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2.3 État de l’art

2.3.2 Évaluation de la performance du transport aujourd’hui

Améliorer la performance du transport

Consolidation et mutualisation Afin d’améliorer la performance du transport de marchandises suivant a minima le triptyque «coût, délai, qualité » nous observons dans la littérature couramment 2 stratégies :

— La consolidation : Pan (2010) le définit comme un «Principe qui consiste à

réunir plusieurs chargements indépendants en une expédition unique afin de réaliser des économies d’échelle sur le coût du transport ».

— Lamutualisation : À partir d’une étude de la littérature Pan (2010) le définit

commela co-conception, par des acteurs ayant un objectif commun, d’un réseau

logistique dont les ressources sont mises en commun (entrepôts, plateformes, moyens de transport, etc.) afin de partager des schémas logistiques, ainsi que la mise à disposition à un ou des tiers des données nécessaires à la gestion.

Ces deux stratégies, détaillées en annexe partie B.1, ont été largement explorées dans la littérature scientifique. Alors que la mutualisation est à la base de l’Internet

Physique décrit partie1.4.4, la consolidation est abordée en grande partie au travers

de laconsolidation en moyen de transport avec la résolution du « Vehicle Routing Problem » (Pillac et al.,2013) et pléthore de déclinaisons.

Le Vehicle Routing Problem Ce problème formulé à l’origine par Dantzig et al. (1959) était appelé le « Truck Dispatching Problem ». Son objectif principal (Toth

et al., 2002) était alors de minimiser le coût total du transport en minimisant la distance parcourue et/ou le nombre de véhicules nécessaires et/ou encore les pénalités en cas de retard. Ainsi, dans bien des cas, la résolution de ce problème conduit à une recherche de performance en matière d’efficience.

Toutefois, ces optimisations sont menées également afin de livrer les destinataires dans les temps et dans les quantités escomptées. Ainsi, en un sens, il s’agit également d’une question d’efficacité, la résolution du VRP permettant a minima de trouver des solutions, qu’elles soient ou non optimales. Le fait de trouver (ou pas) au moins une solution est en soit d’ailleurs une évaluation de la pertinence du système. En effet, la résolution du problème VRP peut alors indiquer si l’objectif est atteignable avec les ressources données.

Ce problème d’optimisation a donc été largement exploité, la complexité du problème d’une part et les nombreuses méthodes de résolution possibles d’autre part ayant conduit à une profusion d’articles sur la question ces 50 dernières années. Ces recherches étaient d’ailleurs soutenues par le développement de capacités de calcul permettant alors la résolution de problèmes de plus en plus complexes. Dans leur revue de littérature, Braekers et al. (2016) relèvent pas moins de 277 articles de journaux publiés sur le sujet entre 2009 et 2014 avec certaines restrictions (terminologie et facteur d’impact de la revue par exemple).

Indicateurs pour le transport

Indicateurs de performance Sur les 277 articles analysés par Braekers et al. (2016), 219 ont pour fonction objectif la distance parcourue, 34 le temps de trajet et 13 une combinaison des 2. Aussi, la majorité des articles qui traitent le problème VRP utilisent des indicateurs de performance centrés quasi systématiquement sur un objectif d’amélioration de l’efficience (coûts), de l’efficacité (qualité et délai), voire de la pertinence.

Si nous nous focalisons sur ceux dont la fonction objectif n’est pas a priori liée à un coût, un seul considère la diminution des risques comme étant un objectif et pour cela les convertit toutefois comme un coût potentiel à minimiser (S. Yan et al.,2012). Cette technique de conversion en coût est d’ailleurs souvent utilisée pour diminuer le retard (Bolduc et al., 2010; Han et al., 2014), considérer la péremption des produits (Amorim et al.,2014), ou encore maximiser le nombre de clients livrés (Azi et al.,

2010). Cette technique est également utilisée pour maximiser la satisfaction des clients, élément essentiel dans le domaine de la santé pour assurer la continuité de service. Di Mascolo et al. (2017) établit une revue de littérature sur ces questions, et Di Mascolo et al. (2018a) et Hajri et al. (2017) y apporte des solutions là encore basées sur une optimisation des coûts et de temps de travail.

D’autres travaux de recherche s’intéressent spécifiquement au transport de produits dangereux (Batta et al., 2013; Nagurney et al., 2015; Soeanu et al., 2015; Talarico et al., 2015a), chers (Radojičić et al., 2018; Repolho et al., 2018) ou sensibles à la température (Agustina et al., 2014; Duret et al.,2014; Karaoğlan et al., 2017). D’autres encore se focalisent sur des indicateurs liés au développement durable (Kuo et al., 2011; J. Lin et al., 2016; van Heeswijk et al., 2019). Nous développons ces approches en annexe partie B.2.

Indicateurs de performance utilisés sur le terrain

Tentative globale Afin d’évaluer la performance des réseaux logistiques de chaque pays, un indicateur a été développé par la banque mondiale, le «Logistics Performance

Indicator » (LPI) (Arvis et al.,2018). En publiant un dossier chaque année depuis

2007, basé sur une enquête auprès de professionnels du transport au niveau mondial, les auteurs attribuent à chaque pays une note basée sur les 6 thématiques suivantes :

1. Douanes 2. Infrastructures

3. Facilité à organiser un transport

4. Qualité des services logistiques proposés 5. Ponctualité

6. Pilotage et traçabilité

Experts transport Afin de rentrer dans le détail des activités de transport sur le terrain, nous avons interrogé des transporteurs, chargeurs et consultants ayant, ou ayant eu, à gérer ce type d’activité. Il s’agit de :

M. Jean François Bossebœuf : Responsable du pôle Transport du Groupe

Pierre Fabre

État de l’art

M. Ludovic Bouttemy : Responsable Approvisionnement et Transport de la

région Auvergne Rhône Alpes à l’Établissement Français du Sang

M. Stéphane Braud : Gestionnaire des Transport Nationaux à l’Établissement

Français du Sang

Mme Christine Carletti : Ex-directrice de transport routier de marchandises,

actuellement membre de la direction d’un éditeur de TMS

M. Frédéric Charles Lefebvre : Consultant Senior en supply chain et transport

M. Jean Luc Maurat : Consultant Senior en conseil stratégique et opérationnel

en supply chain

M. Romuald Prudence : Responsable Approvisionnement, Transport et Organi-

sation de collecte de la région Haut de France et Normandie à l’Établissement Français du Sang

Leurs retours issus du terrain, de relations quotidiennes entre acteurs du transport (chargeurs, transporteurs, transitaires, etc.), fournissent une vision plus concrète sur laquelle nous baser pour développer notre modèle. Ces échanges ayant pour thème «Les indicateurs utilisés dans les activités de transport » ont été réalisés par téléphone, à raison d’environ 1h d’entretien par personne, entre mi-avril et mi-mai 2019.

La complexité des interactions entre parties prenantes et la diversité des variables sont 2 éléments relevés dans tous les entretiens. Il est très facile, si nous n’y prenons pas garde, de faire des déductions fausses basées sur des indicateurs qui comparent ce qui n’est pas comparable ou ne prennent pas en compte telle ou telle spécificité. Par exemple, un expéditeur évitera d’imputer une pénalité de retard de livraison à un transporteur, si ce dernier était contraint par les horaires d’ouverture du sous-traitant du client destinataire. Ce cas très simple est symptomatique du nombre de parties prenantes en jeu et de la difficulté à apprécier la chaîne logistique dans son ensemble. Un résumé plus exhaustif de ces retours d’expérience est présent en annexe partie

B.3.

Point de vue chargeur Le premier élément relevé est l’importance de connaître, le plus précisément possible, les besoins en transport avec une granularité au produit, avant même de définir des indicateurs. Ces besoins étant amenés à varier, il est essentiel de les placer sous surveillance au travers d’indicateurs précis. Parmi eux nous retrouvons le triptyque «coût, délai, qualité » :

Coût : suivi des coûts facturés par les transporteurs que ce soit par site

expéditeur, par couple expéditeur/destinataire, par région ou pays desservi, par type de produit expédié, par type de prestations de transport, par prestataire, etc.

Qualité : construction de taux tels que le taux de réclamations du destinataire,

taux de livraisons conformes (horaire, lieu, état), taux d’unités de manutention cassées ou encore le taux d’unités de manutention manquantes. La mesure de la réactivité du transporteur à détecter et signaler une anomalie au chargeur peut également être mesurée. Ces taux sont construits par rapport à de nombreuses valeurs différentes suivant les besoins d’analyse : par prestataire, par segment de livraison, par type de produit transporté, par pays, par livraison, par envoi, etc.

Indicateurs pour le transport

Délais : en général ces indicateurs sont ramenés à un indicateur de qualité

dans le sens respect du service attendu.

Dans tous les cas, les experts interrogés mettent en avant l’importance d’avoir une vision d’ensemble du processus sur toute la chaîne de transport du produit depuis son expédition jusqu’à sa réception. Aussi, il est certes difficile mais essentiel de récupérer des données homogènes, c’est-à-dire qui ont le mêmesens (ces données sont l’image des mêmes faits), afin de pouvoir les compiler. Ceci est d’autant plus intéressant et potentiellement difficile lorsque les chargeurs sont en contrat avec plusieurs acteurs du transport (transporteurs, commissionnaires, transitaires, etc.).

Point de vue transporteur Le transporteur est susceptible de s’intéresser à des indicateurs similaires pour suivre sa performance (triptyque «coût, délai, qualité ») et, en plus de cela, à la bonne utilisation des ressources qu’il met à disposition de ses clients :

Organisation de transport : Il s’agit en général de critères d’efficience, basées

sur des critères de remplissage du véhicule et de distance parcourue : Nombre d’unités de manutention par livraison, taux d’utilisation des véhicules, nombre de sites livrés, distance parcourue à vide, etc.

Performance en terme de développement durable : Ces indicateurs évaluent la

performance des véhicules en matière de consommation énergétique et donc de coûts en général : consommation totale et moyenne en carburant, nombre de coup de frein et rejets de particules fines par exemple.

Performance des employés : Ces indicateurs évaluent le comportement des per-

sonnels de transport : nombre d’amendes, de sinistres, d’accidents, respect des temps de pause ou pour un manutentionnaire mesure de latonne.homme.heure. Pour un transporteur qui a recours à de la sous-traitance il est également intéressant de suivre ses coûts de sous-traitance et sa part vis-à-vis de son chiffre d’affaires. Des indicateurs de satisfaction client, basés sur des indicateurs propres à chaque activité et type de service rendu peuvent également être construits.

Bilan des retours métier Les retours d’expérience de ces experts métier mettent en avant plusieurs éléments :

1. Premièrement, le transport est une activité pour laquelle le suivi et le pilotage sont complexes, eu égard aux différentes parties prenantes et au caractère décentralisé de cette activité.

2. Deuxièmement, l’accès aux données évènementielles de traçabilité des colis et des véhicules est indispensable.

3. Troisièmement, le traitement de ces données, leur interprétation et la comparaison de la performance des services de transport sont des éléments à manier avec précaution, en particulier si les périmètres sont différents.

4. Enfin, une vision processus, centrée sur les évènements subis par les colis, devrait permettre d’accroitre la lisibilité du processus de transport et donc de définir avec acuité les responsabilités.

État de l’art

Une tentative de normalisation des évènements dans le transport routier a été lancée en 1988 par le «Group of Terrestrial Freight Forwarders » (GTF, 2019) composé initialement de transporteurs, au travers de la norme INOVERT ®, basé sur le standard d’«Échange de données informatisées pour l’administration, le commerce

et le transport » (EDIFACT) (ISO, 2019). L’objectif ici est de typer chaque étape

via un statut en 3 lettres et une justification associée en 3 lettres également.

Indicateurs de pilotage des colis, des manques à combler

Qu’ils soient issus du milieu industriel ou académique, ces indicateurs peuvent être pertinents pour évaluer la performance du transport suivant de nombreuses dimensions. Cela semble valable que le pilotage soit centralisé ou décentralisé. Malgré tout, même s’ils permettent de dresser un constat, considérant les évolutions attendues des réseaux logistiques (cf. chapitre 1), ces indicateurs ne semblent pas suffisants pour piloter un colis en temps réel sur le réseau logistique, et ce pour plusieurs raisons que nous détaillons :

1. Décision en temps réel : Aucun indicateur ne fournit d’indications sur le routage des colis en temps réel, quel que soit le type de critère (coût, délai, qualité), ce qui semble nécessaire si on veut envisager un

pilotage décentralisé.

2. Individualisation : Au travers de ces indicateurs nous constatons que la performance du transport d’un colis est encore intimement liée à la performance des (tournées de) véhicules et pas à celle de chaque acteur qui intervient spécifiquement. De plus, dans le cas de réseaux de messagerie, la performance est considérée globalement, sans distinction d’acteurs, ce qui semble insuffisant dans le cadre de réseaux ouverts et collaboratifs.

3. Prise en compte des étapes : Les indicateurs de pilotage centrés sur les délais s’intéressent à l’arrivée sur site destinataire mais ne prennent pas en compte les étapes intermédiaires, étapes qui sont actuellement courantes sur les réseaux de messagerie et devraient a priori devenir la norme (cf. chapitre 1).

4. Prise en compte des risques : Les indicateurs prenant en compte les risques auxquels chaque acteur est exposé ne sont que très peu développés, en particulier sur le terrain pour choisir une route, et encore moins en temps réel.

5. Choix d’un itinéraire : La capacité du réseau à acheminer les colis à temps est étudiée, en particulier dans la résolution du VRP mais n’est pas revue régulièrement en fonction des aléas et opportunités qui se présentent pour router le colis dans la «bonne direction ».

6. Sensibilité des colis : La sensibilité de chaque colis vis-à-vis des évè- nements extérieurs et donc l’impact potentiel d’un évènement imprévu ne sont a priori pas pris en compte pour piloter les colis.

Indicateurs pour le transport

7. Processus de prise de décision : L’utilisation de ces indicateurs doit se faire au travers d’un processus de prise de décision défini pour envisager l’interconnexion des différents acteurs qui interviennent dans le transport.

Nous développons donc dans la partie2.4un ensemble d’indicateurs pour combler ces manques et outiller notre proposition de pilotage décentralisé. L’aspect «décentralisé » est d’ailleurs abordé dans la partie suivante.