• Aucun résultat trouvé

1.3 Dynamique d’une couche limite sur paroi rugueuse

1.3.2 Écoulement de canopée urbaine idéale

1.3.2.3 Écoulement autour d’un lot de cubes

Dans la littérature, il existe trois modèles de canopée urbaine homogène utilisant des obstacles de forme cubique avec une densité surfacique de 25% (par exemple, aligné : Cheng et Castro, 2002a ; en carré : Kanda et al., 2004 et en quinconce : Cheng et Castro, 2002a). Les figures 1.3.10.a, b, et c cor-respondent respectivement aux agencements de cubes associés : alignés, en carré et en quinconce. Pour les deux premiers montages, les cubes sont espacés de 1 h suivant l’axe longitudinal et de 3 h pour le troisième modèle. Dans les deux premiers modèles, les successions longitudinales de cubes sont séparées latéralement de 1 h. Nous pouvons nous attendre à observer une dynamique d’écoulement de cavité (du moins dans le plan de symétrie) entre les cubes comme pour une géométrie de "type d" (fig. 1.3.10.d), qui par définition est influencée par l’épaisseur de la CL. Avec le troisième modèle, nous pouvons au contraire nous attendre à une dynamique associée à une géométrie de "type k" (fig. 1.3.10.e), qui par définition est influencée par la taille des obstacles.

Pour ces trois modèles, la proximité des cubes peut limiter voire contraindre le contournement de l’écou-lement autour des cubes (en fonction du nombre de Reynolds ; Jiménez, 2004) et donc perturber le développement des structures tourbillonnaires comme suggéré dans le cas d’un tandem de cubes en quin-conce (sect. 1.3.2.2). Toutefois, avant le début des années 2000, la dynamique de ce genre d’écoulement n’était pas suffisamment connue pour le confirmer (Jiménez, 2004). Les premières simulations en souf-flerie d’une CL se développant au-dessus d’un agencement de cubes alignés et en quinconce, avec une densité surfacique de 25% et un nombre de Reynolds élevé, sont réalisées par Cheng et Castro (2002a).

Figure1.3.10 – Agencements de cubes : a) alignés, b) en carré et c) en quinconce (vue du dessus). Ces agencements sont associés à des régimes d’écoulements : d) de "type d" et e) de "type k" (vue de coté), suivant la dénomination de Perry et al. (1969), reprise par Jiménez (2004).

Ces derniers s’intéressent dans un premier temps au comportement spatial de l’écoulement dans les SCR et SCI. Castro et al. (2006), se focalisant sur la configuration en quinconce, fournissent des profils ver-ticaux de vitesse moyenne longitudinale et de tension de Reynolds (avec des résultats dans la canopée). Pour ces différents modèles, les travaux de Coceal et al. (2006, 2007a,c, 2008) basés sur des simulations numériques (DNS) fournissent de nouvelles informations tri-dimensionnelles détaillées sur l’écoulement de canopée. Outre le fait que la présence des obstacles influence fortement la structure de l’écoulement moyen et la turbulence, Coceal et al. (2006) constatent que la présence d’obstacles de hauteur uniforme est propice à la formation de couches de fort cisaillement.

Coceal et al. (2007c) commencent à documenter le comportement spatial de la turbulence à l’intérieur de la canopée pour les configurations en quinconce et en carré. Ils notent par exemple que pour une disposition de cubes en quinconce, les régions sources de quantité de mouvement (c’est-à-dire ayant une forte contribution positive à la contrainte de cisaillement moyenne) sont très localisées au niveau des arêtes des faces amont des obstacles (fig. 1.3.11.a). La localisation de ces sources est cohérente avec la distribution des fortes valeurs d’énergie cinétique turbulente (fig. 1.3.11.c) associées avec les couches de cisaillement (Coceal et al., 2007a). De plus, la distribution spatiale de la contrainte de cisaillement montre une contribution positive devant l’obstacle où se situe une structure tourbillonnaire permanente et une contribution négative en aval de l’obstacle dans la zone de recirculation (fig. 1.3.11.d). Pour une disposition de cubes en carré, les régions de fortes valeurs du cisaillement moyen et de l’énergie cinétique turbulente se situent dans les "rues" (fig. 1.3.11.b et c) et sont plus étendues. Pour cette disposition, il existe de fortes variations spatiales de la contrainte de cisaillement uniquement entre les cubes ce qui doit être dû à des recirculations (fig. 1.3.11.f).

Coceal et al. (2007c) décrivent la distribution de ces statistiques à travers une "rue" (entre deux bâti-ments, suivant un plan vertical et normal à l’écoulement pour une position longitudinale x = 2, 5 h) en fonction de l’altitude. Pour la distribution de cubes en quinconce, le cisaillement est légèrement plus élevé

Quinconce Carré u w /u 2 a) b) T K E /u 2 c) d) ˜u ˜w /u 2 e) f)

Figure1.3.11 – Distributions, dans le plan horizontal, de la contrainte de cisaillement uw (première ligne), de l’énergie cinétique turbulente (seconde ligne) et de la fraction de contrainte dispersive ˜u ˜w (troisième ligne), adimensionnées par u∗2 dans le cas d’un agencement de cubes en quinconce (colonne de gauche) et en carré (colonne de droite) à une altitude z = 0, 25 h, d’après Coceal et al. (2007c).

Figure1.3.12 – Mise en évidence de lâchers de structures tourbillonnaire au sommet d’un cube par les isocontours de la composante transversale de vorticité, selon Coceal et al. (2007a).

Figure 1.3.13 – Visualisation de régions de cisaillement local au sein du modèle de canopée : a) composante verticale de la vorticité dans le plan horizontal à une altitude z = 0, 5 h, b) composante longitudinale de la vorticité dans le plan vertical et normal à l’écoulement situé à 1, 5 h en aval d’un cube (Coceal et al., 2007a).

dans la partie haute de la canopée et à proximité des parois latérales mais sa variation spatiale est plus importante dans la partie basse de la canopée, au centre de la rue et à proximité des obstacles. L’énergie cinétique turbulente est, elle, relativement uniforme sur toute la largeur de la "rue". Cette statistique augmente avec l’altitude. Pour une distribution de cubes en carré, le cisaillement et l’énergie cinétique turbulente sont plus importants au centre de la "rue" qu’à proximité des obstacles mais ils deviennent homogènes transversalement au sommet de la canopée. La variation spatiale de la contrainte moyenne de cisaillement est dans ce cas nettement plus intense au sommet de la canopée, au centre de la rue et à proximité des obstacles.

Dans le cadre d’une étude sur un ensemble d’obstacles de différentes hauteurs avec un agencement en quinconce et une densité de 25%, Xie et Castro (2006) obtiennent, à l’aide d’une LES, des résultats similaires à ceux de Coceal et al. (2007c) au-dessous de la hauteur moyenne de la canopée.

L’exploitation des DNS pour la configuration en quinconce se poursuit avec les résultats de Coceal et al. (2007a). Les auteurs utilisent l’analyse par quadrants, des corrélations spatio-temporelles en deux points et des moyennes conditionnelles. Ainsi, trois régimes d’écoulements sont identifiés. Le premier se situe au-dessus de la canopée pour lequel Coceal et al. (2007a) mettent en évidence des tourbillons en épingle à cheveux (utilisant le critère λ2 proposé par Jeong et Hussain, 1995) et des "stries" (en filtrant des champs de vitesses instantanées tel Tomkins et Adrian, 2003). Le second régime d’écoulement se situe au niveau du sommet de la canopée. Des couches de cisaillement se développent au sommet des cubes, s’enroulent et lâchent des structures tourbillonnaires. En aval d’un cube, la couche de cisaillement a un mouvement de battement de telle sorte que des structures tourbillonnaires sont lâchées alternativement dans la canopée et vers la couche limite. Les structures pénétrant dans la canopée peuvent impacter l’obstacle en aval de celui par lequel elles sont générées et se diriger vers une zone de recirculation. La taille des structures lâchées (pseudo diamètre dans le plan de symétrie du cube) dans le sillage est petite par rapport à la hauteur du cube (fig. 1.3.12). En effet, la canopée est le siège de nombreuses et

com-Figure 1.3.14 – Mise en évidence de la dynamique de l’écoulement entre deux cubes alignés dans la direction longitudinale pour un agencement en carré (à partir de mesure par PIV), suivant deux modes : (a) flushing motion et (b) tourbillon de cavité, selon Takimoto (2009) d’après (Castillo, 2010).

plexes interactions entre des tourbillons lâchés par les parois latérales et le sommet des cubes et leurs distorsions causées en impactant d’autres obstacles, ce qui constitue la troisième région d’écoulement. Comme le montre la figure 1.3.13, ces structures tourbillonnaires se situant dans la canopée sont de taille inférieure à la hauteur des obstacles.

Pour un agencement de cubes en carré, Takimoto (2009) détermine deux régimes d’écoulement entre deux cubes dans le sens de l’écoulement. Ainsi, à partir de champs de vecteurs vitesse instantanée issus d’une mesure par PIV, il définit comme premier mode un mouvement vertical en provenance de la cano-pée vers la couche limite pour lequel plus de 55% des vecteurs de la cavité sont caractérisés par w > |u| et le nomme "flushing motion" (fig. 1.3.14.a). Castillo (2010) précise que relativement à l’ensemble des événements observés, ces flushing motions semblent transporter de manière plus intense la chaleur de la "rue canyon" vers la couche supérieure. Le second mode observé par Takimoto (2009) correspond au "tourbillon de cavité" (fig. 1.3.14.b). Pour ce genre d’événement, le transport de chaleur est localisé dans la "rue canyon".

Ces différentes études ainsi que celles au-dessus d’une paroi plane suggèrent qu’il existe un lien entre les structures cohérentes de la CL, les structures cohérentes et/ou mouvements organisés à proximité de la paroi. Déterminer un couplage entre la dynamique de l’écoulement de canopée et celle de l’écoulement de la CL permettrait d’approfondir notre compréhension des transferts à l’interface entre la canopée urbaine et la couche limite.