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1. Définition

Communément, les épreuves dans la vie de tous les jours, sont synonymes du fait de surmonter un obstacle. On parle aussi d’épreuve lorsqu’un étudiant passe son examen. Il s’agit donc de quelque chose que l’on doit dépasser. C’est un événement positif ou négatif qui survient dans la vie d’une personne et qui peut engendrer une transition ou résulter de celle-ci.

Cet événement peut aussi se manifester sans aucun lien avec une transition.

Baudouin (2009) nous explique que le récit (le récit que fait une personne de sa vie) : nous livre ce qui aux yeux de l’auteur est « dramatique », au sens d’important, de décisif, de notable, et parfois de douloureux. Dans cette hypothèse, le récit de vie se définit par la récollection des épreuves successives qui aux yeux de l’auteur ont défini la trame fondamentale de son histoire. (p.103)

Une épreuve survient en général dans une situation d’exotopie pour le sujet.

2. L’exotopie

Le terme d’exotopie signifie « être hors de », « être à l’extérieur de ». Il s’agit en général d’une situation inhabituelle qui peut se manifester avec ou sans déplacement géographique du sujet. On parle aussi de « rupture avec l’ordinaire » comme le souligne Baudouin (2009) : « l’épreuve se déroule dans un espace « distal », c’est-à-dire inhabituel et éloigné des repères du sujet, lequel peut correspondre à une dimension investie par lui-même, ou au contraire qu’on lui impose ou qui fait irruption dans son histoire » (p.103). C’est-à-dire que si l’individu « décide » d’investir la zone distale, apparaîtra alors l’épreuve à laquelle il devra se confronter. Cette épreuve produit une rupture totale dans le quotidien de l’individu, dans ce qui lui est connu, familier. L’individu est alors entièrement présent dans un espace inhabituel et éloigné de ses repères.

Il existe une idée qui a la vie dure […] selon laquelle, pour mieux comprendre une culture étrangère, il faudrait se transplanter en elle […]. Mais si la compréhension ne devait se réduire qu’à cette seule phase, elle n’offrirait rien d’autre qu’une duplication de la culture donnée, elle ne comporterait rien de nouveau ou d’enrichissant. Une compréhension active ne renonce pas à elle-même, à sa propre place dans le temps, à sa propre culture, et n’oublie rien […]. Dans le domaine de la culture, l’exotopie est le moteur le plus puissant de la compréhension. Une culture étrangère ne se révèle que dans sa complétude et dans sa profondeur, au regard d’une autre culture. (pp. 347-348).

Baudouin (2009) se base sur cette définition pour expliquer l’exotopie que l’on retrouve à l’origine de l’épreuve ou suite à celle-ci, dans les récits de vie.

L’auteur rajoute que « les épreuves que le récit met en scène définissent différents états identitaires du personnage principal, qui sont la résultante de ces transformations successives : elles permettent de comprendre ainsi le développement du sujet » (op. cit., p.104). L’exotopie conduit bien à un « déplacement » du sujet et produit donc en général une transformation identitaire. Nous aurons dès lors le sujet avant l’épreuve (que l’on peut appeler

« sujet A ») et le sujet après l’épreuve (que l’on peut appeler « sujet A’ »). Le sujet est toujours le même dans le fond, mais plus tout à fait non plus : il « s’est transformé » en quelque sorte.

II. LA CARRIERE PROFESSIONNELLE

Dans la suite de notre travail, il nous semble pertinent de définir le terme de carrière professionnelle, dans le but de mieux comprendre le contexte dans lequel nous travaillons : celui des reconversions professionnelles volontaires. En effet, les reconversions professionnelles volontaires s’inscrivent dans la sphère professionnelle des individus et donc dans leur carrière. Mais qu’est-ce qu’est exactement la carrière professionnelle ? Et que se passe-t-il dans une carrière professionnelle ? Quels sont les événements qui la marquent ?

A. Définition

Pour tenter de définir au mieux cette notion, nous utiliserons plusieurs ouvrages y faisant référence.

Dans le Petit Larousse illustré 2011 (2010), la définition proposée pour le terme de carrière est la suivante : « Profession présentant des étapes, des degrés successifs ; parcours professionnel ». Il est rajouté que faire carrière signifie « gravir les échelons d’une hiérarchie » (p. 164).

L’encyclopédie Hachette de 1986 donne la définition suivante : « Profession, activité impliquant une série d’étapes », ou encore « Branche d’activité professionnelle », ou

« Ensemble des étapes de la vie professionnelle » (p. 216).

Bujold et Gingras (2000) proposent la définition suivante de cette notion : « La carrière professionnelle représente la suite des postes, des emplois ou des professions dans lesquels une personne s’engage au cours de sa vie professionnelle » (p.13). En effet, l’individu depuis la fin de ses études (ou même avant) jusqu’à la retraite, va s’insérer professionnellement une ou plusieurs fois durant son parcours de vie. Ces différents postes contribueront tous à différents degrés à construire la carrière professionnelle d’une personne.

Nous pouvons alors dire que la carrière professionnelle est l’ensemble de tous les emplois effectués durant une vie. Du « petit boulot » pour payer ses études jusqu’à la dernière activité professionnelle. « La carrière est un processus qui s’étend sur toute la vie et au cours duquel la plupart des gens se préparent à choisir, choisissent et continuent de faire des choix parmi les nombreuses professions disponibles dans notre société » (op. cit., p.14).

Dans le Dictionnaire de sociologie Le Robert (1999), Hirshhorn nous indique que la carrière découle de l’italien carriera qui signifie « chemin de chars », qui vient lui-même du latin populaire carriara :

Le terme désigne la progression d’un individu dans sa vie professionnelle, envisagée le plus souvent dans un sens positif, comme dans l’expression « faire carrière ».

L’analyse des carrières en tant que trajectoires liées à une organisation de l’activité professionnelle, à des contextes sociaux et à des stratégies individuelles et/ou collectives

ajoutent la signification que cet enchainement revêt pour l’individu, étant bien entendu que cette signification est construite socialement. La carrière sert alors à identifier et à décrire, voire à modéliser dans un contexte donné un processus subjectif de transformation, par exemple, dans le rapport à l’activité professionnelle, le passage d’une idéalisation initiale du métier à une conception plus réaliste. Le concept ainsi défini ne se limite pas nécessairement à la vie professionnelle. Il peut s’appliquer à d’autres expériences biographiques qui s’inscrivent dans une temporalité et comportent une évolution significative, comme celle de la vie conjugale ou même celle d’une longue maladie. (p. 63)

Nous remarquons que toutes les définitions présentent la carrière comme l’ensemble d’emplois ou la profession, l’activité qui composent la vie professionnelle d’un individu. Les notions d’étapes, de seuils, mais encore de degrés successifs ou même l’expression utilisée

« gravir les échelons hiérarchiques » montrent une idée de construction dans la vie professionnelle, de passages, de transitions ou encore de gradations. La carrière est alors vue comme une trajectoire, un « chemin » (si l’on reprend l’origine du mot en lui-même) qui se construit, que l’individu construit au fur et à mesure de ses expériences. La définition sociologique nous permet de préciser que la carrière est vue comme un enchainement de phases et elle permet de décrire « un processus subjectif de transformation » (op. cit., p.63).

Elle traverse la sphère de la vie professionnelle pour s’appliquer à d’autres expériences biographiques qui sont susceptibles de changements ou d’évolutions.

Afin d’expliciter un peu plus ce dernier point, nous nous référons au Dictionnaire des mouvements sociaux (2009). Fillieule (2009, p. 86) nous donne quelques clés de plus pour comprendre ce processus subjectif de transformation d’un individu dont fait état la notion de carrière :

La notion de carrière est mise en œuvre par Everett Hughes (1958) pour appréhender les étapes d’accès et d’exercice d’une profession comme une suite de changements objectifs de positions et la série des remaniements subjectifs qui y sont associés. Comme le souligne Howard Becker, le concept de carrière chez Hughes renvoie à deux dimensions : « dans sa dimension objective, une carrière se compose d’une série de statuts et d’emplois clairement définis, de suites typiques de positions, de réalisations, de responsabilités et même d’aventures. Dans sa dimension subjective, une carrière est faite de changements dans la perspective selon laquelle la personne perçoit son existence comme une totalité et interprète la signification de ses diverses caractéristiques et actions, ainsi que tout ce qui lui arrive » (Becker, 1985, p. 121).

Les étapes que les individus traversent sont toujours associées à une interprétation de celles-ci par les individus-mêmes ce qui provoque des remaniements chez eux, de vision, d’identité professionnelle, etc.

Ces dernières définitions de la notion de carrière impliquent une certaine notion d’évolution. La carrière est définie comme un chemin qui se construit et donc évolue avec les différents emplois ou statuts auxquels les individus accèdent au cours de leur vie. De plus, la notion de carrière inclue l’idée que l’individu se transforme avec les différents emplois et/ou statuts par lesquels il passe et suppose donc que l’identité professionnelle de celui-ci change, voire évolue. La carrière est même plutôt considérée comme la « progression » d’un individu dans sa professionnalité. C’est l’individu qui construit « la carrière » en accédant à d’autres emplois, d’autres statuts et c’est l’individu qui fait évoluer sa carrière en évoluant lui-même.

Mais il faut savoir que la carrière n’est pas seulement synonyme de progression

« ascendante ». Il est important de souligner que la notion d’évolution dans le concept de carrière évoque aussi les changements « descendants », et même tout autre changement.

Les conséquences de ce type de changements sont évoqués par Hughes (1996, cité par Dubar et Tripier, 2005, p. 99) dans une question : « que se passe-t-il pour diverses catégories de travailleurs après le « tournant » (turning point) que constitue la nécessité d’abandonner son activité principale » ? Dubar et Tripier (2005) continue en rappelant que Hughes a utilisé plusieurs exemples de personnes travaillant dans différents domaines et devant se réorienter ou se réorientant, arrivés à un certain âge, comme les sportifs de haut niveau, etc. afin de comparer « plusieurs manières de redéfinir son activité (activité secondaire devenant principale) et de réorienter sa carrière (« par le haut » ou « par le bas ») selon les caractéristiques des systèmes d’emploi (pyramidal, écrasé) et les trajectoires antérieures des personnes concernées » (op. cit., p. 99). Ainsi, Hughes (1996) redéfinit la carrière comme

« une suite d’alternatives conditionnée par la division du travail, elle-même évolutive » (cité par Dubar et Tripier, 2005, p. 99).

Attardons-nous maintenant sur deux événements qui peuvent se produire dans une carrière professionnelle et qui nous intéressent ici : l’évolution de carrière et la reconversion professionnelle.