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Absence de morphisme admissible injectif d’image

4.4 Lien avec l’outre-espace

4.4.5 Absence de morphisme admissible injectif d’image

pour tous[g],[h]∈ T(S) est une distance asymétrique surT(S).

Comme sur l’outre-espace, on a K =L d’après [Thu], th. 8.5. En revanche, dans le cas de l’espace de Teichmüller la borne supérieureK([g],[h]) n’est en général pas atteinte par une géodésique fermée, mais par une lamination géodésique mesurée (cf.chapitre 5).

4.4.5 Absence de morphisme admissible injectif d’image discrète

Dans ce paragraphe, nous déduisons du corollaire 4.4.2 le résultat suivant, dont le corollaire 4.1.4 est un cas particulier.

Corollaire 4.4.3. Soit X un arbre réel simplicial, biparti de valences n1 ≥ 2 et n2 ≥2, dont toutes les arêtes ont même longueur, et soit Γ0 un sous-groupe discret sans torsion de Isom(X) tel que le quotient Γ0\X soit un graphe fini. Il n’existe pas de morphisme de groupes admissible ρ: Γ0 → Isom(X) qui soit injectif d’image discrète.

Rappelons qu’un morphisme ρ : Γ0 → Isom(X) est dit admissible s’il existe x0, x00 ∈X tels que pour tout R > 0 on ait d(x00, ρ(γ)·x00)≤ d(x0, γ·x0)−R pour presque tout γ ∈ Γ0 (cf. paragraphe 4.3.1). Cette condition ne dépend pas du choix dex0 et x00.

Notons que l’hypothèse de cocompacité sur Γ0 est indispensable dans les co-rollaires 4.4.3 et 4.1.4. En effet, sans cette hypothèse on construit facilement des exemples de morphismes admissibles injectifs d’image discrète à l’aide du lemme 3.4.1.

Pour démontrer le corollaire 4.4.3 nous utilisons le lemme suivant.

Lemme 4.4.4. Le nombre d’arêtes d’un graphe connexe fini dont le groupe fon-damental est libre de rang n ≥ 2 fixé est une fonction décroissante de la valence moyenne des sommets.

Démonstration. Soit Y un graphe connexe fini dont le groupe fondamental est libre de rang n≥2. Si adésigne le nombre d’arêtes, s le nombre de sommets etv la valence moyenne des sommets de Y, alors 2a=vs. De plus, d’après [Die], th. 1.9.6, on a n=a−s+ 1, d’où

a= n−1 1−2v, ce qui implique le lemme.

Nous pouvons à présent démontrer le corollaire 4.4.3.

Démonstration du corollaire 4.4.3. Soit ρ : Γ0 → Isom(X) un morphisme de groupes injectif d’image discrète. Montrons que ρ n’est pas admissible.

Notons Xρ(Γ0) le sous-arbre ρ(Γ0)-minimal de X, c’est-à-dire l’union des axes de translation des éléments non triviaux de ρ(Γ0). Les quotients Γ0\X et ρ(Γ0)\Xρ(Γ0) sont des graphes finis connexes, de valence≥2(cf.paragraphe 3.2.3). Leurs groupes fondamentaux, qui s’identifient respectivement à Γ0 et ρ(Γ0), sont libres de même rang. Notons n1 et n2 les valences des sommets de l’arbre biparti X. La valence moyenne des graphes Γ0\X et ρ(Γ0)\X est égale à (n1 + n2)/2. Celle du graphe ρ(Γ0)\Xρ(Γ0) est inférieure à(n1+n2)/2: en effet, si l’on noteSi l’ensemble des som-mets deρ(Γ0)\Xρ(Γ0) qui sont de valenceni dans ρ(Γ0)\X, alors S1 etS2 ont même cardinal, et pour tout s∈Si la valence de s dans ρ(Γ0)\Xρ(Γ0) est inférieure àni.

Notons m(resp.m0) le nombre d’arêtes deΓ0\X (resp. deρ(Γ0)\Xρ(Γ0)). D’après le lemme 4.4.4 on a m ≤m0. Or, toutes les arêtes de X ont même longueur par hy-pothèse. Si l’on note` >0cette longueur et si l’on munit Γ0\X (resp.ρ(Γ0)\Xρ(Γ0)) de la distance induite par celle de X divisée parm` (resp. par m0`), alors la somme des longueurs des arêtes de Γ0\X (resp. deρ(Γ0)\Xρ(Γ0)) vaut un. D’après le corol-laire 4.4.2, il existe un élément γ ∈Γ0 non trivial tel que

1

m0`λ(ρ(γ)) ≥ 1

m`λ(γ).

Comme m ≤ m0, on en déduit λ(ρ(γ)) ≥ λ(γ). D’après le théorème 4.3.1, le mor-phisme ρn’est pas admissible.

Le corollaire 4.1.4 s’obtient à partir du corollaire 4.4.3 en prenant pour X l’arbre de Bruhat-Tits de G.

Notons que la démonstration du corollaire 4.4.3 ne nécessite pas l’existence d’un élément γ ∈ Γ0r{1} tel que le quotient λ(ρ(γ))/λ(γ) soit maximal : il nous suffit de connaître l’existence d’un élément γ ∈ Γ0 r{1} tel que λ(ρ(γ)) ≥ λ(γ), ce qui résulte de la positivité de la distance asymétrique K =L sur l’outre-espace et de la condition d’égalité. De même, la positivité de la distance asymétrique de Thurston sur l’espace de Teichmüller et la condition d’égalité impliquent l’absence de morphisme admissible injectif d’image discrète pour les réseaux cocompacts sans torsion Γ0 de G= SL2(R) (cf.chapitre 5).

Chapitre 5

Variétés anti-de Sitter compactes de dimension trois

5.1 Introduction

Ce chapitre est consacré aux variétés anti-de Sitter compactes de dimension 3, c’est-à-dire aux variétés lorentziennes compactes de dimension 3 de courbure sec-tionnelle constante strictement négative. Rappelons que de telles variétés n’existent qu’en dimension impaire (cf. paragraphe 0.1.3). De plus, elles prennent des formes très différentes selon qu’elles sont de dimension 3 ou ≥5, l’étude de la dimension 3 semblant de loin la plus riche.

Bien que l’analogue du théorème de Hopf-Rinow ne soit pas vrai en général pour les variétés lorentziennes, Klingler [Kli] a montré qu’il l’est pour les variétés lorent-ziennes de courbure constante. Ainsi, à une isométrie et à la renormalisation de la métrique près, les variétés anti-de Sitter compactes de dimension 3 sont les quotients d’un revêtement universel de l’espace anti-de Sitter AdS3 = H2,1 = O(2,2)/O(2,1) par des sous-groupes discrets deO(2,e 2)agissant librement, proprement et cocompac-tement sur ce revêcocompac-tement universel. De plus, Kulkarni et Raymond [KR] ont montré que l’on peut se contenter d’un revêtement fini de AdS3 au lieu d’un revêtement universel. Comme AdS3 s’identifie à l’espace homogène (SL2(R)×SL2(R))/∆SL2(R), où∆SL2(R) désigne la diagonale deSL2(R)×SL2(R)(cf.paragraphe 2.4.3), et comme tout groupe linéaire de type fini est virtuellement sans torsion d’après le lemme de Selberg ([Sel], lem. 8), l’étude des variétés anti-de Sitter compactes de dimension 3 se ramène à celle des sous-groupes discrets sans torsion deSL2(R)×SL2(R)qui agissent proprement et cocompactement surSL2(R) par multiplication à gauche et à droite.

Soit µ : SL2(R) → R+ une projection de Cartan de SL2(R). D’après le théo-rème 2.1.2 et par un argument de dimension cohomologique (cf. paragraphe 6.5.4), un sous-groupe discret sans torsion de SL2(R)×SL2(R) agit proprement et cocom-pactement sur SL2(R) par multiplication à gauche et à droite si et seulement, à permutation des deux facteurs deSL2(R)×SL2(R)près, c’est un graphe de la forme

Γρ0 =

(γ, ρ(γ)), γ ∈Γ0 ,

où Γ0 est un réseau cocompact sans torsion de SL2(R) et ρ : Γ0 → SL2(R) un morphisme de groupesadmissible, au sens où pour toutR >0on aµ(ρ(γ))≤µ(γ)−R pour presque toutγ ∈Γ0. Ceci résulte également, dans ce cas particulier, des travaux de Kulkarni et Raymond [KR], de la complétude de Klingler [Kli] et d’un résultat complémentaire de Salein ([Sa2], lem. 3.4.1).

Dans ce chapitre nous démontrons le résultat suivant, qui précise cette description et traite du cas plus général où Γ0 est convexe cocompact dans SL2(R).

Théorème 5.1.1. Soit Γ0 un sous-groupe convexe cocompact de SL2(R). Un mor-phisme de groupes ρ : Γ0 → SL2(R) est admissible si et seulement s’il existe des constantes C < 1 et C0 ≥0 telles que pour tout γ ∈Γ0 on ait

µ(ρ(γ))≤Cµ(γ) +C0.

Rappelons qu’un sous-groupe deSL2(R)est ditconvexe cocompact s’il est discret dans SL2(R), infini, non élémentaire, et s’il agit cocompactement sur l’enveloppe convexe H2Γ0 dansH2 de son ensemble limite (cf.partie 5.4). Cette notion généralise celle de réseau cocompact.

Dans le cas où Γ0 est un réseau cocompact deSL2(R), l’existence d’une constante C < 1 comme dans le théorème 5.1.1 avait été conjecturée par Salein ([Sa2], § 3.5, rem. 2). Dans ce cas, voici une reformulation du théorème 5.1.1 et de ce qui précède.

Corollaire 5.1.2. Les variétés anti-de Sitter compactes de dimension 3 sont, à une isométrie, à la renormalisation de la métrique, à un quotient fini et à un revêtement fini près, les quotients de SL2(R) par un sous-groupe discret de SL2(R)×SL2(R) de la forme

Γρ0 =

(γ, ρ(γ)), γ ∈Γ0 ,

où Γ0 est un réseau cocompact sans torsion de SL2(R) et ρ : Γ0 → SL2(R) un morphisme de groupes pour lequel il existe des constantes C <1 et C0 ≥0 telles que pour tout γ ∈Γ0 on ait

µ(ρ(γ))≤Cµ(γ) +C0.

5.1.1 Stratégie de démonstration

Soient Γ0 un sous-groupe convexe cocompact de SL2(R) et ρ : Γ0 → SL2(R) un morphisme de groupes. Nous allons comparer trois constantes Cρ,Cρλ etCρµ naturel-lement associées à ρ.

Tout d’abord, notons Cρµ la borne inférieure des réels C ≥ 0 tels que l’ensemble {µ(ρ(γ))− Cµ(γ), γ ∈ Γ0} ⊂ R soit majoré. Si Cρµ < 1, alors ρ est clairement admissible. Pour démontrer l’implication réciproque, nous distinguons deux cas selon le nombre de points fixes de ρ(Γ0) dans le bord ∂H2 ' S1 de H2. Le cas le plus intéressant est celui où ρ(Γ0) admet zéro ou deux points fixes dans ∂H2, c’est-à-dire où ρ(Γ0) est soit Zariski-dense dans SL2(R), soit borné, soit virtuellement abélien mais non virtuellement unipotent. Dans la suite de ce paragraphe, nous nous plaçons dans ce cas.

Nous suivons une stratégie analogue à celle du chapitre 4, en remplaçant l’arbre de Bruhat-Tits deSL2(Qp)par l’espace riemannien symétrique deSL2(R), c’est-à-dire le plan hyperboliqueH2. Plus précisément, nous considérons la borne inférieure Cρ≥0 des constantes de Lipschitz d’applications lipschitziennes f : H2Γ0 → H2 qui sont ρ-équivariantes, au sens où f(γ·x) =ρ(γ)·f(x) pour tout γ ∈Γ0 et tout x∈H2Γ0; cette borne inférieure est atteinte dans le cas que nous considérons (lemme 5.5.1).

Comme pour SL2(Qp), on voit facilement que Cρµ ≤ Cρ (remarque 5.5.4). Nous montrons que si Cρ≥ 1 alors Cρµ = Cρ (lemme 5.5.5). Pour cela nous établissons le théorème suivant.

Théorème 5.1.3. SoitΓ0 un sous-groupe convexe cocompact deSL2(R); notons H2Γ0

l’enveloppe convexe dans H2 de l’ensemble limite de Γ0. Soient ρ : Γ0 → SL2(R) un morphisme de groupes et f : H2Γ0 → H2 une application ρ-équivariante et lip-schitzienne de constante de Lipschitz Cρ minimale. Si Cρ ≥ 1, il existe une droite géodésique de H2Γ0 sur laquelle f est affine de constante Cρ.

Rappelons que pour SL2(Qp)il existait toujours un élément hyperboliqueγ ∈Γ0 tel que f soit affine de constante C sur l’axe de translation de γ; on pouvait même choisir γ dans un ensemble fini indépendant de ρ (proposition 4.2.1). Pour SL2(R) ce n’est pas le cas : en général la droite géodésique donnée par le théorème 5.1.3 ne peut pas être choisie parmi les axes de translation des éléments hyperboliques de Γ0. Pour démontrer le théorème 5.1.3 nous faisons appel à des techniques de pro-longement d’applications lipschitziennes de H2. Nous affinons des résultats anciens de Kirzbraun [Kir] et Valentine [Val] pour contrôler non seulement la constante de Lipschitz de tels prolongements, mais également leur constante de Lipschitz locale (théorème 5.3.2).

Le théorème 5.1.3 entraîne également que s’il existe une application lipschitzienne ρ-équivariante f : H2Γ0 → H2 de constante de Lipschitz minimale Cρ ≥ 1, alors ρ n’est pas admissible, ce qui implique le théorème 5.1.1. C’est le cas par exemple si Γ0 est un réseau cocompact sans torsion de SL2(R) et si ρ est injectif d’image discrète (cf. [Thu]) ; on retrouve ainsi le fait que pour Γ0 cocompact il n’existe pas de morphisme admissible injectif d’image discrète, que nous avions déjà mentionné au paragraphe 0.1.3.