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Comment étudier les liens entre formes urbaines et insécurité routière ?

Chapitre 3 Démarche générale pour l’étude des liens entre formes

3.1 Comment étudier les liens entre formes urbaines et insécurité routière ?

insécurité routière ?

Les études traitant du lien entre urbanisme et sécurité routière prennent souvent en compte de façon désagrégée les différentes caractéristiques des voies ou de leur environnement. Les quelques rares recherches étudiant la combinaison des influences

21 Le terme de forme urbaine renvoie ici à une partie de ville, que ce soit du point de vue morphologique

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des différentes variables sont très quantitatives et ne permettent pas de comprendre les processus à l’œuvre dans la production d’accidents de la circulation (Millot, 2000). Or pour étudier les liens entre forme urbaine et insécurité routière, il faut tenir compte des nombreux aspects de la forme comme ceux ayant trait à sa morphologie ou à son fonctionnement. De plus, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, l’analyse ne peut pas être quantitative puisqu’il faut identifier les problèmes de sécurité pour savoir s’ils sont gérables. Il nous faut donc recourir à des méthodes plus adaptées pour étudier les formes urbaines. C’est essentiellement dans le domaine de la morphologie urbaine que ces méthodes d’analyse ont été fortement développées.

Ainsi, pour étudier les formes urbaines, Borie et al. ont procédé par décomposition “horizontale” par “niveaux constitutifs” (1981, p. 20). La décomposition en “niveaux” procède par délitage dans le sens où elle “décolle” les uns des autres des ensembles homogènes qui sont normalement superposés et naturellement imbriqués. Les niveaux n’ont pas une existence en soi. Ils ne prennent sens que dans leurs relations aux autres. Mais leur dissociation permet leur analyse. Pour Pinon (1988), cette méthode d’analyse de la morphologie urbaine est la plus performante. Elle permet notamment d’étudier les rapports entre les différents éléments des formes urbaines lors de la recomposition. Les “niveaux” étudiés par Borie et al. sont au nombre de quatre : le parcellaire, le viaire, les masses bâties et les espaces libres (1981). Leur décomposition est fortement axée sur l’aspect morphologique des formes urbaines. Elle ne tient pas compte, par exemple, des caractéristiques des populations y habitant. Or pour notre travail, nous avons vu qu’il fallait prendre en compte de nombreux autres aspects des formes urbaines. C’est donc essentiellement le principe de décomposition que nous allons retenir. Et les “niveaux” à étudier pour la sécurité routière sont à définir. Ils sont alors appelés “propriétés” et se déclinent en “modalités”. Par exemple la propriété référant au type de bâti peut se décliner suivant les modalités telles que habitat individuel, habitat collectif ou encore habitat mixte.

Il existe de nombreuses propriétés des formes urbaines. Cependant notre travail est axé sur leurs liens avec l’insécurité routière. Nous nous intéressons donc uniquement aux propriétés ayant une influence sur la sécurité. Celles-ci peuvent être d’ordres morphologique, structurel ou fonctionnel, comme nous l’avons vu. Chacune se décline en modalités. Et ce sont ces modalités et leurs interactions qui vont avoir des effets spécifiques sur les problèmes de sécurité (voir Figure 5). Par exemple, une propriété peut se référer à l’organisation du réseau. De nombreux travaux ont en effet montré l’influence de celle-ci sur la sécurité routière (ex : OCDE, 1979 ; Henning-Hager, 1986). S’il est organisé selon un principe de séparation des trafics, il n’a pas les mêmes impacts en termes d’accidentologie qu’un réseau traditionnel (voir le chapitre 2). Ce n’est alors pas le réseau en soi qui a une influence sur la sécurité, mais bien la façon

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dont il est organisé. Les différentes déclinaisons possibles de son organisation constituent les modalités de la propriété.

Figure 5 : Principe de décomposition des formes urbaines en propriétés ayant une influence sur la sécurité routière

L’étude des liens entre formes urbaines et insécurité routière passe donc par la décomposition des formes en propriétés ayant une influence sur la sécurité. La démarche consiste alors à déterminer ces propriétés ainsi qu’à analyser leurs effets sur l’accidentologie, au travers de leurs modalités. Ces propriétés peuvent être de nature très différente, comme nous l’avons vu. Du fait de l’importance du caractère dynamique des espaces urbains pour notre question, elles renvoient à tout ce qui permet de décrire des contextes d’action ou des actions. Le but de notre travail est alors d’identifier l’ensemble des propriétés des formes urbaines ayant une influence sur la sécurité. Cependant il est impossible d’atteindre l’exhaustivité dans l’analyse des composants d’un phénomène de ville. Les propriétés qui sont déterminées dans notre travail relèvent donc des caractéristiques les plus importantes des formes urbaines et d’un niveau suffisant de généralité. Par exemple, les bouches d’égout selon leur conception ont des effets divers sur les accidents. Mais elles n’ont pas été étudiées. De plus, les propriétés identifiées sont fortement influencées par les possibilités d’action et la question générale de la gestion.

La dernière étape de la démarche consiste à recomposer les problèmes de sécurité des formes urbaines à partir des différentes propriétés et de leur influence sur l’accidentologie. C’est au cours de celle-ci que le caractère dynamique des espaces

Propriété ayant une influence sur la sécurité routière n°1

Propriété ayant une influence sur la sécurité routière n°2 Forme urbaine Modalité 1a Modalité 1b Modalité 2a Modalité 2b Modalité 2c Problèmes de sécurité routière et ou ou ou Problèmes de sécurité routière

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urbains peut être pris en compte. D’une part, l’évolution des formes urbaines entraîne des modifications dans les modalités et dans leurs interactions qui vont se traduire par des changements dans les types d’accidents rencontrés. Par exemple, une fermeture des rues d’un quartier résidentiel entraîne une modification en termes d’organisation des réseaux mais aussi en termes de problèmes de sécurité routière (voir 2.3.2). D’autre part, il faut tenir compte des possibilités de gestion que les formes urbaines comportent. La ville est source de conflits : conflits de flux, entre les différents types d’usagers, conflits de manœuvres, conflits d’activités,… Le principe de la gestion consiste alors soit à éliminer ces conflits, en séparant les différents flux par exemple, soit à faire en sorte que la cohabitation entre usages et entre usagers se passe au mieux. Il a une influence sur les propriétés, même si certaines sont plus facilement traitables que d’autres. Par exemple, le principe de “modération de la circulation” consiste à concilier les différents usages de la voie et à améliorer la cohabitation des divers usagers. Il entraîne des modifications, entre autres, dans l’organisation des réseaux, donc dans les modalités de la propriété et en parallèle génère des changements dans les types d’accidents rencontrés (ex : Brilon et Blanke, 1990 ; Herrstedt, 1992).

L’étude des liens entre formes urbaines et insécurité routière n’est donc pas directe. Elle se fait en plusieurs étapes. La première consiste à identifier les propriétés des formes ayant une influence sur la sécurité. Et dans la littérature, il n’existe pas de travaux ayant cherché à déterminer l’ensemble de ces propriétés. Il faut donc définir une méthode appropriée pour les identifier. Ensuite, la seconde étape consiste à étudier les effets de ces propriétés sur la sécurité routière, au travers de leurs modalités. La recomposition des problèmes de sécurité à partir des modalités des propriétés définies permet d’établir l’insécurité produite par les formes urbaines. Enfin, la prise en compte de la gestion possible de cette insécurité permet d’identifier les problèmes directement liés aux formes.