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Chapitre 1 : Aspects élémentaires, interactions rayonnement-matière

A. Les électrons

Les électrons, comme l’ensemble des particules chargées, interagissent continûment avec les électrons du matériau traversé. Ils sont donc progressivement freinés en cédant leur énergie.

En dessous de quelques dizaines de MeV, le transfert d’énergie des électrons s’effectue essentiellement par des collisions, mais contrairement aux ions, beaucoup plus lourds, la trajectoire des électrons peut subir d’importantes modifications à chacune de ces collisions. A ce transfert par collisions s’ajoute un mécanisme de perte d’énergie radiatif sous la forme d’un rayonnement électromagnétique, ou rayonnement de freinage.

Ainsi, dans le cas des électrons, la perte d’énergie totale par unité de parcours Stotal, ou transfert d’énergie linéique (TEL), s’écrit :

rad coll

total S S

S = + Eq. I.1

Avec Scoll la perte d’énergie par collisions et Srad la perte d’énergie radiative.

Il est également courant de parler de pouvoir d’arrêt massique 

 

Sρ . Ce pouvoir d’arrêt massique dépend à la fois de la nature du matériau traversé et de l’énergie des électrons incidents. A titre d’exemple, il est représenté Figure I.1 pour l’eau (milieu de référence en dosimétrie) et pour le plomb (milieu d’intérêt majeur en radioprotection).

Le graphique relatif à l’eau met en exergue la prépondérance du transfert par collision, jusqu’à quelques dizaines de MeV dans l’eau. C’est donc l’effet majoritaire en radiothérapie où l’énergie des rayonnements utilisés est de l’ordre du MeV.

Au-delà de 100 MeV, le freinage devient majoritaire.

1. Transfert par collisions

Les collisions d’électrons incidents avec les électrons composant le cortège atomique du matériau traversé sont responsables de plusieurs phénomènes :

- l’ionisation du milieu ambiant - l’échauffement de ce même milieu

- la production d’électrons très énergétiques

Le nombre moyen d’ionisations, dN , produites sur un trajet dx dépend de l’énergie moyenne d’ionisation, W , du milieu traversé :

W dx

dN = Scoll. Eq. I.2

Figure I.1 : Pouvoir d’arrêt massique des électrons dans l’eau et dans le plomb

ν

h

e

e + Z.

Il peut être noté que, dans le cas de l’eau, l’énergie moyenne d’ionisation est de l’ordre de 32 eV alors que l’énergie effectivement nécessaire pour ioniser une molécule n’est que de 16 eV. Ceci tient au fait que de nombreuses collisions se traduisent par de l’agitation thermique du milieu qui, macroscopiquement, se traduit par une élévation infime de la température ambiante. Il peut être noté que cet aspect est utilisé pour effectuer de la dosimétrie par calorimétrie.

Enfin, dans le cas des électrons, l’énergie transférée par collision aux électrons du milieu peut être très importante et atteindre l’énergie de l’électron incident. Les électrons alors éjectés peuvent à leur tour ioniser le milieu ambiant sur une trajectoire complètement indépendante de la trajectoire initiale. Ces électrons secondaires seront qualifiés d’électrons δ .

2. Transfert par freinage ou Bremsstrahlung Nous allons maintenant nous attacher à la perte d’énergie par rayonnement de freinage. Lorsqu’un électron libre (ou toute autre particule chargée) subit une accélération, il émet de l’énergie sous la forme d’une onde électromagnétique [Jac01].

Ceci correspond exactement au cas de figure d’un électron passant à proximité d’un noyau, représenté Figure I.2. Le champ coulombien de ce dernier impose une accélération centripète à l’électron, nécessairement accompagnée de l’émission d’un photon dont l’énergie peut aller de zéro à l’énergie totale de l’électron.

Cette interaction a de nombreuses applications dont la génération de rayons X. C’est en effet un des seuls moyens de produire des photons de haute énergie, notamment pour les faisceaux de photons utilisés en radiothérapie.

Figure I.2 : Un électron diffusé par le champ coulombien d’un atome émet des photons appelés rayonnement de freinage.

3. Effet Čerenkov

Un autre phénomène sera important pour notre étude : le rayonnement Čerenkov. Ce phénomène, est similaire au franchissement du mur du son par un avion supersonique, une particule chargée dont la vitesse est supérieure à celle de la lumière dans le milieu traversé jouant le rôle de l’avion. Dans le cas qui nous intéresse, cela concerne les électrons de plus de 180 keV, ce qui constitue une énergie très courante en radiothérapie. Leur vitesse v est telle que :

n c

v 1

>

β = Eq. I.3

c est la vitesse de la lumière dans le vide et n l’indice de réfraction du milieu traversé.

D’un point de vue microscopique, lorsqu’une particule chargée traverse un matériau, le champ électrique qui lui est associé polarise de façon symétrique les atomes du milieu en formant des dipôles élémentaires qui rayonnent dans tout l’espace. Après le passage de la dite particule, le cortège électronique retourne à l’équilibre.

L’onde produite par chacun des dipôles est évidemment bien insuffisante pour produire de la lumière. Mais si un électron traverse le milieu à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans ce milieu, la polarisation n’est plus symétrique et lors du retour à l’équilibre les ondes se rassemblent sur un cône d’angle θ bien défini par rapport à la trajectoire de l’électron (Figure I.3) :

( )

.n cos 1

θ = β Eq. I.4

Figure I.3 : Construction de Huygens permettant de visualiser les fronts d’onde émis à différents instants par des particules dont la vitesse est inférieure à celle de la lumière dans le matériau (à gauche) et dont la vitesse est supérieure à celle de la lumière dans le matériau (à droite).

vitesse : vitesse :

Il en résulte une interférence constructive accompagnée de l’émission de quelques photons.

Ce phénomène, comme nous le verrons plus tard, est lourd de conséquences dans le cadre de mesures de dose par scintillateurs plastiques et sera donc étudié en détail au chapitre 4.

4. Parcours

Les interactions fondamentales des électrons avec la matière que nous venons d’aborder permettent d’appréhender les différents mécanismes de transfert d’énergie mis en jeu par les électrons, notamment aux énergies de la radiothérapie. Il n’est néanmoins pas possible de considérer les transferts d’énergie mis en jeu à chaque interaction, ce qui rend nécessaire l’utilisation d’une grandeur globale afin de caractériser le comportement moyen d’un faisceau d’électrons monoénergétiques.

Comme cela a été vu plus tôt, les électrons interagissent de façon continue avec le milieu qu’ils traversent et finissent par s’y arrêter une fois la totalité de leur énergie cédée. La distance alors parcourue dépend de l’énergie initiale de l’électron et de la nature du matériau traversé. La Figure I.4 présente les parcours d’électrons dont l’énergie varie de 10 keV à 1 GeV dans l’eau et le plomb.

Les distances dont il est question ici sont des parcours CSDA (Continuous Slowing-Down Approximation) qui représentent le parcours maximal d’une particule. Ce parcours n’est pas

Figure I.4 : longueurs de trajectoires des électrons dans l’eau et le plomb

directement mesurable à cause des trajectoires erratiques des électrons (dues aux nombreuses collisions) et, globalement, un paquet d’électrons “s’étendra” sur une distance plus petite appelée portée.

Nous pouvons constater, sur la Figure I.4, que les distances considérées s’étendent, dans l’eau, de quelques µm, aux alentours de 10 keV, à plusieurs dizaines de cm, au dessus de la dizaine de MeV (5 mm à 1 MeV et 10 cm à 20 MeV dans l’eau par exemple).

Nous verrons, par la suite, que ces différentes profondeurs de pénétration ont une importance capitale en radiothérapie, puisqu’elles permettent d’adapter l’énergie d’un faisceau d’électrons à la profondeur de la tumeur à traiter.