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Chapitre 5 : La condition cardiorespiratoire

5.3 Évaluation de la condition cardiorespiratoire

La condition cardiorespiratoire peut être évaluée directement à l’aide d’une épreuve d’effort maximal avec mesure des échanges gazeux. Afin d’être valide, une épreuve d’effort maximal doit respecter certains critères. Ces critères, ainsi que toute l’information entourant la préparation, l’administration et la supervision de l’épreuve d’effort, sont résumés dans un guide publié en 2010 par l’AHA.240 Sans entrer dans les détails, il est

important de considérer certains éléments afin d’assurer la validité d’une épreuve d’effort. Spécifiquement, le protocole doit permettre à l’individu d’atteindre un effort maximal limité par la fatigue entre 8 et 12 minutes d’effort. En effet, une épreuve d’effort trop courte ne permet pas l’obtention d’une relation linéaire entre la VO2

et la charge d’entraînement, alors qu’un test trop long risque d’être arrêté en raison d’une fatigue musculaire plutôt qu’en raison de limitations cardiopulmonaires. Concernant les tests réalisés sur tapis roulant, il est important de s’assurer que le participant ne se tienne pas aux rampes entourant le tapis. En effet, cette action atténue la charge de travail et affecte ainsi la relation entre la charge et la VO2. Généralement, un effort est

considéré comme maximal si les trois critères suivants sont atteints : 1) la fréquence cardiaque du participant dépasse 85 % de sa fréquence cardiaque maximale prédite en fonction de l’âge (220-âge), 2) le quotient respiratoire du participant exprimé par le volume de dioxyde de carbone expiré sur le volume d’oxygène consommé (VCO2/VO2) est supérieur ou égal à 1,10 et 3) on observe un plateau de la consommation d’oxygène

malgré une augmentation de la charge. Plusieurs autres aspects en lien avec l’épreuve d’effort maximal sont évidemment importants à considérer, mais sortent du cadre de ce mémoire et ne seront donc pas abordés ici.

Comme mentionné précédemment, l’épreuve d’effort maximal avec mesure des échanges gazeux est la méthode privilégiée dans l’évaluation de la condition cardiorespiratoire.7 En plus de mesurer directement la

VO2, elle possède l’avantage non négligeable d’apporter beaucoup d’autres informations pronostiques et

diagnostiques. Cependant, l’utilisation de cette méthode en milieu clinique présente certains désavantages. Une expertise est nécessaire dans l’administration du test en raison de sa complexité. Une supervision médicale est également souvent requise afin d’assurer la sécurité du test. De plus, il est important de considérer la

disponibilité du matériel, ainsi que les coûts qui y sont associés. Il existe d’ailleurs d’autres façons de mesurer la condition cardiorespiratoire.

En l’absence d’analyseurs de gaz, la condition cardiorespiratoire peut être évaluée indirectement à l’aide d’épreuves d’effort maximal ou sous-maximal.7 Ces tests permettent effectivement d’estimer la VO2 à

partir d’équations de prédiction. Dans le cas des épreuves d’effort maximal, les équations utilisent la fréquence cardiaque maximale atteinte durant le test, ainsi que la charge d’entraînement la plus élevée complétée par le participant. Dans le cas d’un test sur tapis roulant, la charge correspond à la vitesse et à l’inclinaison au dernier palier complété du protocole de test sélectionné, alors que sur ergocycle, il s’agit plutôt de la puissance maximale exprimée en watt déployée par le participant. Les épreuves d’effort sous-maximal utilisent, quant à elles, une régression linéaire afin d’estimer la charge maximale qui serait atteinte par le participant à sa fréquence cardiaque maximale théorique (220-âge). Afin d’obtenir une stabilité dans la fréquence cardiaque à une charge d’entraînement donnée et permettre l’estimation la plus juste possible de la charge maximale potentielle, un minimum de 2 paliers d’au moins 3 minutes est nécessaire. De plus, il est recommandé que ces paliers permettent l’atteinte d’une fréquence cardiaque supérieure à 110 battements par minute afin d’éviter que des facteurs présents en début d’effort comme l’anxiété puissent influencer la mesure.259 La réalisation de ces

tests, bien qu’elle nécessite du matériel moins spécialisé, requiert également l’utilisation d’un ergomètre. De plus, si la fréquence cardiaque du participant est affectée par un problème de santé ou une médication, l’utilisation des équations de prédiction dans l’estimation de la condition cardiorespiratoire est impossible.

Afin de rendre l’évaluation de la condition cardiorespiratoire plus accessible, il existe des tests plus simples pouvant être réalisés sur le terrain ou en clinique. Le principal avantage de ces tests est qu’ils ne nécessitent que très peu de matériel.7 Par exemple, une équation permet d’estimer la VO2max en combinant le

temps nécessaire au participant pour parcourir la distance de 1,6 km (1 mile).260 Ce type de test est souvent

utilisé dans les écoles. On doit également faire référence au test de marche de 6 minutes qui permet d’estimer la VO2max à partir de la distance parcourue par le participant en 6 minutes.261,262 Ce type de test est davantage

utilisé en clinique auprès de patients déconditionnés présentant une maladie pulmonaire obstructive chronique ou une insuffisance cardiaque. Bien qu’ils soient moins précis, les tests réalisés sur le terrain ou en clinique permettent tout de même d’estimer la condition cardiorespiratoire de manière acceptable.7

Il est également possible d’évaluer la condition cardiorespiratoire sans avoir recours à un test d’effort. En effet, il existe plusieurs équations permettant de prédire la VO2max rapidement et sans matériel.263 Ces

équations utilisent des variables facilement accessibles en clinique comme l’âge, l’IMC, la circonférence de taille et l’activité physique rapportée. Bien qu’elles ne remplacent pas une évaluation directe de la condition cardiorespiratoire, les équations permettent de l’estimer de manière rapide et raisonnable.7

Il est évident qu’une mesure directe de la condition cardiorespiratoire est idéale. Cependant, il est important de souligner qu’il est possible, même en l’absence de matériel spécialisé, d’évaluer la condition cardiorespiratoire indirectement et de manière satisfaisante par différents tests. En l’absence d’alternatives, les équations de prédiction peuvent l’estimer de manière acceptable. Il est essentiel de se rappeler que sa mesure sert surtout à identifier les individus avec une mauvaise condition cardiorespiratoire dont le risque cardiométabolique est plus élevé.

Dans le but d’expliquer l’association entre une bonne condition cardiorespiratoire et un faible risque cardiométabolique, plusieurs équipes de recherche se sont intéressées à ses interactions avec l’adiposité viscérale, le contenu en lipides du foie et des marqueurs du risque cardiovasculaire traditionnels comme l’homéostasie du glucose et de l’insuline.

5.4 Adiposité viscérale, contenu en lipides du foie et homéostasie

du glucose et de l’insuline : associations avec la condition

cardiorespiratoire

Arsenault et coll. se sont intéressés à l’adiposité viscérale et à son rôle dans l’association entre la condition cardiorespiratoire et le profil de risque cardiométabolique auprès de 169 hommes.264 En accord avec

la littérature, ils rapportent une adiposité viscérale significativement plus importante chez les individus classés dans le tertile inférieur de condition cardiorespiratoire en comparaison à ceux du tertile supérieur.265,266 De plus,

les hommes avec une mauvaise condition cardiorespiratoire présentent un bilan lipidique moins favorable avec davantage de triglycérides, d’apolipoprotéines B-100 et un ratio cholestérol total/HDL élevé en comparaison aux hommes avec une bonne condition cardiorespiratoire. Également, ils rapportent que pour un même IMC, les hommes avec une condition cardiorespiratoire moindre présentent une adiposité viscérale plus importante et un profil métabolique détérioré en comparaison à ceux avec une bonne condition cardiorespiratoire. Cependant, en appariant les hommes en fonction de l’adiposité viscérale, la condition cardiorespiratoire n’est plus associée de manière significative au profil cardiométabolique. Ces résultats suggèrent donc que l’association entre la condition cardiorespiratoire et le profil de risque cardiométabolique dépend de l’adiposité viscérale.

Une autre étude réalisée par Rhéaume et coll. a investigué la contribution de la condition cardiorespiratoire et de l’adiposité viscérale dans les changements du profil de risque cardiométabolique sur 6 ans.267 Les résultats rapportent que les changements dans l’adiposité viscérale sont associés négativement aux

changements dans la condition cardiorespiratoire. De plus, ils soulignent que l’adiposité viscérale est le plus important prédicteur des changements dans le profil de risque cardiométabolique. En accord avec ce qui a été

présenté plus tôt dans ce chapitre, les auteurs complètent que l’ajout de la condition cardiorespiratoire améliore significativement le pouvoir de prédiction du risque cardiométabolique de leur modèle.

Les travaux réalisés par Borel et coll. rapportent qu’une amélioration de la condition cardiorespiratoire à la suite d’une intervention en activité physique et en nutrition d’une durée de 3 ans chez 94 hommes présentant une obésité viscérale est associée à une amélioration du profil de risque cardiométabolique.268 L’équipe de

recherche rapporte que l’amélioration de la condition cardiorespiratoire a contribué à la réduction de l’adiposité viscérale et du contenu en lipides du foie, ce qui s’est traduit par une amélioration des marqueurs du risque cardiométabolique. Il est important de mentionner que ces résultats sont observés malgré un regain de poids partiel entre la première et la troisième année de suivi de l’étude.

L’association négative entre la condition cardiorespiratoire et le contenu en lipides du foie a aussi été documentée.269–273 Dans une étude comptant 218 participants, Church et coll. ont observé une association

négative entre les catégories de condition cardiorespiratoire et la prévalence de NAFLD indépendamment de l’IMC.270 Cependant, cette relation est atténuée lorsque l’adiposité viscérale est incluse dans le modèle.

Cette brève revue de la littérature indique que l’adiposité et possiblement le contenu en lipides du foie jouent un rôle de médiateurs dans l’association entre la condition cardiorespiratoire et la santé cardiométabolique. Cependant, les contributions respectives de l’adiposité viscérale et du contenu en lipides du foie dans l’association entre la condition cardiorespiratoire et l’homéostasie du glucose et de l’insuline demeurent inconnues (Figure 5).

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