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Des écarts entre l‟utilisation des technologies numériques dans l‟apprentissage

2.3 Pratiques numériques à l‟œuvre en contexte universitaire

2.3.2 Des écarts entre l‟utilisation des technologies numériques dans l‟apprentissage

la classe dans les relations sociales

On se contente ici dans cette section de présenter, sans être exhaustif, la question de l‟utilisation des TIC en rapport avec les apprentissages des étudiants qu‟elle soit dans un cadre formel (en contexte scolaire) ou non formel (en contexte privé).

Dans une étude longitudinale, commande de « the Economic and Social Research Council (ESRC) » sur les usages numériques des étudiants primo arrivants dans cinq universités britanniques et qui suivent quatorze différentes disciplines de formation, Ramanau, et al., (2010) se proposent d‟examiner, à travers une série de deux enquêtes par questionnaire, le temps mis dans les usages en moyenne par semaine dans l‟usage des TIC pour les loisirs et à des fin sociales et pour les études entre autres variables. Ils ont pu observer et distinguer les comportements suivant l‟âge des étudiants selon qu‟ils soient des « digital natives » ou non. S‟ils n‟ont pas pu déceler un effet de l‟âge sur la fréquence et les attentes dans l‟utilisation des TIC, l‟usage des TIC que font les étudiants qualifiés de « digital natives » dans un contexte hors université (dans leur vie privée et sociale) ne tendent pas forcément vers un usage pour leurs apprentissages :

« […] younger students in place-based universities tended to use technology for social life and leisure purposes more frequently. It appears that the non- Net Generation students were more likely to see and experience ICT as a study tool or a learning resource, whilst the Net Generation students in the place-based universities - as a recreational tool » (p. 7).

La place des usages des TIC pour les loisirs est profondément ancrée dans un contexte hors université chez les jeunes générations natives du web qui n‟éprouvent pas trop de difficultés à manipuler les technologies alors que pour les « digitals immigrants » les usages des TIC pour l‟apprentissage sont relativement plus fréquents.

De toute évidence, nous sommes d‟avis avec Aillerie (2011) que les usages s‟avèrent entrelacés entre les recherches scolaires, souvent menées à la maison, et les recherches personnelles, quand elles existent. Les frontières entre les contextes deviennent de plus en plus perméables. Cependant on assiste à une interaction entre « deux logiques » (Guichon, 2012), celle « de l'imposition » par les outils et les comportements à travers des

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pratiques encadrées par l‟institution scolaire, et celle de « l'appropriation » qui s‟appuie sur les pratiques hors des « murs de l'école » établissant ainsi une déconnexion entre la sphère privée et la sphère scolaire dans les usages des jeunes.

Boissière, Fau et Pedró (2013) montrent que, si le taux élevé d‟équipements ainsi que les connexions à des réseaux à haut débit dans les établissements scolaires, contribuent au développement des usages, les écarts se creusent entre l‟accès des jeunes à l‟internet chez eux et à l‟école, selon le pays, malgré la tendance à la hausse de l‟accès à des équipements dans les établissements des pays de l‟OCDE. Dans leur analyse ces auteurs notent la faiblesse des usages à l‟école qu‟à domicile pour les élèves même si en classe subsistent des différences dans les utilisations du numérique suivant les matières. Ils précisent, sur la base de données de 2011 de l‟OCDE que : « les usages en classe sont encore faibles, voire quasiment inexistants tant par leur intensité (temps d‟utilisation) que par leur qualité (variété d‟utilisation et importance » (Boissière, Fau , & Pedró, 2013, p.33). Par ailleurs, en nuançant l‟idée d‟une importante adhésion des étudiants à l‟usage du numérique en contexte scolaire, ils avancent les raisons d‟un « rejet » de la scolarisation des technologies numériques en ces termes :

« La réticence des élèves de l’enseignement secondaire et supérieur quant à la ʺscolarisation du numériqueʺ, en classe notamment, peut s’expliquer par quatre raisons. La première est liée au manque de pertinence des utilisateurs pour lesquelles on leur propose des solutions technologiques. Ainsi, la majorité des élèves affirment que ce type des solutions est inadapté à leurs pratiques. La deuxième tient dans l’effort supplémentaire requis par toute innovation en classe. En règle générale, elle demande aux élèves un effort plus important pour un résultat qui ne leur semble pas suffisamment clair. Troisièmement, plus les élèves grandissent, plus leurs attentes vis-à- vis de ce qu’ils considèrent être un enseignement de qualité deviennent, paradoxalement, plus conservatrices et favorables à ce qu’ils connaissent déjà, et aux méthodes auxquelles ils sont déjà habituées. Enfin, il y a aussi, dans ce rejet, un élément important de défense par rapport à ce qu’ils considèrent être une ingérence des adultes dans cet espace exclusif que la technologie leur permet de construire avec leurs pairs. » (Boissière et al., 2013, p.39).

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Christian Depover (2010) explique le « rejet de la scolarisation des technologies » en usant de « l‟image du balancier » : à l‟engouement de l‟arrivée d‟une nouvelle technologie éducative succède la désillusion qui, elle, précède l‟arrivée imminente d‟une nouvelle. Autrement dit une innovation technologique chasse l‟autre sans que la précédente soit bien acquise, assimilée et appropriée surtout notamment par les enseignants. C‟est ce que Baron, Bruillard et Lévy (2000) appelle une « généralisation […] le plus souvent problématique ».

Malgré les écarts constatés ici et là, dans les universités européennes et occidentales en général, entre l‟utilisation des technologies numériques dans l‟apprentissage en classe et en dehors de la classe, on peut affirmer que les technologies numériques sont devenues partie intégrante de la vie quotidienne des établissements occidentaux. En revanche en Afrique il en est autrement puisque le milieu universitaire accuse « retard d'investissement » dans les TIC. Néanmoins le tableau n‟est pas aussi sombre que l‟on peut penser. Des initiatives d‟implantation d‟usages numériques sont à l‟oeuvre en milieu universitaire africain.

2.3.3

Des pratiques d’apprentissage en transformation