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a Caractérisation minéralogique et microstructurale des grès

L’agencement et le type de grains constituants un grès ont naturellement une grande incidence sur ses propriétés mécaniques et sur sa résistance à l’érosion. La littérature apparaît souvent confuse voire muette sur ce sujet, ces caractéristiques empiriques étant difficiles à quantifier, extrêmement variables et pas forcément transposables d’une roche à l’autre. Toutefois certains critères de résistance

fréquemment utilisés en géotechnique comme celui de Hoek-Brown y font référence, et proposent notamment des relations entre le degré de fracturation et la résistance à la compression et à la traction [Peng and Zhang, 2007].

Nous nous sommes contenté de classer et de décrire sommairement les différentes lithologies rencontrées sur le terrain, d’abord à l’échelle macroscopique, puis à l’échelle microscopique sur 6 lames minces représentatives des roches affleurant dans les Siwaliks. L’estimation de la composition minérale de nos grès s’est fait par comptage sur ces quelques sections. En outre l’observation du litage, du contact entre les grains, de la micro fracturation et des degrés d’altération va nous aider à interpréter les autres propriétés pétro-mécaniques abordées dans les paragraphes suivants.

A l’échelle macroscopique…

Tout le panel des faciès sédimentaires fluviatiles est présent dans la série Siwaliks : faciès de barre de chenal méandriforme ou en tresse, lobe de crevasse, plaine d’inondation, et cætera. Cependant il nous a paru suffisant de répartir nos échantillons en trois familles de roches, grès, pélites, et argilites, sur des critères macroscopiques, sans nous préoccuper de leur genèse. Chaque groupe n’est ni homogène ni extrêmement différentié des autres : il existe naturellement de nombreuses formes intermédiaires.

¾ Les grès4

Les grès Siwaliks présentent des aspects très variés en terme de granulométrie, de couleur et de structure. Il s’agit plutôt de grès fins mal classés non consolidés (arénites) ou complètement indurés (grès sensu stricto). C’est l’abondance de gros micas blancs et noirs sub-millimétriques à millimétriques qui permet de distinguer à priori les grès de type « Salt and Pepper » des autres [Sanyal et al., 2005]. Cependant, si la teneur en mica varie visiblement, les feuillets de micas détritiques restent toujours minoritaires par rapport aux minéraux granulaires (surtout du quartz) à quelques exceptions près (SED032 par exemple). En fait les différences d’aspect entre les grès dépendent d’abord de leur consolidation et de l’abondance très fluctuante du ciment carbonaté, parfois discernable à l’oeil nu sous forme de plages blanchâtres entre les grains.

4 En général nous n’avons pas distingué les différents types de grès, sauf occasionnellement :

(a) Les grès grossiers à intraclastes. A la base de certaines séquences sédimentaires se trouvent des grés plus

grossier, voire des gravillons, et surtout des intraclastes gréso-argileux ou silteux millimétriques à centimétriques, des « galets mous ». Ce type de faciès prend parfois de l’importance et constitue de petits bancs métriques (SED044). Dans d’autre cas les intraclastes n’occupent que de petits lits millimétriques dans des grés plus homogènes (par exemple SED022 ou SED038).

(b) Les concrétions dans les grès extrêmement riches en carbonate (> 35%). Ces grès particuliers seront

La cimentation se manifeste de différentes manières dans les roches Siwaliks (Figure 5) :

1. Soit elle est très hétérogène, discontinue, et conduit à la formation de « nodules » dans la roche, en fait des concrétions calcaires dans la porosité. Ces nodules décimétriques à pluri métriques, sphéroïdes, difformes boudinées, parfois en niveaux lamellaires discontinus, ressortent de façon spectaculaire sous l’effet de l’érosion différentielle, notamment dans les grès « Salt and Pepper ». La proportion de nodule varie approximativement de 0% à 25% dans un banc non consolidé.

2. Soit elle imprègne apparemment de façon uniforme tout un banc de roche. Dans les Siwaliks inférieur la plupart des grès sont entièrement cimentés.

Figure 5 : Le ciment carbonaté dans les grès Siwaliks à l’échelle de l’affleurement et de l’échantillon.

(A) et (B) Le site d’échantillonnage B1 est situé en amont des gorges de la Bakeya dans les dépôts Siwaliks moyens. Deux échantillons ont été prélevés : le premier (SED016) dans « l’encaissant », un grès « Salt and Pepper » classique ; le second (SED017) directement dans le nodule. La teneur en carbonate passe brutalement de moins de 1% à plus de 40% de l’un à l’autre. Notons que la formation des nodules semble aléatoire, et ne dépendrait pas de contraintes pétrologiques préexistantes : sur cet exemple la précipitation de carbonate englobe le litage oblique et la stratification, et recoupe plusieurs lits stratigraphiquement différents.

(C) Les nodules carbonatés forment aussi des niveaux lamellaires discontinus plus ou moins dans le plan stratigraphiques, surtout dans la partie inférieure des Siwaliks moyens.

(D) Cette photographie du site d’échantillonnage B8 a été prise en aval des gorges de la Bakeya. Dans les Siwaliks inférieurs les nodules épars laissent place à des bancs de grès métriques à pluri métriques entièrement cimentés. Toutefois, les pseudos « pot holes » (marmites) à la surface de certains bancs comme sur cette photographie (chapitre IV) correspondent à des hétérogénéités du ciment. Nous verrons ultérieurement que l’homogénéité de ces bancs massif n’est qu’une apparence et que la teneur en carbonate varie même à très petite échelle.

0.8 m

1.5 m

1.5 m

C

B D

A

Nous reparlerons à plusieurs reprises dans ce chapitre de la genèse et de l’hétérogénéité du ciment carbonaté, ainsi que de son impact sur l’interprétation des propriétés mécaniques des roches. Notons également que les micas et la cimentation carbonatée révèlent souvent la présence d’une forte isotropie du dépôt (stratifications), voire l’existence de litages obliques à toutes les échelles.

¾ Les pélites (consolidées), les lutites (non consolidées)

SED033, SED039 SED170 et SED171 (tous les trois du site B11), SED043, SED045.

Bien que de granulométrie très faible (aucun grain visible à l’œil nu et surface paraissant plus « lisse » que celle des grès) ces roches ne présentent pas de propriétés argileuses marquées. Elles sont plus ou moins consolidées selon leur position dans la série sédimentaire. C’est aussi leur aspect qui permet de les différencier : la présence de lits de micas microcristallins, même si le litage est peu visible à l’œil nu, donne parfois un aspect légèrement satiné caractéristique (SED039). Ces lithologies moins abondantes que les grès « classiques » prennent plus d’importance dans les Siwaliks inférieurs.

La frontière entre les pélites et les grès fins est difficile à définir : le classement que nous avons établi à l’heure actuelle (Annexe I) pourrait être modifié en fonction d’observation futures sur lame mince. Cependant il a déjà été confirmées partiellement par les quelques mesures de granulométrie laser effectuées (Chapitre II) : le D50 de nos « pélites » irait de 20 à 50 µm (approximativement la classe granulométrique des « silts »), et celui de nos grès de 40 à plus de 250 µm (sauf un échantillon à 20 µm).

¾ Les argilites SED021, SED040

Les argilites de la série Siwaliks sont consolidées par la compaction et se mélangent relativement difficilement à l’eau. Elles sont fracturées, se craquellent et se délitent fortement à la dessiccation. Leur carottage est difficile. Elles sont peu abondantes sauf dans les Siwaliks inférieurs. La granulométrie laser indique des D50 de l’ordre de 10 µm (elles ne sont donc pas constituées à 100% de « particules argileuses » sensu stricto).

¾ Formes altérées et fracturées

Par endroits les grès paraissent plus altérés qu’habituellement dans le reste de la série sédimentaire (cf. Chapitre II). A l’œil nu cette altération se manifeste d’abord par des tâches rougeâtres quand elle est diffuse (SED039), puis se décline jusqu’à l’argilisation complète (SED062). A conditions d’affleurement équivalentes, l’altération semble plus importante dans les pélites que dans les grès. La rubéfaction plus avancée témoigne sans doute de variations minéralogiques entre ces roches de granulométrie différente.

Notons que la plupart des bancs consolidés présentent également une fracturation de diaclase plutôt abondante à l’échelle pluri décimétrique à pluri métrique. Généralement aucune fissuration plus fine n’apparaît à l’oeil nu, sauf dans les argilites.

A l’échelle microscopique…

Toutes nos observations effectuées sur nos six lames minces sont consignées dans le Tableau 1. ¾ Minéralogie

La technique du comptage minéralogique s’apparente à celle employée pour estimer la granulométrie sur photo : nous avons sélectionné cent points de mesure sur la section suivant un pas d’échantillonnage régulier et procédé à l’analyse de la population obtenue. Les grains quartzeux et le ciment calcitique sont dominants sur tous nos échantillons (plus de 75% du total en moyenne), avec une proportion très variable mais plus faible de phyllosilicates, sauf dans les pélites et les lutites où elle semble plus importante. Les feldspaths sont toujours largement minoritaires.

Les grains de quartz sont surtout monocristallins, les lithoclastes quartzitiques sont plutôt rares sauf dans l’échantillon SED044.

Parmi les feldspaths, les feldspaths potassiques sont trois fois plus fréquents que les plagioclases. L’altération des feldspaths apparaît souvent poussée (remplacement par de la calcite, des granules de silice, des argiles). Les « fantômes » de feldspaths les plus altérés sont comptabilisés comme des argiles.

La colonne « phyllosilicates » du Tableau 1 regroupe les micas détritiques et les minéraux argileux hérités ou résultant de l’altération des minéraux. Notons que les muscovites semblent moins altérées que les « chlorites » (en fait des biotites vermiculitisées à des degrés divers). Notons que sur certaines sections les grains semblent enrobés d’argiles.

Les carbonates forment exclusivement le ciment de la roche. Aucun lithoclaste calcaire n’a pu être observé : les carbonates ne font pas partie du cortège minéral lors du dépôt. D’ailleurs les galets calcaires étaient également absents des conglomérats Siwaliks supérieur de la région (Chapitre II). Les teneurs observées s’accordent bien avec celles mesurées par calcimétrie Bernard si l’on excepte l’échantillon SED023.

Pour être exhaustif il faudrait rajouter les « minéraux noir» de petite taille correspondant à des oxydes ou à de la matière organique fossile, peut être à des sulfures (proportions assez variables mais toujours inférieures à 5%).

Localisation (% du volume) Minéralogie Description pétrologiques Numéro d’échant illon Type de roche Profondeu r dans la colonne stratigra phique (m) Quartz Feldspaths Phyllos ili cates Ar giles Carbonat es CaCO 3 (c alcimé trie)

Litage visible (iso

tropie) Gran ulométrie su r lame mince (D50, µm) Gran ulo m étrie l aser (D50, µm ) Homogénéité de la granulométrie

Altération des minéraux Fracturation des

minéraux Porosité de fiss ure 1 - D50 / mo de g ranulo. Présence d’intraclastes SED023 Bakeya SI

(site B7) Grès moyen ~ 5800 67 10 10 13 6 ? I 56 ? IIII 0 0 2.1 ? ? 0 SED024

Bakeya SI

(site B8) Grès fin ~ 5800 69 2 3 26 24 I … ? IIII 0 0 1.2 ? 0 SED033 Ratu SM (site P3) Arénite fine Lutite ~ 800 59 6 35 0 0 I … ? II II II 1.6 ? I SED038 Ratu SM (site P7) Grès ~ 800 61 6 14 19 19 I … 46 I II I 1.3 25 0 SED039 Bakeya SI

(site B11) Pélite ~ 5800 50? ? 50? ? 7 III … 27 III III ? 1.2 30 0 SED042 Bakeya SI (site B9) Grès fin ~ 5800 64 11 10 15 16 II 35 42 I II I 1.6 39 II SED042BIS Bakeya SM (site B15) Arénite (grès Salt and Pepper) ~ 2800 78 3 16 4 5 0 … 67 II I III 2 60 0 SED044 Bakeya SM (site B16) Grès grossier à intraclastes ~ 2800 45* 14* 16* 25* ? I … ? 0 II II 1.5 ? IIII

Tableau 1 : Résultats du comptage et de l’observation des lames minces.

*matrice seule sans tenir compte des intraclastes (20% du volume total) et les lithoclastes (8% du volume total). A priori les intraclastes sont silteux ou argileux.

SI pour Siwaliks inférieur, SM pour Siwaliks moyen.

Toutes les valeurs numériques sont en %, sauf la profondeur (en m) et les granulométries (en µm). Les autres informations reportées sont plus qualitatives que quantitatives. Les classes de « 0 » à « IIII » définies pour les descriptions pétrologiques n’ont que valeur de comparaison entre les échantillons. Plus la classe est élevée, plus le caractère correspondant est marqué. Enfin, à titre de comparaison quatre paramètres mesurés par d’autres moyens ont été rajoutés dans ce tableau. Ce sont : la teneur en carbonate mesurée par calcimétrie Bernard (voir le paragraphe « Degré de cimentation carbonaté », p. 156) ; le D50 mesuré par granulométrie laser (voir le Chapitre II) ; la porosité de fissure (voir le paragraphe « Vitesse de propagation des ondes P », p. 158) ; et la valeur « 1 - D50 / mode granulo » qui caractérise le décalage du mode granulométrique par rapport au D50 (voir le Chapitre II).

¾ Cimentation

Le ciment « sensu stricto » (si on excepte les agglomérats argileux) est exclusivement carbonaté. Toutefois la cohésion des grains semble également partiellement assurée par la présence d’argiles héritées en revêtement sur les grains, ou authigènes dans la porosité [Guilbaud, 2007]. La calcite est généralement microcristalline mais de beaux cristaux maclés à tendance pœcilitique apparaissent parfois dans la masse sur certaines sections. Même à l’échelle microscopique, la répartition du ciment est hétérogène (« patchs » de calcite dans les grès peu cimentés). Aucun dépôt siliceux n’a pu être observé ni aucune auréole de croissance autour des grains de quartz, mais la compaction de la roche a quand même eu tendance à « souder » les grains entre eux, tout du moins à les rendre jointifs (dissolutions localisées). Ce processus n’est bien visible que sur certaines lames.

¾ Fracturation, altération …

Le litage invisible à l’œil nu sur certains échantillons apparaît parfois extrêmement marqué sur la lame mince, (exemple de la pélite SED039 très riche en micas microlithiques). De même l’étude au microscope révèle souvent une microfracturation importante qui semblait presque inexistante de prime abord. Il s’agit essentiellement de fissures intra granulaires liées au poinçonnement des grains entre eux, qui affectent plus ou moins les différents échantillons. Dans l’échantillon SED042BIS plus de 50% des grains de quartz sont ébréchés avec assez souvent un déplacement des fragments, mais en général cette proportion de grains brisés reste plus faible.

Comme à l’échelle macroscopique l’altération apparaît très variable d’un échantillon à l’autre. La pélite SED039 montre même des plages plus ou moins altérées assez bien délimitées à l’échelle de la lame mince. La marque la plus nette du passage des petits fronts d’oxydation est la déstabilisation massive des biotites vermiculitisées.