilm.

Les techniques du BFRT® et de coloration au CV ont été utilisées pour évaluer la capacité de l’EGTA à prévenir l’adhésion cellulaire et la formation d’un biofilm ainsi qu’à déstructurer un biofilm préformé. Les résultats obtenus ont montré que l’adhésion et la formation d’un biofilm par les 10 souches de S. aureus étaient différemment affectées par l’EGTA. L’adhésion de toutes les souches SASM étudiées n’était affectée par aucune concentration de l’EGTA présent dans le milieu. A la concentration de 1 mM, l’agent complexant n’avait aucun effet sur l’adhésion d’une souche clinique (007/FV) et de référence (ATCC 33591) de SARM, mais inhibait significativement l’adhésion des 2 autres souches cliniques de SARM. Ces observations ont été confirmées par les tests d’adhésion sur des tubes de cathéter intraveineux. En effet, 1mM d’EGTA inhibe l’adhérence de 2 souches cliniques de SARM sur le tube de cathéter.

Par contre, l’inhibition de la formation du biofilm était observée à cette concentration pour toutes les souches SASM et SARM. Il convient de souligner que cette concentration inhibitrice de l’adhésion et de la formation du biofilm n’était pas toxique sur les cellules eucaryotes.

Les biofilms préformés par toutes les souches n’étaient pas affectés par l’EGTA. Nos résultats sont en accord avec ceux obtenus par Shanks et al. (2006) qui avaient montré que le citrate qui fixe le calcium extracellulaire inhibait la formation d’un biofilm mais n’entraînait pas la déstructuration d’un biofilm établi. Oulahal et al. (2004) avaient observé que l’EGTA potentialisait l’effet des ultrasons sur l’élimination du biofilm d’E. coli formé à la surface de l’acier inoxydable et non celui de S. aureus.

La concentration de 1mM n’avait aucun effet sur le temps de doublement de toutes les souches confirmant que ces inhibitions n’étaient pas liées à une inhibition de la croissance bactérienne.

127 Les résultats divergents obtenus avec l’EGTA sur l’adhésion et la formation du biofilm confirment que ces deux propriétés sont distinctes et sont différemment régulées par les cations, probablement le calcium. En présence d’ions magnésium et calcium, les polysaccharides extracellulaires polymérisent et forment un gel (Gristina et al., 1987). Dune et Burd (1992) avaient également observé que les cations divalents augmentaient in vitro et dans des conditions statiques l’adhésion de S. epidemidis sur le plastique. En accord avec Taweechaisupapong et Doyle (2000), les agents complexants sont des inhibiteurs de plusieurs adhésines bactériennes. Nos résultats suggèrent aussi que certaines souches cliniques ont acquis la résistance non seulement aux agents antimicrobiens, mais ont aussi modifié les propriétés de leur surface. Les résultats de l’adhésion des bactéries à une surface et du test MATS étaient éloquents à ce sujet. En outre, Jansson et Wadström (1984) avaient montré que certaines souches cliniques de S. aureus pouvaient exprimer une capsule polysaccharidique contribuant aux propriétés invasives et à la résistance à la phagocytose. Ceci a été mieux illustré par les résultats de Tachi et Hibaraschi (2004). En utilisant un modèle animal, ils ont démontré que les souches cliniques de S. aureus pénétraient plus dans la plaie que la souche de référence. Molina-Manso et al. (2010) ont également démontré qu’une collection de souches cliniques et de référence de S. aureus adhéraient différemment sur le polyéthylène de haut poids moléculaire traité avec la vitamine E. Ils conclurent que les études d’adhésion devaient toujours inclure à la fois les souches cliniques et de référence.

Nous avons également étudié l’influence de cations (calcium, magnésium et manganèse) sur l’inhibition causée par 1 mM d’EGTA. Les expériences préliminaires portant sur l’influence des cations sur l’immobilisation des billes magnétiques avaient montré que les ions interféraient avec les billes et diminuaient le BFI. Ces interactions (déjà abordées au point 6.2 de cette discussion) avaient été aussi observées avec les peptides cationiques dérivés de la cathélicidine qui portent plusieurs charges positives au pH neutre (C. Nagant, communication personnelle). Pareilles interactions seraient dues aux interactions électrostatiques entre les billes négativement chargées et les cations ou entre certains composants du milieu de culture. Ces résultats ont montré aussi que la mobilité des billes magnétiques pouvait être affectée non seulement par les bactéries qui adhèrent à une surface, mais aussi par la modification des propriétés rhéologiques du milieu. Pendant la réalisation de nos expériences, nous avions constaté que l’ajout des ions dans les puits contenant de l’EGTA se traduisait par une chute brutale du BFI au lieu de son augmentation.

128 Compte tenu de cette forte interaction avec les billes, les expériences des effets des cations sur l’inhibition de l’adhésion provoquée par l’EGTA ont été réalisées uniquement par la méthode de coloration au CV. Les résultats obtenus ont montré que ces 3 ions n’affectaient pas la formation des biofilms, mais levaient plutôt l’inhibition provoquée par l’EGTA. Seul le manganèse était très efficace sur les souches SASM. En effet, l’affinité du manganèse pour l’EGTA (pKa 12,12) est meilleure que celle du calcium (pKa 10,9) et de loin supérieure à celle du magnésium (pKa 5,3). Ainsi, la concentration d’EGTA libre devrait être plus faible en présence de 1 mM de manganèse qu’en présence des 2 autres cations (Smith et al., 2001). L’explication la plus probable serait qu’en l’absence de l’ajout de tout cation divalent, l’EGTA se lierait sans doute à un autre cation, le fer (Lin et al., 2012) ou le zinc (Conrady et al., 2008) qui contribuerait à la formation du biofilm. Il a été récemment démontré que le zinc contribuait à la dimérisation de la structure de SasG, une protéine impliquée dans la formation des biofilms de S. aureus (Gruszka et al., 2012).

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