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L’ÉTAT D'ACCUEIL, INSTITUTION CENTRALE DANS LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS : ENTRE EXPRESSION D'UNE SOLIDARITÉ ET

LA DYNAMIQUE D'ENCADREMENT INSTITUTIONNEL DES RÉFUGIÉS EN CONTEXTE CAMEROUNAIS

L’ÉTAT D'ACCUEIL, INSTITUTION CENTRALE DANS LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS : ENTRE EXPRESSION D'UNE SOLIDARITÉ ET

PRÉÉMINENCE DE L’EXERCICE DE LA DE LA SOUVERAINETÉ... Si l'asile est un privilège accordé de façon discrétionnaire par les États d'accueil418, la reconnaissance officielle du statut de réfugié par un État oblige celui-ci à se soumettre à un certain nombre d'obligations vis-à-vis de ce réfugié, à cause notamment du caractère déclaratoire du statut de réfugié. Il en est ainsi de la garantie de la protection qui doit lui être assurée à plusieurs niveaux, notamment dans son intégrité physique. La garantie de protection des réfugiés est encadrée par l’État au moyen de plusieurs institutions qu'il serait utile d'analyser.

Dans son rôle de protection, c’est-à-dire de garantie de l’intégrité physique et des droits dévolus au réfugié du fait de la reconnaissance, l’État d’accueil s’appuie sur la protection diplomatique ou consulaire exercée par tout État en faveur de ses citoyens à l'étranger vis-à-vis des autorités du pays étranger dans lequel ces derniers se trouvent. De ce point de vue, la protection de l’État, dans le cadre de l'asile peut bien dépasser le simple cadre des réfugiés officiellement reconnus.

Puisant sa légitimité et sa légalité de la convention de Genève de 1951 et de son protocole additionnel de 1967 comme nous l'avons vu dans nos précédents développements, le système de protection internationale dont il est question ici n’intéresse pas seulement les réfugiés. Peuvent également être admis au bénéfice de cette protection , les étrangers qui nécessitent une certaine protection de la part de l’État. Il faut relever qu'il peut s'agir autant des réfugiés, mais aussi des demandeurs d'asile, et même, dans certaines conditions, d'individus ne remplissant pas les conditions de la Convention de Genève de 1951 et du protocole sus cité, mais auxquels une protection temporaire ou subsidiaire est accordée419.

418Ces États doivent néanmoins se conformer aux obligations internationales sur la question.

419La Convention de Genève de 1951 et le protocole additionnel de 1967 constituent donc en effet les

instruments juridiques fondamentaux au cœur du système de protection internationale des réfugiés. Cela implique que leur signature et ratification par les États entraînent des obligations que ces derniers doivent impérativement observer.

Dans cette perspective, l’État agit en étroite collaboration avec le HCR, qui est l'organisme onusien disposant d'un mandat statutaire reposant surtout sur la protection des réfugiés. Par ailleurs, comme nous l'avons indiqué précédemment, il n'est pas indispensable d'être un réfugié officiellement reconnu pour se réclamer de la protection des États. En effet, il existe des formes de protection aux personnes qui, par exemple, ne remplissent la définition du réfugié de la Convention de Genève. On parle alors de formes complémentaires de protection420, qui peuvent notamment prendre la forme d'une protection temporaire. La protection temporaire est une solution d'urgence, immédiate et à court terme, utilisée en cas d'arrivée massive de personnes qui fuient un conflit armé, des violations massives des droits de l'homme et d'autres formes de persécution421.

Par ailleurs, qu'il s'agisse de la protection accordée aux réfugiés ou des formes de protection complémentaires, ces protections équivalent principalement à une garantie de la jouissance des droits souvent définis comme minimaux. C'est ce qui peut justifier le fait que les réfugiés n'acceptent pas toujours le traitement qui leur est réservé dans leur pays d'accueil organisent des manifestations en vue de réclamer une meilleure protection422.

Selon le HCR, « Protéger les réfugiés est une mission qui incombe au premier chef aux États».423 Les États ont donc pour obligations d'offrir aux réfugiés légalement admis sur leur territoire la sécurité, ainsi que tous les autres droits dont ils doivent bénéficier. Il faut noter que ces droits sont en majorité prévus par la Convention de Genève de 1951, et ceux que nous avons évoqué dans nos développements précédents. Parmi ces droits, la dispense de réciprocité prévue à l'article 7 de la Convention de Genève de 1951 est la première garantie accordée par les États pour l'application adéquate de leur protection aux réfugiés : « Tout État contractant continuera à accorder aux réfugiés les droits et avantages auxquels ils pouvaient déjà prétendre, en l'absence de réciprocité, à la date d'entrée en vigueur de 420Convention de Genève de 1951, Op.cit

421Le cas le plus illustratif est la directive 2004-83-ce du 29 avril 2004 de l'Union Européenne. Elle concerne les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale. Cette directive avait l'ambition de mettre en œuvre le régime d'asile européen commun pour lequel les États membres de l'Union Européenne s'étaient engagés depuis 1999 lors du conseil européen de Tampere. Ainsi, cette directive prévoit donc une protection pour les personnes ne remplissant pas les conditions du statut de réfugié, mais qui n'en nécessitent pas moins une protection internationale. Cette protection est essentiellement accordée par l’État...Consulté le

422LY DIA, Op.cit

423HCR: Protection des réfugié, Guide sur le droit international relatif aux réfugiés, 2001 http://www.unhcr.org/fr/publications/legal/4ad2f807e/protection-refugies-guide-droit-international- relatif-refugies.html, consulté le 28 décembre 2015

cette convention pour ledit État. »424

Il convient néanmoins de préciser que l’État se trouve dans l'obligation de mettre en œuvre, en ce qui concerne leurs droits, un statut minimum aux personnes reconnues comme réfugiés. Plusieurs dispositions de la Convention de Genève abondent dans ce sens. Mais comme le fera remarquer Dimitri MEILLON au sujet de la dispense de réciprocité prévue à l'article sus visé, « la Convention de Genève n’est pas une entreprise globale d’uniformisation des droits internes au bénéfice de la personne du réfugié. Elle pratique pour l’essentiel le renvoi aux solutions, nécessairement diverses, des droits nationaux. Elle s’accommode de cette pluralité pour mieux l’organiser en posant l’obligation étatique d’accorder aux réfugiés le régime appliqué aux étrangers en général (Art 7.1) comme celle de mettre en œuvre la technique de la dispense de réciprocité législative au profit des réfugiés justifiant d’un délai de résidence de trois ans (Art 7.2)»425.

L’État doit néanmoins garder la juste mesure de ses responsabilités en protégeant les droits des réfugiés sans privilégier les étrangers ordinaires. Parmi les droits garantis par l’État en faveur des réfugiés, nous pouvons également citer, sans être exhaustif, le traitement relatif à la propriété mobilière et immobilière (article 13), le droit d'association (article 15), le droit d'ester en justice (article 16), les droits économiques concernant les emplois salariés et non-salariés (articles 17 et 18) ou encore la liberté de circuler dans l’État – hôte.426Il en est aussi et surtout de la protection due aux réfugiés, même s'ils entrent ou séjournent irrégulièrement dans le territoire d'un État d'accueil, comme le précise l' article 31 de la convention de Genève de 1951 : « les États contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée... entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulière. » « Les États contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires ; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre 424Article 7 de la Convention de Genève de 1951, Op.cit

425MEILLON, Dimitri : « Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, Commentaires et références. Article 7 sur la dispense de réciprocité », CRDEI, Université de Bordeaux , Mars 2016, consulté

en ligne, 16 décembre 2016, https://conventiondegeneve.refugies.u-bordeaux.fr/commentaires/article-7/ 426Convention de Genève de 1951, Ibid

dans un autre pays... ».427

Il est important de rappeler que la protection internationale accordée peut sensiblement différer selon les États dès l'origine même, c'est-à-dire à partir de la reconnaissance du statut de réfugié428. En effet, cela illustre d'ailleurs tout le débat qui existe aujourd'hui et qui est relatif à l'interprétation de l'article premier de la Convention de Genève autour de la question de « persécution ». Cela est surtout dû au fait que la persécution n’a pas été définie en droit international, alors que la crainte de persécution constitue l'élément matriciel dans l'attribution du statut de réfugié. C'est ainsi que certains pays limitent la notion de persécution au sens de la Convention de Genève à une action commise par l’État lui-même ou par ses agents.429

Par ailleurs, la naturalisation constitue une étape majeure dans le processus de protection et d'assistance réfugiés par l’État. En effet, l'article 31 de la Convention de Genève stipule que « les États contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure. »430

Fort de ces paramètres, le rôle de l’État doit surtout se traduire en une prise en charge effective des réfugiés. Cette démarche assistancielle est d'autant plus importante qu'on assiste souvent à des conditions de précarisation des migrants forcés au sein des États d'accueil . Prévue dans la Convention de Genève de 1951431, l'assistance se traduit d'abord en une assistance sociale. L’État doit aider les réfugiés du mieux qu'il peut dans leur recherche de logement. En effet, l'article 21 relatif au logement stipule : « En ce qui concerne le logement, les États contractants accorderont, dans la mesure où cette question tombe sous le coup des lois et règlements ou est soumise au contrôle des autorités publiques, aux réfugiés 427Article 31 Convention de Genève, Op cit

428CAMBREZY, Luc : Réfugiés et exilés. Crise des sociétés, crise des territoires, Op.cit

429Un exemple jurisprudentiel est constitué par l'Arrêt Henni du Conseil d’État français du 29 décembre 1999. Il s'agissait en l'espèce d'une décision du préfet de l'Essonne de reconduire à la frontière le sieur Henni.

430La naturalisation peut être entendue comme l'acquisition d'une nationalité ou d'une citoyenneté par un individu qui ne la possède pas par sa naissance. Ainsi, cette naturalisation constitue une assistance majeure aux réfugiés de la part de l’État. En effet, elle permet à celui qui en bénéficie de jouir des mêmes droits que les nationaux ordinaires, et permet ainsi de parachever l'intégration du réfugié dans son pays d'accueil en attendant, s'il le désire, de trouver des solutions durables et définitives car, rappelons-le, le statut de réfugié n'est en principe qu'un statut temporaire.

431Il s'agit de l'article 23 de la Convention de Genève qui précise que : « les États contractants accorderont

aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d'assistance et de secours publics qu'à leurs nationaux»

résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible»432. Cette assistance est valable aussi en ce qui concerne la recherche de travail pour les réfugiés433.

En règle générale, de nombreuses ONG434 aussi bien nationales qu’internationales accompagnent l’action des gouvernements et de l'instance internationale pour les réfugiés, le HCR dans le cadre de la prise en charge aux migrants forcés. Ces ONG sont dans la plupart des cas, soit des partenaires techniques, soit des partenaires de mise en œuvre sur qui le HCR s’appuie pour l’exécution d’un certain nombre d’activités en faveur des réfugiés.435

Au-delà l’État, la protection des réfugiés incombe à la communauté internationale qui exerce un contrôle des écarts dans le respect de la protection des droits des réfugiés en exerçant de facto comme de jure le droit de protection internationale des réfugiés. Elle l'exerce aux côtés des États d'accueil, à travers le HCR, dont le mandat statutaire qui lui est dévolu par l’ONU lui permet d'exercer d'importantes missions de protection et d'assistance aux réfugiés.

432Article 21 de la Convention de Genève , Op.cit

433Précisons que l'article 17 de la Convention de Genève de 1951 stipule que les États contractants doivent apporter aux réfugiés régulièrement installés sur leur territoire le traitement le plus favorable en ce qui concerne l'exercice d'une activité professionnelle salariée, mais aussi non-salariées (article 18) et même libérales (article 19).

434Sans être exhaustif, nous citerons certaines d'entre elles à l'instar de : Africa Humanitarian Action (AHA); Agence adventiste de secours et de développement (ADRA) ; Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF); International Medical Corps (IMC); International Relief and Développent(IRD); Plan International; Première Urgence (PU) ; Public Concern (PC), la Croix-Rouge camerounaise (CRC) et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

435C’est le cas par exemple de l’Institut de Recherches pour le Développement -IRD-, ONG internationale d’origine américaine qui travaille aux côtés du HCR dans la région de l’Est Cameroun. Rappelons que l'IRD est une organisation non gouvernementale à but non lucratif, chargée de la mise en œuvre des programmes de secours, de stabilisation et de développement à travers le monde. Sa mission est de réduire la souffrance des groupes les plus vulnérables de la planète et de fournir des outils et des ressources nécessaires pour accroître leur autosuffisance. Spécialisée dans la satisfaction des besoins des communautés qui sortent d'un conflit ou des catastrophes naturelles, l’IRD collabore avec un large éventail de partenaires et de donateurs, d’organisations locales, et bien d'autres pour offrir des services durables à de nombreuses communautés nécessiteuses dans le monde.

SECTION II: