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Chapitre 8. La relation entre l’école et les parents

2. LES ÉCOLES SELON LE MODÈLE AMÉRICAIN

La famille A et la famille B ont toutes deux choisi une école dont la langue d’enseignement est l’anglais. Ce sont deux écoles américaines qui ont basé leur réputation sur un enseignement en anglais de qualité avec de petits groupes par classe et qui par conséquent sont très chères (entre 700 et 1300 dollars par mois par enfant, dépendamment de la classe où il est). Veronica et Antoine (famille B, annexe 5) évoquent ainsi les raisons pour avoir choisi l’école de leurs enfants : 215 « bon mais on a vu d’autres écoles on a visité Perpetuo Socorro », 216 « Perpetuo », 217 « et d’autres écoles mais finalement on a préféré celle-

là », 219 « c’était la meilleure école et », 221 « et les classes étaient un peu plus petites »,223

« d’accord ce n’était pas l’anglais qui a été le choix », 224 « non non une série de facteurs la proximité étant un », 226 « étant un des facteurs bien sûr pas le plus important », 228 « mais bien sûr un enseignement de qualité », 230 « Saint Johns étant quand même reconnue parmi les meilleures écoles de Porto Rico », 232 «et que nous avons visité des écoles et clairement c’est une petite école Saint Johns c’est sept cent élèves donc c’est relativement petit », 234 « et euh je dirai un traitement des enfants pratiquement individualisé bon un certain nombre d’éléments qui ont fait que Saint Johns était le choix logique et le fait qu’ils parlent anglais moi pour moi franchement c’est important qu’ils

apprennent à parler l’anglais ». Ainsi ce qui transparaît à travers cet extrait, c’est bien que les

parents choisissent une école sur différents critères, ceux qui sont les plus importants pour eux, et les plus adaptés aux besoins de leurs enfants. L’anglais comme langue d’enseignement, a été pris en compte dans la décision, comme l’exprime le père mais n’a pas été celui décisif dans la sélection. Ce critère de sélection se retrouve chez les parents de Simon (famille A, annexe 4): 82 «Simon ça a été le fruit d’une décision », 83 «parce que le choix de l’école s’est fait en fonction de la langue vous vouliez par rapport à Simon que ce soit l’anglais », 86 « ah oui pour Simon ça s’est fait en fonction de la langue pour Pauline ça s’est fait plus en

fonction de de ».

L’autre facteur qu’il semble important de mentionner dans ce choix de l’école est l’attention particulière apportée à l’enfant et à ses besoins. Il apparait dans le premier extrait

différence en fait et à cons-à maintenir cette différence enfin à pas à la maintenir mais à la cultiver en fait cultiver le fait que les gens sont différents et c’est des choses qui arrivent et on les aide à s’intégrer mais euh on sait qu’ils sont différents enfin on Simon il va dans un cours spécial d’anglais il va dans un cours spécial d’espagnol c’est des choses qu’on a jamais eu à demander et qui se sont faites toutes seules à l’école et je pense que ça vient quand même du système et du fait qu’ils sont

assez attentionnés au fait que les enfants sont différents apprennent différemment euh ». Le corps

enseignant de l’école a pris en compte la différence et le désavantage de Simon par rapport aux langues et tout un système de soutien s’est mis en place la première année pour pallier ce désavantage et le mettre au niveau. Cette prise en charge de la différence met en avant une écoute de l’étudiant et de ses besoins de la part de l’administration de l’école. C’est une relation de confiance qui s’est ici installée entre les parents et l’école de leurs enfants.

Regardons maintenant comment est enseignée l’autre langue, l’espagnol, dans ces écoles de type américain.

2.2 L’enseignement de l’espagnol

Ces écoles dont la langue d’enseignement est l’anglais offrent des cours d’espagnol tous les jours sous deux formes différentes : comme langue première ou maternelle adressés aux enfants portoricains, et comme langue seconde pour les enfants nouvellement arrivés et qui n’ont généralement pas de connaissance de cette langue.

2.2.1 L’espagnol comme langue seconde

Simon, la deuxième année de son arrivée à Porto Rico, reçoit ces cours en espagnol, appelé continental décrit ainsi par sa mère : 197 « oui je pense oui parce qu’il est avec trois ou quatre c’est ce qu’il m’a dit il est avec trois ou quatre autres élèves qui ne sont pas hispanophones au départ », 199 « donc voilà ils sont ils sont dans une section à part ouais c’est ça », 201 « où en fait ils apprennent comme deuxième langue en fait », 203 « c’est espagnol deuxième langue en fait ».

Ce sont donc de petits groupes d’enfants qui reçoivent ce cours d’espagnol dont le contenu s’adapte au niveau des compétences langagières des enfants. Par rapport au cours d’espagnol de Simon, Aude évoque l’attention que porte l’institutrice à l’effort fourni par celui-ci. Elle serait en effet plus sensible au fait que Simon fait des efforts et des progrès dans son apprentissage que sur le contenu de ce qu’il sait vraiment : 195 «je pense que c’est aussi ça j’en ai jamais vraiment pas parlé mais au final je pense euh que ça doit être la manière dont ils notent dont ils apprécient son le le fait qu’il apprenne l’espagnol à l’école c’est plus sur l’évolution que sur le contenu de ce qu’il sait faire bon après s’il fait la même euh j’ai regardé deux ou trois fois le cahier d’espagnol s’il fait exactement la même chose que les autres je pense pas qu’il ait un niveau

envers l’école de son fils et la manière dont est envisagé l’enseignement-apprentissage des langues.

2.2.2 L’espagnol comme langue première

Un reproche est fait toutefois à l’encontre de ces écoles américaines par rapport au niveau de l’espagnol acquis par les enfants portoricains. En effet, les étudiants sortant de ces écoles n’auraient pas une maîtrise suffisante de la langue écrite et n’atteindrait pas le niveau de celle obtenue à la sortie des écoles dont la langue d’enseignement est l’espagnol. C’est certainement vrai puisque l’espagnol ne reçoit pas du tout la même attention que l’autre langue : il n’existe qu’en tant qu’enseignement d’une langue, quotidien certes (quarante minutes), mais n’est pas utilisé comme vecteur d’enseignement. Que ce soit Saint Johns ou Robinson School4, les deux écoles américaines choisies par les familles A et B pour leurs enfants, le sentiment reste d’une certaine dévalorisation de l’espagnol comparé à l’anglais. Ce sont dans ces écoles privées américaines que de nombreux étrangers, de milieu socio- économique élevé, placent leurs enfants. Souvent, l’anglais a la priorité sur l’espagnol et est alors la langue à acquérir de manière formelle.

Cependant, Veronica de la famille B mentionne une certaine prise de conscience de cette situation dévalorisant l’espagnol et selon elle, une nouvelle approche verrait le jour à Saint Johns tentant de redonner un peu plus de poids à cette langue, (Annexe 5) : 182 « [..après ils ont changé un peu », 183 « la méthode », 184 « la méthode », 186 « ils ont changé ils ont voulu que l’espagnol prenne de l’importance », 189 « oui ils placent une importance », 190 «ils placent de

l’importance ». Veronica semble plutôt satisfaite de cette nouvelle tendance selon laquelle

l’espagnol est en train de prendre une place plus importante au sein de ces enseignements scolaires, même si l’anglais reste toujours la langue dominante.

Un autre élément d’explication par rapport au niveau de l’écrit des étudiants, mais cette fois-ci concernant tous les enseignements, est l’approche américaine sur l’enseignement mettant l’accent sur l’oralité. Les travaux des étudiants sont plutôt axés sur des exposés ou des présentations orales et ces travaux prennent souvent le pas sur les rédactions ou autres genres de travaux écrits. Aude en parle d’ailleurs(famille A, annexe 4)) :

143 «après en anglais a priori ça a l’air de bien se passer sur l’orthographe en sachant que ce qu’on voit sur la manière d’apprendre la langue dans ce contexte d’école américaine est quand même beaucoup moins orientée sur l’écriture et donc en fait ils écrivent beaucoup moins que ce qu’on leur

demande de faire au même niveau en français donc après de dire c’est un peu difficile mais

euh », 146 « moi je ressens ça comme secondaire et lui ». Simon est bien sûr à l’école élémentaire

et cette remarque s’applique donc à celle-ci mais la tendance reste toutefois la même au collège et au lycée. Dans la situation de Simon, dont le besoin de communiquer avec le milieu autre que familial est immédiat, cette focalisation sur l’oral est bénéfique et lui a certainement permis d’évoluer plus rapidement dans l’acquisition de l’anglais. Notons par ailleurs que même si la décision d’introduire l’espagnol plus tard a été prise par les parents et nous supposons par l’administration de l’école, la famille A ne s’est pas confrontée à une école décourageant le bilinguisme voire le trilinguisme. En fait, une politique langagière ou un « plan langagier sur du long terme » s’est mis en place dans le contexte scolaire pour appuyer l’enfant et son immersion dans deux langues étrangères.

Nous nous proposons maintenant de voir du côté des écoles portoricaines, choisies par les deux autres familles de notre corpus.