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1. L'aphasie selon la classification internationale du fonctionnement et du

2.2. Les thérapies de groupe en aphasie

2.2.3. Les éléments à prendre en considération pour créer un groupe

2.2.3.1. Quand débuter la prise en charge de groupe?

Avant d'intégrer un patient à un groupe, nous devons tenir compte de différentes données concernant le patient:

– Il doit d'abord avoir un niveau de compréhension suffisant (au minimum, une compréhension lexicale préservée) sans quoi la participation à des échanges adaptés n'est pas possible.

– Il est également important qu'il ait récupéré un bon niveau d'attention et de concentration, car la situation de communication en groupe est plus contraignante qu'en individuel. Le patient devra interagir avec plusieurs interlocuteurs en même temps.

Ainsi, on attend en général au moins un mois post-AVC avant de proposer une rééducation de groupe. (Blouin et al., 1997)

Certains auteurs ont indiqué que la rééducation de groupe ne devrait débuter que 6 mois après l'AVC (Aten, cité par Buttet-Sovilla 1997). La rééducation individuelle serait en effet plus efficace que la rééducation de groupe dans les premiers mois après la lésion. De plus, les patients seraient plus conscients de leurs difficultés après une période de récupération spontanée (Sarno, cité par Buttet-

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été atteints, et pour assurer un relais après la prise en charge individuelle (en sortie d'hôpital par exemple).

D'autres études (Besson et Holland 1996, Buttet-Sovillat, 1999, Patry et al., 2006), montrent qu'il est important de débuter très tôt la prise en charge de groupe. Celle-ci est actuellement considérée comme complémentaire à la rééducation individuelle. Elle permet au patient, dès la phase initiale de l'aphasie, de développer tous les moyens de communication qu'il possède dans une situation moins protégée que la séance individuelle.

Le courant clinique actuel donne une grande place à la dimension pragmatique du langage, plaçant la communication au centre de la rééducation. Il encourage ainsi de plus en plus l'intégration des patients aphasiques dans un groupe, et cela en phase initiale de l'aphasie, dès que leur état de santé le permet.

2.2.3.2. Lieu de rassemblement du groupe

Les différentes études publiées montrent qu'un groupe peut se mettre en place dans tous les lieux où l'on peut rencontrer des thérapeutes du langage: en milieu intra-hospitalier, en centre de rééducation fonctionnelle, en libéral et également en milieu associatif (notamment aux Etats-Unis, l'Aphasie Center of California).

En ce qui concerne le choix des locaux où se réunira le groupe, certains auteurs insistent sur l'importance de prendre de la distance par rapport au lieu institutionnel (Bouvier et al, 1997) mais cela n'est pas toujours possible en structure. Le lieu choisi doit pour le moins être le plus neutre possible, afin de permettre aux patients d'oublier quelques instants le cadre hospitalier.

2.2.3.3. Fréquence et durée des séances

La durée de la séance varie de 1h (2 ou 3 fois par semaine) à 2h30 (1 ou 2 fois par semaine). La séance ne doit pas être trop longue car les patients aphasiques sont fatigables et ont souvent des troubles attentionnels associés. Ainsi, tous les groupes dont la séance dure plus de 2 heures sont entrecoupés d'une pause,qui permet aux patients de se reposer et pendant laquelle est parfois partagé un goûter.

La durée de la prise en charge dépend de la structure. En centre, les patients sont hospitalisés pour une durée plus ou moins longue (de quelques semaines à

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plusieurs mois), la durée moyenne de prise en charge est de 2 à 3 mois (de 1 mois à plus d'un an). En libéral, hors du contexte hospitalier, la prise en charge est souvent poursuivie à plus long terme.

Selon Martin en 2008, les études décrites s'accordent sur un nombre de 8 à 15 séances. L'étude de Elman et Bernstein-Ellis en 1999 a notamment montré des progrès significatifs au niveau du langage et de la communication chez des patients ayant une aphasie modérée à sévère pris en charge en groupe: entre le début de la prise en charge et 2 mois de prise en charge; et entre 2 mois et 4 mois de prise en charge. Après, les progrès ne seraient plus significatifs selon cette étude.

2.2.3.4. Les patients

De manière générale, les groupes sont formés en tenant compte: – des objectifs fixés pour chaque patient

– de la sévérité de l'aphasie

– du type de groupe que l'on veut former (jeux de langage et communication dirigée, discussion libre, thème défini, support ou méthode particulière...)

– des conditions de prise en charge au sein de la structure de rééducation.

et dans l'idéal, de l'âge, du niveau scolaire, de la personnalité et de la profession des patients afin de réunir des personnes ayant des centres d'intérêt commun (Besson et Holland, 1996)

Il est admis que le groupe de rééducation de la communication peut réunir des patients avec tout type d'aphasie. Pour presque tous les thérapeutes, le mélange de personnes fluentes et non fluentes serait bénéfique pour améliorer les interactions communicationnelles. Il est toutefois préférable d'intégrer au groupe au moins un patient fluent pour garder un certain dynamisme dans les séances. (Bouvier, Testud et Kerbaol, 1998).

Bersten-Ellis et Elman rapportent en 2005 que certains cliniciens préfèrent les groupes homogènes avec des aphasiques ayant tous un trouble modéré: les sujets de discussion sont alors plus diversifiés, les débats plus animés. D'autres préfèrent les groupes mixtes qui ont pour avantage d'enrichir la diversité des échanges au sein du groupe. Les personnes plus fluentes servent de modèle et sont motrices des

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Notons que plusieurs des groupes décrits intègrent l'entourage du patient à la rééducation en invitant régulièrement des membres de la famille à observer la séance ou à partager un moment autour d'un goûter.

En ce qui concerne le nombre de patients, les auteurs s'accordent sur un nombre allant de 4 à 7 patients (3 à 6 pour Besson et Holland en 1996; 4 ou 5 patients pour Bouvier et al. en 1998; 4 à 6 pour Patry et al. en 2006; 5 à 7 personnes selon Bersten-Ellis et Elman en 2005).

En dessous de 4 patients, il semble difficile de garder des interactions riches et de mettre en place des binômes conversationnels. Au delà de 10, le temps de parole donné à chacun est trop réduit: il faut dans ce cas réunir des personnes très autonomes, il s'agit alors plus d'un groupe d'échange que d'un groupe rééducatif.

2.2.3.5. Les animateurs

Les groupes d'aphasiques sont la plupart du temps créés par des orthophonistes. Ils peuvent être animés par les orthophonistes eux-mêmes, par un orthophoniste et un autre thérapeute de santé (ergothérapeute, infirmière, cadre de santé) ou par d'autres professionnels de santé préalablement sensibilisés aux pathologies aphasiques et aux principes de la prise en charge de groupe. Dans certains pays où la prise en charge des aphasiques après leur sortie d'hôpital n'est pas assurée (État-unis, Canada), il peut également s'agir de bénévoles engagés dans des associations d'aphasiques et formés par des professionnels. Dans tous les cas, une communication-relais est nécessaire avec les thérapeutes du langage afin de fixer les objectifs généraux et individuels, de s'interroger sur les évolutions, les difficultés de certains patients...

La plupart des groupes sont composés au minimum de 2 animateurs. Ce nombre varie en fonction du nombre et du degré d'autonomie des patients. Plusieurs études indiquent que l'alternance des animateurs au bout d'un certain nombre de séances est bénéfique pour la dynamique du groupe: elle permet de prendre du recul sur le fonctionnement et l'évolution des patients et de rassembler plus d'idées et de savoirs-faire.

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Le rôle des animateurs peut être de deux sortes (selon Bouvier et al, 1997): – ils peuvent avoir un rôle directif dans les séances: le contenu de la séance est

structuré et préparé à l'avance par les thérapeutes qui annoncent alors les thèmes de conversation ou les consignes de l'activité.

– Ils peuvent être de simples superviseurs, s'assurant de l'alternance des tours de parole, intervenant pour préciser ou relancer la conversation en cas de besoin, et évitant les situations d'échecs. Les patients ont alors le choix du thème des échanges et du contenu des séances.

La plupart du temps ces rôles ne sont pas figés, un groupe peut évoluer petit à petit d'une forme directive vers une forme qui laisse de plus en plus d'autonomie aux patients. Dans tous les cas, les thérapeutes resteront présents pour: « apporter des aides à la communication et à l'échange des idées, réguler les échanges et rendre le groupe dynamique... » (Saint-Omer, 2009)