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1- Introduction

Des travaux réalisés dans le laboratoire ont montré que la souche CHA de P.

aeruginosa était capable d’induire une mort cellulaire dépendante du SSTT des cellules phagocytaires (macrophages et neutrophiles polymorphonucléaires) (Dacheux et al., 1999; Dacheux et al., 2000). La mort par oncose des macrophages est précédée par la formation de pores dans les membranes des cellules eucaryotes. En effet, des expériences d’osmoprotection montrent que la diminution du relargage de LDH par les macrophages infectés est proportionnelle à l’augmentation de la taille des molécules osmoprotectrices utilisées (Dacheux et al., 2001b). Afin d’étudier cette activité formatrice de pore dépendante du SSTT, j’ai développé un modèle d’interaction cellulaire entre P. aeruginosa et des érythrocytes.

Nous avons observé que le mutant CHA-42F2, qui a été construit par insertion du transposon Tn5Tc dans le gène pcrV, possède un phénotype non-hémolytique (Dacheux et al., 2001b). Ce mutant est déficient pour PcrV ainsi que pour les deux protéines translocatrices PopB et PopD. Ainsi, afin de déterminer l’implication de chacune de ces trois protéines dans la formation des pores, j’ai construit et étudié trois souches isogéniques de CHA déficientes pour les protéines PopB, PopD ou PcrV.

2- Mise en place du test hémolytique

Dans un premier temps, j’ai développé un modèle d’interaction entre P. aeruginosa et des hématies afin d’étudier l’activité formatrice de pore de P. aeruginosa. Les expériences d’hémolyse sont réalisées comme décrit dans le chapitre «"Matériels et Méthodes"» (paragraphe 5.B.3). Brièvement, les infections sont réalisées dans des plaques 96 puits à fond conique pendant une heure à 37°C. Les souches bactériennes sont mélangées avec des GRMs dans du RPMI-1640 à une MOI de 1. L’activité hémolytique est déterminée en mesurant le relargage d’hémoglobine dans le surnageant d’infection par spectrophotométrie à 540 nm.

Sur la figure III.1, on observe que la souche parentale CHA lyse entre 80 et 90 % des globules rouges après une heure d’incubation, alors que le surnageant de la culture bactérienne de CHA ne lyse qu’environ 10 % des GRM. Cependant, lorsque l’incubation à 37°C n’est pas précédée d’une centrifugation de 10 min à 1 500 g, l’hémolyse induite par la souche CHA est similaire à celle du surnageant d’une culture de CHA. L’activité hémolytique induite par CHA est donc en grande partie dépendante d’un contact bactérie-cellule. Le

mutant CHA-D1, défectif pour l’activateur transcriptionnel du SSTT ExsA, possède une activité hémolytique faible, ce qui signifie que l’activité hémolytique induite par CHA est principalement dépendante de protéines sécrétées par le SSTT (figure III.1).

Le mutant CHA-42F2, qui est déficient pour les protéines PcrV, PopB et PopD, lyse environ 10 % des globules rouges (figure III.1). L’activité hémolytique type III-dépendante induite par CHA requiert donc la présence d’une, de deux ou de ces trois protéines.

Par ailleurs, la faible hémolyse induite par le surnageant de culture de CHA et les mutants, CHA-42F2 et CHA-D1, est une activité hémolytique résiduelle. Cette dernière est probablement due à des facteurs sécrétés indépendamment du SSTT qui ne nécessitent pas de contact bactérie-cellule, comme la phospholipase C hémolytique (PLC-H). En effet, il a été observé sur des géloses au sang, que les deux souches CHA et CHA-D1 étaient capables de sécréter de façon similaire des facteurs hémolytiques indépendants du SSTT (J. Croize, Service de Bactériologie-Virologie, Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, communication personnelle).

Figure III.1. Caractérisation de l’activité hémolytique type III et contact-dépendante induite par P. aeruginosa.

Les GRMs sont infectés par les souches CHA, CHA-D1 et CHA-42F2 à une MOI de 1, pendant 1 h à 37°C. 100 ml du surnageant bactérien CHA est ajouté aux GRMs, puis le mélange est incubé de la même façon que les infections bactériennes. L’hémolyse est évaluée par la mesure du relargage d’hémoglobine dans le surnageant d’infection à 540 nm.

Les toxines bactériennes formatrices de pores provoquent la lyse des globules rouges par un choc osmotique (Menestrina et al., 1994a; Menestrina et al., 1994b). Cette lyse des hématies peut être prévenue par l’utilisation dans le milieu d’infection de molécules osmoprotectrices, de taille supérieure au diamètre des pores insérés, par les bactéries, dans les membranes des globules rouges. Afin d’estimer la taille de ces pores, nous avons réalisé des expériences d’hémolyse en présence de molécules osmoprotectrices de différentes tailles (Blocker et al., 1999), à une concentration finale de 30 mM (figure III.2).

Figure III.2. Caractérisation de la taille des pores induits par l’activité formatrice de pores type III-dépendante de P. aeruginosa.

Les GRM sont infectés par la souche CHA à une MOI de 1, en présence des différentes molécules osmoprotectrices indiquées, utilisées à une concentration finale de 30 mM. Après 1 h d’infection à 37°C, l’hémolyse est évaluée en mesurant le relargage d’hémoglobine dans le surnageant à 540 nm.

Sur la figure III.2, on observe que le saccharose (ou sucrose, 9 Å de diamètre), le raffinose (13 Å de diamètre) et PEG 1000 (18 Å de diamètre) n’affectent pas l’efficacité de l’hémolyse induite par CHA. Seules, les molécules osmoprotectrices de taille supérieure au PEG 2000 (28 Å de diamètre) procurent une protection contre l’hémolyse induite par CHA. L’augmentation de cette protection est proportionnelle à la taille des molécules utilisées et

elle atteint environ 60% avec le PEG 4000 (environ 40 Å de diamètre). Une diminution de 50% de l’hémolyse est observée avec le PEG 3000 (environ 35 Å de diamètre), ce qui suggère que la taille des pores induits par la souche CHA de P. aeruginosa, dans les membranes des cellules eucaryotes, est estimée entre 28 et 35 Å.

Dans ce premier chapitre, nous avons donc montré que P. aeruginosa possède une activité formatrice de pores qui induit la lyse des globules rouges. Cette activité hémolytique nécessite la présence d’une, de deux ou des trois protéines, PcrV, PopB et PopD. Ces résultats ont fait l’objet d’un chapitre dans l’Article 1: Dacheux D, Goure J, Chabert J, Usson Y. et Attree I. (2001). Pore-forming activity of type III system-secreted proteins leads to oncosis of Pseudomonas aeruginosa-infected macrophages. Mol. Microbiol., 40(1), 76-85 (Annexe 1).

Afin d’étudier la participation individuelle de chacune des protéines, PcrV, PopB et PopD, dans l’activité hémolytique, nous avons construit trois souches isogéniques de CHA individuellement déficientes pour chacune de ces trois protéines.

3- Rôle des protéines PopB et PopD dans l’activité hémolytique