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L’élection des prud’hommes et autres officiers de la communauté est organisée en présence du lieutenant de l’Amirauté de Marseille et du procureur du roi, le jour de la

seconde fête de Noël

363

, pour une entrée en fonction le premier janvier suivant. L’arrêt

sous Louis XIV : étude sur l’administration de Lebret en Provence, thèse lettres Paris, Paris, Hachette,

1889, 380 p. ; Antoine FARGET, Le pouvoir juridictionnel de l’intendant en Provence, thèse droit Aix-Marseille, Aix-en-Provence, La pensée universitaire, 1957, 129 p. En 1776, l’intendant de Provence est Charles Jean-Baptiste DES GALLOIS DE LA TOUR. Ce dernier est d’abord conseiller au Parlement de Provence (1735) puis maître des requêtes (1738) avant de succéder à son père comme intendant de Provence et premier président du Parlement d’Aix de 1748 à 1771 et de 1775 à 1790. Nommé député à l’assemblée des notables en 1787, il y est mal vu par la magistrature, qui le voit comme un financier. Pourtant, en 1788, l’Assemblée des communes de Provence lui décerne une médaille à son effigie portant l’inscription « Le Tiers État de Provence à Ch.-J.B. des G. de La Tour, intendant du pays, son ami depuis plus de quarante années » (deux exemplaires de cette médaille sont conservés au Musée Carnavalet). Il est arrêté pendant la Terreur, mais il échappe aux massacres, Charles-Théodore BEAUVAIS, Antoine-Alexandre BARBIER,

Biographie universelle classique ou Dictionnaire historique portatif, Paris, C. Gosselin, 1826, vol. 4,

p. 3079.

361 A.P., C.C.I. Marseille, E159, Prud’hommes pêcheurs (1673-1786), arrêt du Conseil d’État du Roi du 9 novembre 1776.

362 On retrouve ici l’idée d’une monarchie paternelle. D’origine médiévale, le concept a été analysé par Jacques KRYNEN, Idéal du prince et pouvoir royal en France à la fin du Moyen-âge, Paris, A. et J. Picard, 1981, 341 p., puis par Jean BARBEY, Être roi : le roi et son gouvernement en France de Clovis à Louis XVI, Paris, Fayard, DL, 1992, 573 p.

363 La seconde fête de Noël pourrait être celle fêtée après le 25 décembre, c’est-à-dire le 6 janvier, date à laquelle l’Église apostolique fête la Nativité et l’Église chrétienne, l’Épiphanie. Mais, cette hypothèse n’est pas admissible puisque l’arrêt prévoit la prise de fonctions des nouveaux prud’hommes au 1er janvier. Voir sur le sujet : Régis BERTRAND (éd.), La Nativité et le temps de Noël, XVIIe-XXe siècle, Aix-en-Provence,

Publications de l’université de Provence, 2003, coll. Le Temps de l’histoire, 252 p. ; Philippe WALTER,

Mythologie chrétienne. Fêtes, rites et mythes du Moyen-âge, Paris, Imago, 2011, 3e éd. revue et corrigée, 228 p.

établit ensuite un nouveau mode d’administration minutieux et complexe, qui remplace

les assemblées générales électives et qui fonctionnera jusqu’en 1789. Un conseil composé

de quatre prud’hommes et de vingt-quatre patrons pêcheurs conseillers, renouvelable par

tiers tous les ans, est ainsi établi, ce qui crée un scrutin à deux degrés. Lors du

renouvellement, les quatre prud’hommes sortants proposent trois noms par fonction

vacante et celui qui réunit le plus grand nombre de suffrages est nommé. Le lieutenant de

l’Amirauté de Marseille recueille et comptabilise les suffrages. Les prud’hommes sont

élus pour deux ans ; deux d’entre eux sont élus chaque année, l’un choisi parmi les anciens

prud’hommes et l’autre parmi les pêcheurs âgés d’au moins de quarante ans ayant fait

trois campagnes sur les vaisseaux royaux. Les conseillers sont élus pour trois ans ; huit

d’entre eux sont élus chaque année, le roi se réservant le droit de nommer pour la première

fois seulement aux places de prud’hommes et conseillers

364

. Les prud’hommes et les

conseillers ne peuvent être pris que parmi les patrons pêcheurs, qui ont exercé la pêche

dans les mers de Marseille avec leurs bateaux et filets, pendant dix années consécutives,

et ceux qui, après avoir exercé « la même profession pendant six ans », ont « épousé une

fille de patron marseillais ». Les prud’hommes sortis de charge ne peuvent être élus

prud’hommes qu’après un intervalle de cinq ans, et les conseillers, qu’après un intervalle

de trois ans. Des incompatibilités électorales sont également posées puisque ni les

pêcheurs débiteurs de la communauté ni « les fils de famille non émancipés » ne peuvent

être élus à aucune charge. Illustration du contrôle du pouvoir central (qui se renforcera au

fur et à mesure des siècles comme nous le verrons), les prud’hommes nouvellement élus

continuent également de prêter serment ente les mains du maire, des échevins et

assesseurs de Marseille, le lendemain de leur nomination. Afin d’éviter l’accès au pouvoir

par des dynasties familiales

365

, les patrons jusqu’au troisième degré inclusivement ne

peuvent se succéder aux fonctions de prud’hommes ni l’exercer en même temps, à peine

de nullité de l’élection. Pour prévenir les débordements et les affrontements

physiques, aucun patron ne peut assister aux assemblées avec des armes offensives ou

défensives, à peine de dix livres d’amende et de prison. Le conseil de la communauté ne

peut prendre aucune délibération, s’il ne réunit pas au moins seize personnes ayant voix

364 La « Couronne nomme les prud’hommes de l’année à Marseille à huit reprises, pour les années 1763, 1765, à 1770 et 1787. Il s’agit toujours de propositions faites par l’intendant de Provence pour clore d’autorité des conflits internes en imposant les dirigeants », Marc PAVE, op. cit., pp. 301-302.

365 Sur les dynasties familiales professionnelles, consulter les ouvrages de Charles CARRIERE, Négociants

marseillais au XVIIIe siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut historique

délibérative, et ne peut organiser d’élections, s’il n’en réunit pas au moins vingt-deux. Si

ces nombres prescrits ne sont pas atteints, les absents, qui ne justifient pas de motifs

légitimes, sont contraints de verser une amende de dix livres à la prud’homie ; pour leur

faire prendre conscience de l’obligation de participer aux événements de la prud’homie.

Afin d’apurer les dettes de la communauté, des mesures drastiques et inédites sont prises.

Il est formellement interdit à la prud’homie de faire des dépenses, autres que celles

mentionnées à l’état annexé à l’arrêt

366

. Tout emprunt ou dépense extraordinaire ne peut

être réalisé sans une délibération du conseil de la communauté, contenant les motifs de

l’engagement, faisant mention des oppositions, et étant adressée à l’intendant

commissaire départi en Provence qui l’autorise ou non. Les prud’hommes ne peuvent

entreprendre ou soutenir un procès au nom de la communauté qu’en vertu d’une

délibération autorisée par l’intendant, sous peine de répondre en leur nom des dépenses,

dommages et intérêts, engagés par la communauté. Les prud’hommes et autres officiers,

venant à faire des voyages pour l’intérêt de la communauté, doivent y avoir été

préalablement autorisés par l’intendant, et sont payés six livres par jour en voyage et

quatre livres en séjour. Ces restrictions servent à éviter que « sous prétexte de voyage

pour affaires, il puisse s’absenter plus de deux prud’hommes et d’un valet, le cas de visite

excepté ». Par ailleurs, tous les biens et revenus de la communauté sont mis aux enchères

par l’intendant, pour être donnés en bail à ferme

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aux plus offrants. La teinture des filets

et engins de pêche, jusque-là à la charge de la communauté, est mise en ferme. Gardien

des finances, le trésorier est choisi par le conseil de la communauté, à la pluralité des

suffrages, parmi les membres du corps ou autres personnes. Il ne peut être plus de trois

ans en exercice. Il rend compte annuellement de sa tenue des comptes devant l’intendant,

en présence des prud’hommes en exercice et des prud’hommes sortants. L’arrêt instaure,

pour la première fois, un secrétaire-archivaire. Malgré son titre pompeux, celui-ci est

simplement tenu de rédiger et enregistrer dans les registres de la communauté « toutes ses

délibérations et lettres écrites et reçues pour les affaires du corps ». Il est nommé par le

secrétaire d’État à la Marine, sur une liste de trois noms proposés indifféremment parmi

366 La communauté des patrons pêcheurs de Marseille n’est autorisée à dépenser que les sommes suivantes : « Pour l’entretien de l’hôtel de Saint-Pierre, 200 livres - Étrennes pour la nouvelle année, 60 livres - Dépenses courantes, 600 livres - Collations et buvettes, 200 livres - Aumônes à distribuer par les prud’hommes les jours de fête de Pâques, de Saint-Pierre, de la Toussaint et de Noël, 200 livres - Honoraires des prud’hommes, à raison de 200 livres chacun, 800 livres - Gage et entretien du domestique, 400 livres - Au secrétaire-archivaire, 800 livres - Au trésorier, 300 livres - Total : 3 560 livres ».

367 Le bail à ferme a pour objet un fonds rural. Au XVIIe siècle, les preneurs du bail, qualifiés de fermiers, sont souvent des patrons pêcheurs influents, voir dirigeants de la prud’homie, qui s’enrichissent grâce au fermage, notamment des madragues.

les membres du corps ou parmi les étrangers par l’assemblée lors des élections

368

.

L’intendant est chargé de procéder à la liquidation des dettes de la communauté. Enfin,

afin de prévenir « pour toujours tout sujet de division parmi les membres de la

communauté des patrons pêcheurs de la ville de Marseille », l’arrêt « éteint tous procès

tenus à l’occasion des comptes d’administration antérieurs ».

En 1777, le climat de tension persiste. Alors qu’ils sont victimes d’agressions

physiques

369

et d’attaques en mer

370

ayant causé le décès de l’un des leurs

371

, les Catalans

saisissent le tribunal de l’Amirauté, compétent pour juger les affaires criminelles en mer.

« S’appuyant sur le défaut de feu de position du bâtiment catalan et sur l’absence de

matelot de quart, puisque tout l’équipage était endormi au moment du choc [les officiers

de l’Amirauté] concluent au caractère accidentel du naufrage. »

372

Dans un arrêt du 4

octobre 1778

373

Louis XVI estime que « pour achever de maintenir l’union et la

tranquillité parmi les membres qui la composent, il était nécessaire de donner quelque

extension à certains articles […] de procurer aux pêcheurs les moyens d’acquitter leurs

dettes, et de s’affranchir par des arrangements utiles et par une sage économie, de

l’imposition de la demi-part établie sur la pêche ».

Afin de régler leurs dettes, les prud’hommes marseillais ne peuvent toujours faire