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LE DROIT D’ASILE, UN DROIT AUX CONTENUS SOCIO HISTORIQUES ET JURIDIQUES PARTICULIERS

CADRE NORMATIF DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS AU CAMEROUN

I. L'ÉTAT CAMEROUNAIS À L'ÉPREUVE DE LA PROTECTION JURIDIQUE DES RÉFUGIÉS

L'octroi de l’asile, à l'évidence, est une prérogative discrétionnaire de l’État, en vertu du principe de souveraineté reconnu à chaque entité étatique établie d'un point de vue du droit. C’est pour cela qu’il n’existe pas de critère d'octroi de l'asile universellement défini qui soit accepté de tous.

après le TCHAD, et le 7è dans tout le continent.

384UNHCR Global Trends Forced displacement 2015 : Rapport 2015 du Haut-commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, 2015

385Nous citerons ici le cas du nord de la République centrafricaine, le Nigeria avec les attaques de la secte islamiste Boko Haram, les troubles politiques au Tchad et l’Est de la RDC, où la sécurité et la situation humanitaire demeurent précaires à cause des conflits qui perdurent et qui causent des déplacements massifs des populations qui quittent leurs foyers pour trouver asile dans des zones sécurisées

386A titre de rappel, il s'agit ici de l'Est Cameroun où sont accueillis des milliers de réfugiés d'origine centrafricaine

Aux termes du préambule de la Déclaration sur l’asile territorial adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1967387, l’octroi de l’asile, il est utile de le rappeler, est un « acte pacifique et humanitaire, et qui, en tant que tel, ne saurait être considéré comme inamical à l’égard d’un autre État »388. Cet statut discrétionnaire et souverainiste des États en matière de prise en charge des réfugiés est toutefois atténué par la Convention de Genève de 1951 qui rappelle l'engagement de « protéger » aux États -parties comme étant un impératif. En effet, il est clairement établi à l'Article 23 de la susdite Convention que : « les États contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d'assistance et de secours publics qu'à leurs nationaux»389.

Même si la prise charge des personnes en déplacements forcés est garantie par les États hôte, la protection des réfugiés ne peut être effective qu’à travers une parfaite coopération, une synergie d'actions entre l’État d’accueil et le HCR. C’est le cas du Cameroun qui, engagé dans un élan humanitaire d’assistance aux réfugiés, entretient depuis 1978, une relation étroite avec le HCR, à travers la déclaration de coopération signée entre les deux parties face à l’afflux des réfugiés équato-guinéens, et la signature par le gouvernement camerounais d’un accord de siège en 1982 qui marquera de façon péremptoire son attachement au respect des droits de l’Homme, du droit humanitaire international et des principes humanitaires incarnés dans la protection internationale des réfugiés.Une brève incursion dans l'histoire du Cameroun de la 2è moitié du XXe siècle démontre en effet à pertinence que la solidarité de ce pays du sous-continent africain à l'endroit des déplacés par force est loin d'être nouvelle. A titre d'illustration :

- Entre janvier 1966 et janvier 1970, période où la guerre du Biafra bat son plein au Nigéria, le Nord Cameroun accueille des milliers de réfugiés et principalement les populations nomades et les Haoussa musulmans.

- En 1978, le Cameroun est encore sollicité par un afflux de ressortissants équato- guinéens fuyant la dictature de Macias Nguema, situation qui coïncide d’ailleurs avec une déclaration de coopération entre le HCR et le Gouvernement du Cameroun ;

387Résolution 2312-XXII de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1967

388Cette disposition a été reprise par l’article 2, alinéa 2 de la Convention de l’O.U.A. régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique signée à Addis-Abeba, le 10 septembre 1969, et entrée en vigueur le 20 juin 1974.

- Entre 1979 et la décennie 90, la partie septentrionale est à nouveau sous le choc, avec l’arrivée de plus de 100 000 réfugiés tchadiens fuyant la guerre civile, ce qui permettra au Gouvernement de signer un accord de siège au HCR en 1982 ;

- Entre 1980 et 2000, le Cameroun a accueilli des milliers de Rwandais suite au génocide, puis des Congolais fuyant le régime dictatorial de Mobutu où l’instabilité politique du pays secouait les populations civiles après la démocratisation.

- A la suite de conflits ethniques survenus en janvier 2002 au Nigéria, les grass- fields (Donga Mantung , Banyo) accueillent près de 20 000 ressortissants nigérians ; - En 2003, plus de 3000 éleveurs Mbororo venus de la Centrafrique se sont réfugiés au Cameroun suite aux attaques perpétrées par des milices centrafricaines ;

- En janvier 2004, la région du Mambila frontalière à la Région de l’Adamaoua accueille près de 23 000 éleveurs Mbororo venus du Nigéria à la suite d’un conflit qui les avait opposé à des communautés agricoles de l’État de Taraba390

- En Février 2008, après des attaques de groupes rebelles contre la capitale du Tchad, Ndjamena, 14 350 Tchadiens se sont réfugiés dans des communautés du nord du Cameroun, environ 5 000 d’entre eux se sont établis depuis Mai 2008 dans le camp de Langui situé dans la région du Nord Cameroun391.

- En 2013, suite à l'escalade de la crise socio-politique en RCA, le Cameroun est de nouveau sollicité392 pour accueillir des milliers de centrafricains fuyant les violences dans leur pays, ainsi que des flux massifs de réfugiés nigérians fuyant sensiblement à la même période , les attaques récurrentes perpétrées par la secte islamiste Boko Haram393.

Les proportions massives croissantes des réfugiés au Cameroun394, notamment 390MIMCHE Honoré et Al, Op.cit, p.5

391NSOGA, Robert Ebenezer : Le HCR à l'épreuve de la sécurité alimentaire des réfugiés en Afrique,Cas

des réfugiés tchadiens du Camp de Langui ( Nord-Cameroun), Op.cit

392Selon Médecins Sans Frontières – MSF- les conflits et affrontements entre groupes armés pour le contrôle des ressources et des territoires ont entraîné une escalade de la violence en République Centrafricaine en 2013, depuis le renversement du régime du président François Bozizé par la Séléka par une coalition venue du nord-est du pays. Les populations civiles ont été victimes de violences de masse et d’exactions ciblées qui ont fait des milliers de morts et de blessés.Villages brûlés, exécutions, pillages : les exactions contre les populations prises au piège des combats se sont intensifiées en 2017, atteignant des niveaux de violence extrême qui n’épargnent personnes.Plus d’un million de Centrafricains ont fui les combats et les exactions, espérant trouver refuge dans des pays voisins,à l'instar du Cameroun et du Tchad ou des enclaves (camps, quartiers et bâtiments protégés par des troupes internationales).

https://www.msf.fr/eclairages/rca-une-population-livree-a-la-violence, Consulté le 20 Septembre 2018 393Ces milliers de réfugiés nigérians dont nous préciserons plus loin, les conditions d'assistance , sont accueillis dans le Camp de Minawao situé à l'extrême Nord du Cameroun.

394Le MINREX dénombre près de 400000 réfugiés et demandeurs d’asile dont 14600 vivent en zone urbaine et pris en charge par le HCR, en dehors des 228000 personnes déplacées à l’intérieur du pays et des communautés d’accueil.

ceux identifiés dans les régions de l’Est et de l’Adamaoua, zone dite d’installation des réfugiés centrafricains395 et les réfugiés nigérians du camp de Minawao dans la région de l'Extrême Nord sont devenues durant la dernière décennie, importantes et par voie de conséquence préoccupantes, ce qui pose tout le défi de leur assistance, de leur gestion, en un mot, de leur protection.

En l’espèce, s’il est vrai que cette protection trouve toute sa légitimité à l’aune de l’onction juridique internationale ancrée dans divers instruments juridiques internationaux tel qu’indiqué plus haut, il n’est pas superflu d'observer dans la position de l’État du Cameroun, une volonté réelle de se mouvoir dans cet élan humanitaire en apportant assistance et protection aux personnes déplacées par force. La dynamique juridico-légale de protection des réfugiés dans l'espace camerounais est perceptible tant dans le déploiement des institutions internes de protection des réfugiés que dans son ordonnancement juridique.

A). L'adoption de la loi N°2005/006 du 27 Juillet 2005 portant statut des réfugiés au