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Chapitre 5 : Étude de la croissance et des organisations morphologiques des couches minces

5.3 Étude de l’effet du recuit post-dépôt sur l’organisation morphologique du SrTiO 3

5.3.1 Étude de la réorganisation morphologique

Cette partie est dédiée à l’analyse de l’évolution de la morphologie et de la réorganisation des nanostructures des couches de SrTiO3. L’analyse des nouvelles reconstructions de surface

sous l’effet des recuits post-dépôt à haute température est présentée. Trois substrats de MgO (100) ont été préparés en utilisant les conditions optimisées de recuit (1000 °C pendant 40 min) pour avoir des marches atomiques et des terrasses équidistantes. L’image AFM de la figure 47 (a) montre la surface typique de MgO (100) utilisée pour cette série de dépôts caractérisés par des marches régulières d’une hauteur égale à 0,21 nm et des terrasses uniformes d’une largueur égale à 200 nm, tandis que la figure 47 (b) montre le dépôt typique de la couche de SrTiO3 sur une

surface vicinale de MgO (100) traitée et que nous avons préparé 3 exemplaires pour l’analyse des nouvelles reconstructions de surface sous l’effet des recuits post-dépôt à haute température

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Figure 47 : Image AFM de topographie de la surface de MgO (100) traitée et de la topographie post-dépôt de la couche mince de SrTiO3 synthétisée sur la surface vicinale de MgO (100).

(a) À gauche, l’image AFM de topographie (1 × 1 μm2) typique de la morphologie de surface

de MgO (100) sur laquelle la nouvelle série de dépôt a été effectuée et à droite la ligne de profile le long des terrasses (b) à gauche, l’image AFM de topographie (1 × 1 μm2) de la

morphologie de surface de dépôt de SrTiO3/MgO (100) avant aucun traitement thermique et à

droite la ligne de profile le long d’une terrasse.

. Comme l’indique la ligne de profile le long d’une terrasse dans la figure 47 (b), une marche d’une hauteur égale à 0,39 nm (1 c. u.), toutes les marches observées sur la topographie AFM présentent la même hauteur, indiquant la formation d’une surface avec une terminaison unique. Selon la valeur de la hauteur de marche, la terminaison de la couche de SrTiO3 est identique sur toute la

surface mais il n’y a pas un caractère discriminant qui permet de savoir si c’est bien la terminaison Ti-O ou Sr-O vu que les deux sont obtenues quand la hauteur de marche est égale a à 0,39 nm.[25] L’existence d’une seule terminaison dans les couches déposées de SrTiO3 est d’une grande

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importance puisque la majorité des applications avancées nécessitent un contrôle précis de la terminaison afin que les propriétés émergentes soient stables.

Trois exemplaires de couches minces de SrTiO3 synthétisées ayant initialement des

morphologies de surface identique à celle observée en figure 47 (b) sont recuits à des températures de 700 °C, 800 °C et 900 °C, respectivement pendant une durée d’une heure et sous une atmosphère oxygénée (~ 80 sccm) comme illustrée dans le profil thermique de la figure 48. L’atmosphère oxygénée permet le maintien de la stœchiométrie et favorise la présence de marches. Le but du recuit à haute température est de réorganiser la surface en minimisant son énergie. Une telle réorganisation n’est possible que si nous fournissons assez d’énergie thermique aux atomes pour s’activer et avoir des longueurs de diffusion suffisantes pour trouver l’arrangement le plus stable.

Figure 48 : Schéma illustratif du profil thermique des recuits des dépôts de SrTiO3.

Les recuits de SrTiO3 ont conduit à trois différentes réorganisations de surface. La figure 49

présente les topographies AFM des couches minces de SrTiO3 nanostructurées après les différents

post-recuits à haute température sous oxygène. L’image AFM de la figure 49 (a) montre la topographie AFM après le post-recuit à 800 °C pendant une durée d’une heure dans une atmosphère oxygénée. Nous pouvons constater la présence de terrasses croisées associées à un regroupement de marches lui–même traduit par l’augmentation de leur hauteur (entre 2 et 8 nm). Un accroissement de la température entraîne donc une augmentation de la hauteur de marches ce qui indique une mobilité importante des atomes de surface.

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Figure 49 : Image AFM de topographie de l’évolution de l’organisation des nanostructures de SrTiO3 sur les surfaces de MgO (100) après un recuit thermique à haute température.

(a) 800 °C, (b) 900 °C et (c) Double recuit à 900 °C suivie d’un deuxième recuit à 700 °C. Les profiles qui accompagnent chaque image AFM corresponds à la variation de la hauteur de marche et la largeur de terrasse en fonction de la température de recuit adoptée.

Nous pensons que pendant le recuit thermique, plusieurs mécanismes de transport d’atomes peuvent être mis en jeu. La diffusion en surface et le transport par

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évaporation/condensation sont les principales méthodes de réorganisation. Les deux modes sont influencés par l’atmosphère de recuit thermique. La nature de l’atmosphère thermique peut facilement modifier le mode de diffusion surtout dans le cas des surfaces d’oxydes. Un traitement thermique à température élevée et sous oxygène comme celui adopté dans notre étude permet d’augmenter la mobilité des atomes d’oxygène de la surface et par la suite accélérer la diffusion et engendrer le regroupement des marches et la reconstruction de surface. [113] L’augmentation de la température de post-recuit jusqu’à 900 °C a permis d’obtenir la morphologie observée dans la figure 49 (b). Un changement morphologique surprenant est visible : il consiste en une réorganisation complète de la surface et en la formation de terrasses très larges séparées par des marches régulières de bords très fins. La ligne de profil prise suivant une terrasse montre la formation de marches d’une hauteur supérieure à 4 nm (qui correspond à 10 mailles) et une largeur de terrasse de l’ordre de 1,1 μm. L’organisation des terrasses est intéressante par rapport à la surface obtenue après le post-recuit à 800 °C, une telle évolution de la morphologie montre l’effet très important de la température sur le réarrangement des dépôts et la distribution des terrasses à la surface. La comparaison avec l’échantillon D2 de la figure 42 (c), confirme une augmentation importante de la largeur des terrasses et de la hauteur de marches. Rappelons-nous que l’élargissement des terrasses présente un état de moindre énergie par rapport à l’état initial suivant l’équation 2.6 (chapitre 2).

Nous soulignons que les échantillons sont orientés et les terrasses apparaissent systématiquement sous un angle proche de 45°. Ceci indique que les surfaces verticales des terrasses sont d’une nature (110). Selon l’étude de Sano et al. [157] basés sur la formation de facettes dans des nanocristaux et le théorème de Wulff, c’est la surface (100) qui a une énergie légèrement inférieure aux énergies des surfaces (110) et (111). Notre résultat est en désaccord avec cette conclusion.

L’image AFM présentée dans la figure 49 (b) indique aussi que la surface des terrasses est constituée d’îlots dont certains sont bien individualisés et ramifiés alors que d’autres sont attachées les uns aux autres. Les îlots forment des nanostructures dendritiques avec des dendrites larges. L’agrandissement de l’image AFM de la figure 49 (b) montré dans la figure 50 (a) permet de bien distinguer les nanostructures fractales bidimensionnelles formées à la surface de chaque terrasse. L’image AFM indique l’uniformité de distribution des dendrites et la coalescence entre elles pour former des larges nanostructures interconnectées. [158] La présence de ce type de

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nanostructures fractales (voir la figure 50 (b)) sur les terrasses après post-recuit peut être expliquée par le mécanisme de diffusion des atomes à la surface. [159]

Figure 50 : Réarrangement morphologique et formations des structures fractales.

(a) Image AFM de topographie (1 × 1 μm) de la morphologie des fractales de STO après un post-recuit à T ~ 900 °C pendant heure, (b) Image AFM d’une structure fractale 2D, (c) Illustration schématique d’une fractale qui montre la coalescence entre différents atomes pour former les dendrites.

Lors de la diffusion d’un grand nombre d’atomes déposés sur la surface, une liaison entre deux atomes peut se former à la suite d’une collision et ainsi une molécule peut se former. L’énergie de cette dernière est supérieure à celle d’un atome isolé. À partir d’un seuil, les îlots formés de ces molécules restent fixes, car l’énergie nécessaire pour leur diffusion est plus importante que l’énergie qu’ils possèdent. Le déplacement de ces larges structures compactes dépend donc de leur taille et de la température du substrat. De plus, en présence de larges terrasses, les îlots formés diffusent lentement le long d’une marche et sont en mesure de coalescer avec d’autres îlots sur la terrasse et former une structure plus grande avant d’atteindre la marche en raison de la faible vitesse de diffusion. L’organisation spontanée en fractales le long de la marche est pilotée par la température de la surface. Les fractales formées sont des formes hors équilibre d’un point de vue thermodynamique et morphologique. En cas d’excès d’énergie, les nanostructures formées tendent à relaxer ce qui engendre une réorganisation des nanostructures à la surface

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suivie de la formation d’un nouveau réarrangement morphologique, l’évolution du système vers l’équilibre peut être activée par un recuit à une température plus faible.

Pour obtenir une surface en équilibre stable et limiter la formation de nanostructures fractales, nous avons pensé à réaliser un second recuit à plus faible température de l’ordre de 700 °C. L’image AFM du dépôt après un double recuit (un premier recuit post-dépôt à 900 °C suivi d’un deuxième à 700 °C pendant une heure et sous atmosphère oxygénée) est présentée dans la figure 49 (c). La figure 49 (c) topographique indique la formation de larges terrasses équidistantes et similaires à celles reportées dans la figure AFM de la figure 49 (b) avec des marches fines, parfaitement parallèles les unes aux autres. La figure 49 (c) montre la disparition complète des nanostructures fractales. Il apparaît que les îlots initialement formés sont devenus plus larges, ont coalescé et formé une couche continue et dense de SrTiO3. Le nouveau

réarrangement montre que l’apport énergétique a permis aux atomes d’avoir une longueur de diffusion supérieure à la largeur des grandes terrasses pour atteindre les bords de marches et s’incorporer. La ligne du profil morphologique mesurée entre deux terrasses consécutives sur la figure 49 (c) montre la formation de terrasses avec 1 micron de largeur séparé par des marches de 6 nm de hauteur correspondant à 15 mailles atomiques de SrTiO3. Ceci confirme la mise en paquet

des marches (step bunching).

L’analyse quantitative de la ligne de profil de la figure 51 (a) d’une marche montre une largeur de pente égale à 290 nm (figure 51 (b)). L’analyse de la pente montre que les 15 mailles regroupées dans une seule marche sont caractérisées par une largeur de terrasse en moyenne égale à 19,33 nm comme l’indique la représentation schématique de la figure 51 (b). Il est intéressant aussi de mentionner que la ligne de profile montre la présence d’un bourrelet en bord de terrasse (flèche bleue de la figure 51 (a)). Ce bourrelet peut être expliqué par la présence d’une barrière énergétique qui bloque la diffusion des atomes vers la terrasse inférieure et donc empêche le regroupement d’autres petites marches atomiques provenant de la terrasse supérieure. Ce bourrelet est une manifestation directe de la barrière Ehrlich-Schwoebel: les atomes diffusant vers la terrasse inférieure sont empêchés de descendre et restent préférentiellement dans la zone indiquée par une flèche bleue dans la figure 51 (a).

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Figure 51 : Représentation schématique de regroupement de marches formée après le double recuit post-dépôt de la couche mince de SrTiO3 à 900 °C puis à 700 °C pendant 1 heure.

L’analyse quantitative du bord de la marche indique la formation de 15 marches atomiques unitaires avec une largeur de terrasse égale à 19.33 nm.

Pour déterminer la signification statistique de la morphologie AFM obtenue dans la figure 49 (c), nous avons créé un histogramme (figure 52 (b)) qui regroupe les différentes populations de pixels dans l’image AFM (figure 52 (a)). À partir de l’histogramme, neuf différentes populations de pixels peuvent être distinguées. Elles sont directement associées au nombre de terrasses. L’ajustement (le fit) numérique des différents pics de l’histogramme en utilisant une fonction gaussienne montre que toutes les terrasses sont séparées par des marches de même hauteur, égale à 6 nm (~ 15 mailles unitaires). Il est aussi intéressant de mentionner que l’image en phase de la topographie AFM (figure 52 (c)) ne présente aucun contraste entre les différentes terrasses formées ce qui atteste la formation d’une surface avec une unique terminaison.

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Figure 52 : Analyse statistique des terrasses obtenues après le double recuit post-dépôt de la couche de SrTiO3.

(a) Image AFM de topographie (8 × 8 μm2) de la morphologie du dépôt de SrTiO3 /MgO (100)

après le double recuit successif (b) l’histogramme correspondant qui montrant l’ajustement gaussien des différentes populations des pixels, indiquant le nombre exact de terrasses formées ainsi que la hauteur obtenue des marches (c) image AFM en phase de la topographie en (a).

Le dépôt de SrTiO3 à 650 °C sur une surface MgO (100) ayant des marches atomiques nous

a permis d’avoir une couche avec un écoulement de marches dont la hauteur de marche est égale au paramètre d’une seule maille cristalline de SrTiO3 (1 cellule unitaire). Le recuit thermique de

ces dépôts réalisés à 650 °C conduit à différentes réorganisations morphologiques des nanostructures et permet le contrôle des dimensions des terrasses et des marches. Trois reconstructions importantes ont été obtenues sur nos échantillons comme l’indique la figure 53 :

 Avec un recuit post-dépôt à 800 °C, la morphologie de surface a complètement changé selon un régime que nous avons appelé « de transition ». Celui–ci est décrit par la

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formation des terrasses croisées séparées par des marches de hauteurs multiples. Ces hauteurs sont beaucoup plus importantes (2 à 11 cellules unitaires) que celles observées dans le cas d’un écoulement de marches et indiquent un début de regroupement des marches en raison de la mobilité élevée des atomes de bords. Comme il est impossible de décrire cette structure dans le cadre du modèle de terrasses détaillé ci-dessus, nous suggérons qu’il s’agit d’un état de la surface intermédiaire qui sert à remplir des défauts à l’échelle de quelques microns sur la surface.

 L’augmentation du recuit jusqu’à 900 °C a permis la réorganisation des atomes de surface et a favorisé la mise en paquet de marches associée à l’apparition de nanostructures fractales non stables.

 En fin le double recuit post-dépôt à 900 °C et à 700 °C a conduit les atomes et les îlots formés à la surface de passer d’un état hors équilibre à un état plus stable où nous constatons la formation de terrasses très larges d’environ un micron et une mise en paquet de marches caractérisées par des bords très fins.

Figure 53 : Principales réorganisations de surface obtenues après les post-recuits effectués sur les dépôts de SrTiO3 sur les surfaces traitées de MgO (100).

L’illustration montre l’effet important du recuit post dépôt des couches minces de SrTiO3

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