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CHAPITRE II. LES LIEUX DE CONTACT

3. L’école

Si le travail est le pilier central pour l’intégration des immigrants d’âge adulte, l’école est sans contredit pour leurs enfants la porte d’entrée dans la société québécoise (Forget, 2004).

« L’immigration est toujours le résultat d’un projet de réussite socioéconomique porté par l’immigré et qu’il transpose sur ses enfants lorsqu’il ne l’a pas atteint pour lui-même, ou l’a atteint de manière incomplète » (Villers, 2005, p.18). La scolarité des enfants est déterminante dans la perception qu’ont les immigrants de leur projet migratoire et le système scolaire est alors considéré comme la porte d’entrée principale pour leurs enfants dans leur pays d’accueil et d’eux-mêmes, par extension (Patriciu, 2001 ; Taleb, 2007). Car si le travail leur permet de vivre dans la dignité, si l’accès au logement est un élément fondamental dans leur implantation dans le pays d’accueil, les études, pour les enfants, sont le garant d’un monde meilleur. Les enfants subissent « de fortes pressions de la part de leurs parents pour la réussite scolaire» (Bérubé, 2004, p.31). Le succès du projet d'immigration dépend en effet pour les parents de la réussite scolaire de leurs enfants.

Cependant, deux obstacles majeurs se dressent devant cette réussite : la paupérisation des parents et les stéréotypes ou préjugés qui leur collent à la peau. Comparés aux enfants dont les parents déclarent des revenus supérieurs à 80.000 $, le risque d’abandon scolaire est quatre (4) fois supérieur pour les enfants dont les revenus familiaux sont de moins de 20.000 $ (Bouchard, 2001).

La marginalisation ou l’inclusion précaire des enfants ne prend pas toujours une forme de mésadaptation ou de pathologie. Elle peut être discrète et s’installer très insidieusement dans la vie des enfants. Les données dont nous disposons montrent que les enfants et les

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jeunes dont les parents déclarent des revenus insuffisants ou très modestes s’abstiennent en plus grand nombre de participer à des activités sportives ou parascolaires. Cela les écarte d’occasions d’apprentissage à la sociabilité. Mais plus encore, cela mine leur sentiment d’appartenance au groupe et à l’école, facteur de protection puissant contre l’abandon scolaire (Idem, pp.18-20).

L’exclusion apparaît alors comme la conséquence de la défavorisation, qui implique à son tour une restriction sur le plan des occasions ou des possibilités de participation à la vie sociale (Groulx, 2011, p.IV). La dégradation de l’image des parents aux yeux des enfants les poussent à prendre des distances. Les garçons ne veulent plus ressembler à leur père « décrit comme une pure victime passive dans le travail et, souvent, comme un tyran à la maison » (Dubet, 2008, p.408) ; les filles ne s’identifient plus à « des mères dont le statut et la soumission semblent intolérables » (Idem, p.

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La grande difficulté pour plusieurs immigrants de faire reconnaître leurs compétences et leurs diplômes, par exemple, entrave leur intégration et leur réussite. La discrimination qui frappe même ceux qui réussissent à l’école incite un certain nombre de jeunes à délaisser cette voie, à penser qu’ils ne seront jamais intégrés au marché de l’emploi. De là à emprunter quelques raccourcis pour se faire une place au soleil, il n’y a qu’un pas : l’appartenance à un gang et la participation à des activités délinquantes, fort lucratives, voilà en apparence une bonne « solution » pour nombre de jeunes désœuvrés (Dorais, et Corriveau, 2006, pp.18-19).

Au Québec, sous l’influence de ce qui se passe en Europe et aux États-Unis d’Amérique, le phénomène des gangs auquel font référence les médias, prend de plus en plus d’ampleur. Il n’est plus l’apanage de jeunes d’origine antillaise –haïtienne et jamaïcaine en particulier-. « Des gangs regroupant des jeunes d’origine latino-américaine, arabe et asiatique » (Idem.) ont vu également le jour et rivalisent avec ceux qui les ont précédés.

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CHAPITRE III LE CADRE THEORIQUE

Le cadre théorique qui oriente cette thèse concerne les représentations que portent les immigrants sur leur parcours migratoire. Guidée par un objectif de compréhension, cette thèse prend appui sur la manière dont les acteurs sociaux attribuent un sens à leur expérience et orientent leur action en fonction de leurs représentations (Abric, 2001). Les processus d’insertion ou d’exclusion des immigrants sont souvent insaisissables en dehors de leurs représentations. La trajectoire « définie comme la suite des positions sociales occupées durant la vie » (Dubar, 1998, p.73) et la représentation sociale, qui renvoie à cette « trajectoire » exprimée dans les récits divers aux moyens de catégories « renvoyant à des mondes sociaux » (Idem), sont importantes dans l’analyse du phénomène migratoire dans la mesure où

ce sont les catégories sociales, intériorisées tout au long du cycle de vie (niveaux scolaires, catégories professionnelles, positions culturelles...), qui constituent les matériaux à partir desquels les individus s’inventent des identités singulières pour unifier leur existence et tenter de faire reconnaître leur prétention dans tel ou tel champ de la pratique sociale (Ibid, p.75).

L’expérience migratoire « est à la fois un projet (de vie), un trajet (le voyage) et un parcours (des étapes). C’est une expérience déstabilisante » (Fronteau, 2000, pp.3-4) qui commence par une simple idée et se transforme en projet de vie parsemé d’embuches et dont les maillons sont inter-reliés. Les représentations sociales liées à chacune de ces étapes révèlent les raisons qui poussent une personne à quitter son pays et comment cette décision se transforme en projet : la personne immigrante a-t-elle agi seule ou de concert avec les membres de sa famille ? Quelles ont été ses stratégies d’action ? Était-elle bien informée de ce qui l’attendait ou s’est-elle plutôt fiée à l’influence de parents, d’amis, de médias et de ouï-dire ? Ici, les informations ne peuvent provenir que des immigrants eux-mêmes, de toute évidence, car il s’agit de représentations sociales construites au début de leur projet migratoire. Les représentations qu’ils se font dans leur pays d’origine et celles qu’ils développent après leur installation dans le pays d’accueil permettent de mieux comprendre les difficultés qu’ils rencontrent et le sens qu’ils attribuent à leur projet migratoire en termes de réussite ou d’échec.

L’imaginaire des candidats est central dans la période pré-migratoire : quelle était leur image du pays vers lequel ils veulent émigrer (Legault, 2000) ? Le regard qu’ils portent sur leurs conditions

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de vie dans leur pays d’origine, leur statut social, leurs aspirations et leurs attentes permettent d’identifier les raisons et les motivations qui les ont poussés à émigrer (Jimenez et Elmadmad, 2016). Plusieurs migrants estiment que l’émigration est le moyen le plus efficace pour améliorer leurs conditions de vie sur le plan social et économique, alors que pour d’autres c’est l’environnement social, la meilleure scolarisation des enfants, la sécurité, la liberté d’expression et le respect des droits humains qui sont leurs motivateurs. Les imaginaires migratoires n’ouvrent cependant pas toujours la voie à la réussite. Ils peuvent aussi nuire au projet migratoire, en particulier lorsqu’ils sont trop éloignés de la réalité ou lorsqu’ils ne tiennent pas compte du contexte dans lequel ils s’inscrivent. La migration étant un moment de rupture entre deux mondes, celui du pays d’origine et celui du pays d’accueil, l’adaptation devient parfois difficile, surtout pour ceux qui mènent une vie aisée chez eux et croient pouvoir réaliser rapidement le rêve d’améliorer leur niveau de vie dans le pays d’accueil. Une image idéalisée du pays hôte peut générer son contraire dès les premières difficultés d’adaptation.

Comment la personne migrante a-t-elle ressenti son départ ? Comment a-t-elle vécu son arrivée à son pays d’accueil ? À quelle période de l’année est-elle arrivée à ce pays et dans quelle conjoncture économique et politique ? Quelle image projette-t-elle de cet instant ? Les réponses à ces questions varient selon les individus, les circonstances et au fil des ans, mais celles apportées par les immigrants concernés sont d’une importance inestimable, car même en ne reflétant qu’une part de « la réalité », ces représentations déterminent leurs choix, leurs stratégies d’action et leurs trajectoires. Les représentations liées à chaque étape de leur migration sont en effet en partie le produit de celles collées à la période qui la précède et ont, à leur tour, une influence sur le contexte de celle qui s’en suit.

Au cours de la phase d’immigration, la date d’arrivée joue un rôle non négligeable dans l’insertion des nouveaux arrivants, car dans les moments de récession ou de crise économique, les natifs se replient sur eux-mêmes et sont plus réticents à l’égard de ceux qu’ils voient comme étrangers (Héran, 2002, p.29). Les conditions d’accueil sont également importantes, elles préviennent les désordres émotifs et favorisent le bien-être. Un des éléments clé de cet accueil reste la présence d’une communauté de la même origine culturelle (Bérubé, 2004, p.26). « Les réseaux d’entraide se dessinent presqu’instantanément lorsque de nouvelles familles arrivent, surtout quand elles sont issues de communautés déjà bien implantées et structurées dans le pays d’accueil » (Rachédi et

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Vatz-Laaroussi, 2004, p.11). Cette communauté constitue un relais culturel qui protège le nouvel arrivant de l’isolement et lui fournit des informations sur le pays hôte et parfois même l’aide matérielle (financière ou autres). Cela dit, l’accès au marché du travail demeure la condition la plus importante dans le contexte post-migratoire. Cruciale, cette phase est souvent marquée par

« la lutte des places », non « d’une lutte entre des personnes ou entre des classes sociales, mais d’une lutte d’individus solitaires contre la société pour retrouver une « place » c’est-à-dire un statut, une identité, une reconnaissance, une existence sociale » (de Gaulejac, 2010, p. 19). Arrivés

« dans une société de « battants » dans laquelle la réussite est fondamentalement individuelle » (Idem, p.45), certains immigrants suivent un chemin chaotique composé de moments de régression et de moments de promotion. Pour plusieurs d’entre eux, le déclassement devient problématique, « les probabilités de retour à la classe d’origine (étant) faibles » (de Gaulejac, 1999, pp.124-125). Dès qu’ils commencent à douter de leurs compétences et à se sentir vulnérables, leur rêve d’améliorer leurs conditions de vie devient difficile à réaliser et leurs critiques à l’égard de leur pays hôte, de sa politique d’immigration et parfois même de sa population, deviennent de plus en plus manifestes.

Contrairement à la période prémigratoire, celle de l’immigration est façonnée par des moments de continuité et de rupture et par les efforts d’adaptation. Ces éléments teintent les représentations.

Les personnes immigrantes se forgent aussi des représentations qui peuvent devenir une force motrice qui pousse au travail et au succès, ou façonner négativement les trajectoires migratoires, bloquer l’insertion et se transformer en prétexte justifiant l’échec du projet.

Si elles façonnent les trajectoires, les représentations sociales se construisent, par contre, sur le socle des difficultés ou des opportunités de promotion sociale et économique. Plusieurs travailleurs qualifiés, cadres administratifs ou techniciens professionnels, font état de leur déception quant à leur choix du Québec et du Canada (Lenoir-Achdjian et al., 2009). En dépit de leurs compétences, des efforts qu’ils déploient et des structures publiques et privées mises en place pour leur accueil et insertion sociale et professionnelle, ils éprouvent des difficultés à s’adapter et trouvent que les discriminations réduisent leurs possibilités (Lagrange, 2010 ; Mègre, 1998). Le décalage entre les attentes fixées avant l’émigration et la situation à laquelle ils ont abouti leur pose problème et bouscule leurs convictions. Certains ont, à leur arrivée, une perception positive des institutions du pays d’accueil, mais dès qu’ils développent des relations avec ces institutions, les choses se

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compliquent : « des barrières physiques, géographiques, culturelles, linguistiques et autres ont pour résultat de transformer ces perceptions, le plus souvent en perceptions négatives » (Bertot et Jacob, 1991, p.63).

La réalité migratoire est multidimensionnelle et complexe. Elle nécessite d’être appréhendée à la fois à partir de manières objective et subjective, c’est-à-dire à travers l’étude des trajectoires migratoires et des représentations sociales des immigrants, car ces représentations traduisent « leur conception du monde, leurs cadres de référence et leur position sociale » (Moscovici, 1979, p.16) et guident leur comportement dans les différentes trajectoires migratoires. Etre immigrant, c’est être confronté à l’ailleurs, à l’autre, à la différence.

C’est à la fois un acte de renoncement et d’acceptation […] où l’immigrant vit le dépaysement, le questionnement de soi, la découverte d’un tout autre référent symbolique qui lui permet, à son tour, de voir son propre horizon de référence avec un nouveau regard modifié par la distance et le temps (Paradinas, 2005, p.359).

La réflexion sur les trajectoires migratoires et les représentations que se font les immigrants de leur parcours migratoire permet de comprendre à la fois les conditions objectives dans lesquelles ils évoluent, la subjectivité qui les façonne et le « sens (des) changements vécus ainsi (que des) différences perçues entre les cultures, les modes de vie, les statuts sociaux, les places délimitées et mobilisées » (Vatz-Laaroussi, 2001, pp.73-74). L’émigration et l’immigration renvoient aux raisons qui attirent les gens vers l’extérieur (opportunités professionnelles, meilleures conditions de vie, système d’éducation plus performant, etc.) et à celles qui les poussent à quitter leur pays d’origine (fermeture du marché du travail, manque d’opportunité professionnelle, instabilité politique et économique, insécurité, etc.) (Michaud, 2010). Le chemin parcouru et le regard que porte l’immigrant sur ce chemin sont souvent indissociables. Les multiples formes des trajectoires migratoires sont le fruit d’une dynamique entre les origines socioéconomiques des migrants, leur histoire migratoire familiale et collective, les mutations sociales dans leur pays d’origine, les politiques d’immigration canadiennes et québécoises et l’expérience d’immigration dans le pays d’accueil (Garneau, 2008). Pour saisir ce phénomène, on ne peut faire l’économie des « histoires, (des) cultures et (des) espaces multiples traversés et portés par l'immigrant » (Rachédi, 2008, pp.98-99), dont les lieux de départ et d’arrivée (Marchandise, 2009) et le contexte sociohistorique dans lequel évolue l’expérience migratoire. Le chemin n’est pas tracé d’avance, il est le résultat d’interactions complexes entre l’individu et son monde social (Bertrand et Nadeau, 2006). C’est

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une question de trajectoires concrètes et de représentations qui évoluent au fil des temps et en fonction de leurs contextes.

L’étude des trajectoires interroge la notion de cheminement, donc du temps et aborde les séquences repérables ainsi que les tournants majeurs (Abbott, 2010), alors que celle des représentations renvoie à la « vision explicative de la réalité » (Helly, 1992, p.23). L’approche de la situation des immigrants sous l’angle de ces deux concepts permet de les confronter à la question de l’adaptation dans la société d’accueil et aux processus d’insertion ou d’exclusion auxquels ils sont confrontés dans cette société.

1. Parcours et trajectoires

Si les représentations agissent sur le choix des trajectoires, l’inverse est aussi vrai. Pour approcher celles-ci, il est important de les distinguer du parcours de vie. Celui-ci est une séquence d’événements qui se déroule en fonction des groupes d’âge et qui est socialement définie et ordonnée dans le temps et le contexte historique. Il résulte de l’ensemble des trajectoires d’un individu (familiale, éducationnelle, professionnelle, résidentielle, etc.) (Gherghel, 2013).

Life course dynamics arise in part from the interplay of trajectories and transitions, an interdependence played out over time and in relation to others. Interdependence emerges from the socially differentiated life course of individuals, its multiple trajectories, and their synchronization. The interdependence… is also expressed in concurrence and overlap of transitions along different pathways (Elder, 1985, pp. 32-33).

Le concept de parcours de vie (life course) est souvent adopté pour désigner le ou les modèles socioculturels qui organisent la trajectoire de la vie des individus dans une société et une période historique données. Il s’agit d’un « ensemble de règles qui organise les dimensions fondamentales de la vie sociale de l’individu » (Bury, 2010, p.1) qui se distingue de celui de trajectoire suivie par les individus ou un ensemble d’individus (groupes sociaux, cohortes). Le concept de parcours de vie permet de mettre en regard les cadres sociaux (les modèles du parcours de vie, l’ensemble des appareils organisés) et les trajectoires individuelles ou de groupes et fournit un cadre d’analyse des interactions entre les transitions et les processus impliqués (Idem). Il permet aussi d’analyser le déroulement des vies des individus à partir de leur donné biologique et leur capacité de réflexivité, cernés dans une dimension temporelle et un contexte donné (de Montigny Gauthier et de Montigny, 2014). En revanche, la trajectoire « est d’abord une route, un itinéraire. Elle induit un

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point de départ et un point d’arrivée et expose des conditions comme des modalités de la traversée qui sont essentielles ici » (Jolivet, 2007, p.2). Le concept de trajectoire apporte l'idée de déplacement dans l'espace.

À première vue, rien ne la rapproche de l'histoire ou de la mémoire. La physique projectile mécanique, qui lui a donné son acception première, considère la trajectoire comme la

« courbe décrite par le centre de gravité d'un mobile ». La balistique la représente comme la courbe du projectile éjecté de l'arme. Pour l'astronome, la trajectoire est l'orbite décrite par le corps céleste autour d'un axe ou encore, si ledit corps est projeté, la course entre son point d'origine et son point d'arrivée (Fournier-Plamondon et Racine-Saint-Jacques, 2014).

Loin de se cantonner aux seules sciences naturelles, ce concept trouve une acception opératoire chez les praticiens des sciences humaines et sociales. Il offre aux chercheurs en géographie ou en sciences de l'orientation une autre clef de lecture pour appréhender des objets de recherche, où la trajectoire physique se conjugue à une trajectoire discursive, racontée, remémorée. (Idem.). Il « incite à comprendre le devenir biographique comme le produit d'une interaction entre l'action des individus et le déterminisme des structures » (Passeron, 1989, p.3). Il aide également à saisir ce qui a pu influencer les parcours de vie des personnes et à se placer dans le mouvement même de l'expérience d'immigration avec sa dynamique complexe et ses dimensions spatiotemporelles, culturelles et structurelles (Martin, 2007).

L’analyse des trajectoires migratoires suit l’itinéraire de l’individu et tente de comprendre « les événements qui ont percuté cette trajectoire, les ressources dont l’acteur a fait preuve pour éventuellement les surmonter, les réorganisations ou réorientations dans les choix scolaires, professionnels ou encore familiaux survenus » (Fortino, 2009, p.8). Elle accorde une importance forte aux cheminements individuels et à la particularité de chaque histoire, tout en considérant les récits de vie recueillis « comme des moyens d’accès à la connaissance d’objets socio-historiques tels que mondes sociaux ou situations socialement construites » (Bertaux, 1997, p.118). Les trajectoires peuvent ainsi se lire comme des expériences « à la fois singulières et collectives » (Fortino, Idem).

À la trajectoire factuelle des positions occupées dans le temps et l’espace, peut se joindre une autre subjective, qui trouve son expression dans les expériences racontées, individuelles et collectives (Fournier-Plamondon, 2014). La trajectoire migratoire (ou de vie) de l’individu s’inscrit alors dans sa capacité à discriminer les événements de son histoire et le sens qu’il donne « à son parcours,

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afin de produire une adaptation intelligente entre la réalité et les possibilités de changement qui s’offrent à lui » (Muriani, 2014, p.73). Mais, à elle seule, l’analyse des trajectoires nous semble insuffisante pour comprendre la complexité du phénomène migratoire, car tout en interrogeant la notion de cheminement, donc du temps, et abordant les séquences repérables et les tournants majeurs (Abbot, 2010), elle fait surtout référence à des formes de causalité d’une séquence à une autre. C’est donc le recours aux représentations qui fait sortir l’analyse de l’approche uniquement déterministe (Grossetti, 2010).

L’étude des trajectoires migratoires sert à mettre en relation des lieux de départ et d’arrivée avec la migration et la recomposition de pratiques de mobilités qui évoquent les espaces vécus, les liens entretenus avec le pays d’origine, les relations établies dans la ou les villes d’accueil (Marchandise, 2009, p.160) et les projets d’immigration. « C’est un processus complexe qui retrace les différentes étapes du début à la fin » (Arrache, 2002, p.10). La trajectoire détermine le système de dispositions

L’étude des trajectoires migratoires sert à mettre en relation des lieux de départ et d’arrivée avec la migration et la recomposition de pratiques de mobilités qui évoquent les espaces vécus, les liens entretenus avec le pays d’origine, les relations établies dans la ou les villes d’accueil (Marchandise, 2009, p.160) et les projets d’immigration. « C’est un processus complexe qui retrace les différentes étapes du début à la fin » (Arrache, 2002, p.10). La trajectoire détermine le système de dispositions