• Aucun résultat trouvé

Évaluation de la QVLS des patients inclus 1. QVLS des patients de notre échantillon

Patients et Méthodes

G. Évaluation de la QVLS des patients inclus 1. QVLS des patients de notre échantillon

Après avoir calculé les scores de QVLS obtenus suite à l'administration d'un outil de mesure validé, nous nous retrouvons devant des chiffres sans signification évidente en l'absence d'une échelle permettant leur interprétation. En effet, l'auteur n'a pas établi de normes pour l'appréciation de la QVLS à partir des scores du PedsQL. Le seul moyen permettant d'interpréter les résultats est de recourir à des valeurs de référence : soit les valeurs obtenues chez les mêmes sujets lors de mesures initiales, soit les scores d'un groupe témoin.[18]

Pour le questionnaire générique, nous disposons d'une étude menée par l'auteur du PedsQL chez plus de 20000 familles en Californie,[15] qui a retrouvé un score total générique moyen de 83 points chez les enfants sains. Une QVLS optimale a été définie comme un score qui n'est pas inférieur à 1 différence minimale cliniquement importante (Minimal Clinically Important Difference – MCID) au-dessous du score total moyen du PedsQL chez des enfants sains.[11] Selon Jaeschke, la MCID est « la plus petite différence dans un domaine d'intérêt que les patients perçoivent comme bénéfique et qui, en l'absence d'effets secondaires gênants et de coûts excessifs, obligerait un changement dans la gestion des soins du patient ».[15] Cette dernière a été fixée à 4.4 points lors de l'auto-évaluation de la QVLS par l'enfants et à 4.5 points lors de son hétéro-évaluation par le parent.[15] Dans le même ordre d'idées, un score total < 78.6 dans la version enfant et <78.5 dans la version parent est considéré comme

suboptimal.[11] Nous pouvons donc déduire que la QVLS des patients inclus dans notre étude, évaluée par le PedsQL Generic Scale, était médiocre.

Quant au PedsQL Cancer Module, les domaines les plus perturbés étaient l'anxiété liée aux gestes médicaux, l'anxiété liée au traitement et la communication (dont deux items sur trois concernent la communication avec le personnel médical), suggérant que les enfants atteints de cancer inclus trouvaient plus de difficultés à s'adapter aux soins et au personnel soignant qu'à la maladie et aux répercussions de son traitement (domaines des douleurs et maux, des nausées, des troubles cognitifs et de la perception de l'apparence physique).

De façon comparable à la littérature existante,[9, 20, 21] les parents participants avaient rapporté de moins bons scores de QVLS de leurs enfants atteints de cancer que les scores rapportés par les enfants eux-mêmes, certainement car l'anxiété et l'inquiétude des parents influencerait leur perception de la QVLS de leurs enfants malades.[21, 30]

Certaines caractéristiques des patients et de leurs familles sont reconnues pour influer leur QVLS.[3] Nous avons donc voulu explorer les variables à valeur prédictive chez les enfants marocains atteints de cancer. Néanmoins, les modifications significatives des scores sont d'interprétation délicate vu l'intrication de plusieurs paramètres dans la QVLS.

2. Comparaison des scores de QVLS en fonction des caractéristiques des patients inclus

a. Tranche d'âge

Les différences de QVLS en fonction de l'âge de l'enfant ont été rapportées dans de nombreuses études,[21] soutenant une diminution des scores de QVLS avec l'âge des enfants atteints de cancer,[24] cependant, les domaines intéressés différaient d'une étude à l'autre. Les résultats de notre enquête étaient similaires, essentiellement dans les dimensions évaluant les répercussions physiques (santé physique et nausées), psychiques (inquiétude et perception de l'apparence physique), sociales (fonctionnement social) et scolaires (troubles cognitifs) de la maladie. Cette constatation traduit une détresse physique et psycho-sociale plus marquée chez

les plus âgés. Cependant, certaines études[31] avaient révélé des scores plus élevés chez les enfants plus âgés dans les dimensions de l'anxiété liée aux gestes médicaux et de la communication. Dans notre série, nous avions fait les mêmes observations sauf qu'elles n'étaient pas statistiquement significatives. Nous pouvons donc retenir le bas-âge comme variable protectrice de la QVLS de manière globale.

b. Sexe

De rares publications rapportent des différences en fonction du sexe, avec une QVLS durant le traitement plus médiocre chez les filles.[21] Nos résultats étaient différents, les filles avaient obtenu de meilleurs scores de QVLS dans la plupart des dimensions, mais sans signification statistique sauf dans la dimension des troubles cognitifs.

c. Scolarité

Les différences significatives de QVLS observées entre les patients scolarisés et les non scolarisés sont certainement dues au fait que les enfants non scolarisés sont majoritairement de bas-âge (Figure 4), sachant que ces derniers avaient obtenu de meilleurs scores de QVLS.

d. Type de cancer

Le type de cancer est l'un des plus importants facteurs influençant la QVLS des patients de l'oncologie pédiatrique.[20] Nous ne connaissons pas d’étude comparant la QVLS entre les enfants atteints d’hémopathies malignes et ceux atteints de tumeurs solides. Notre étude avait montré des différences de QVLS significatives entre les 2 groupes de patients, avec de meilleurs scores chez les enfants traités pour une hémopathie maligne. Le traitement multimodal des tumeurs solides serait probablement en cause de la détérioration plus importante de la QVLS des patients.

e. Délai entre la prise en charge et la réalisation de l’enquête

Plusieurs recherches suggèrent une association positive entre la durée de suivi du patient et la QVLS,[32, 33] avec une amélioration significative après un an de suivi.[21, 24] De la même manière, nos résultats avaient montré une élévation des scores de QVLS avec le temps, sans doute à cause de l'adaptation de l'enfant atteint de cancer. Dans notre étude, nous avons étudié la QVLS pour les enfants suivis depuis moins de six mois et plus de six mois puisque seuls 20% des enfants avaient un suivi de plus de 12 mois.

f. Type de traitement reçu

Plusieurs constatations faites en oncologie pédiatrique laissent penser que les enfants atteints de cancer qui suivent des traitements plus intenses (comme la radiothérapie) expriment une QVLS inférieure à celle de ceux qui reçoivent une chimiothérapie seule.[21] Ce n'était pas le cas pour toutes les dimensions dans notre étude, les patient qui avaient reçu uniquement une chimiothérapie avaient tantôt des scores de QVLS plus élevés, tantôt plus faibles.

g. Autres facteurs personnels

Les chercheurs ont évalué l'impact d'autres facteurs personnels, tel que le statut nutritionnel, sur la QVLS des enfants atteints de cancer.[34] Ils ont montré que la malnutrition et la perte de poids sont associées à des scores de santé physique et de

fonctionnement social plus faibles, alors que la surnutrition et le gain de poids sont associés à des scores de fonctionnement émotionnel et de fonctionnement social plus élevés.

3. Comparaison des scores de QVLS en fonction des caractéristiques des familles des patients inclus

a. Fratrie

Dans notre série, nous avons remarqué que l'existence d'une fratrie était associée à un score de communication plus élevé, plausiblement car la capacité à s'exprimer et à aborder les étrangers est moins développée chez les enfants uniques.

b. Niveau d'instruction des parents

Le niveau d'instruction des parents aurait un effet protecteur sur la QVLS comme le rapportent plusieurs études.[20] Notre enquête avait montré un impact significatif et plus important du niveau d'instruction du père par rapport à celui de la mère. Cette constatation pourrait s'expliquer par le biais d'une meilleure compréhension de la maladie chez les parents instruits, notamment les pères instruits dont la perception de la maladie influencerait, dans notre contexte marocain, celle des mères quelles qu'elles soient, analphabètes ou instruites.

c. Habitat

Dans notre étude, les enfants venant de la campagne avaient rapporté de manière significative des scores plus élevés dans la dimension des nausées par rapport à ceux habitant la ville, probablement parce que plus de la moitié des enfants provenant du milieu rural avaient entre 5 et 7 ans (Figure 5), et que cette tranche d'âge avait enregistré les meilleurs scores dans la dimension des nausées avec une signification statistique importante (p = 0.001) (tableau XV).

Figure 5: Répartition des patients inclus par type d'habitat selon leur âge.

d. Couverture médicale

Pour notre échantillon, nous avons constaté une association positive entre la couverture médicale RAMED et la QVLS des patients inclus. Cette observation pourrait s'interpréter de deux façons : soit que cet effet soit dû au circuit administratif des ramédistes qui est plus aisé et moins exigent que le circuit imposé aux patients couverts par les assurances maladie, soit qu'il s'agisse d’un résultat biaisé par le fait que la majorité des patients couverts par le RAMED dans notre série étaient majoritairement âgés de 5 à 7 ans (Figure 6).

e. Statut socio-économique (SSE)

La QVLS rapportée par les parents de notre étude s'altérait de façon significative avec la diminution de leur SSE. Il paraît probable que le manque de moyens augmente l'anxiété et le stress des parents et influence leur perception de la QVLS de leurs enfants malades. Nous retiendrons donc le SSE élevé comme un facteur de meilleur QVLS des enfants atteints de cancer.

f. Autres facteurs non explorés

Des études ont montré que certaines attitudes familiales auraient un impact positif sur la QVLS des enfants atteints de cancer, telles que la communication et la cohésion familiale en terme d'interactions entre les parents et leurs enfants,[20, 35] d'autres caractéristiques influenceraient négativement la QVLS des patients, à savoir les problèmes psychologiques et le stress parental chronique.[20, 32]

Le soutien social serait également un prédicteur important de la QVLS des patients,[3] sans oublier l'identité culturelle et l'identité religieuse qui auraient une influence potentielle sur le bien-être des patients par le biais du recours aux croyances et aux pratiques religieuses pour y chercher refuge contre les circonstances accablantes du cancer.